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mercredi 11 février 2009

AndiamoLe cauchemar

- Allons Madame Cauchois, remettez-vous, calmez-vous, ici vous n’avez rien à craindre.

Irène Cauchois, soixante ans, vient de raconter pour la énième fois, son cauchemar récurrent au Docteur Mouchaud.

Elle se couche tous les soirs vers vingt-deux heures trente, vingt-trois heures, selon la durée du film passant à la télé.

Avec son mari Claude, ils se sont abonnés à un bouquet satellite, étant tous deux à la retraite, histoire de combler le temps libre, avaient-ils déclaré en guise de justification.

Cet abonnement leur dispense des films à profusion, ils adorent cela, les films, surtout les productions Américaines. Bruce Willis, Harrison Ford, Julia Roberts ou Richard Gere les comblent d’aise.

Le mot FIN à peine apparu sur l’écran, ils vont se coucher, pipi-room, un baiser du bout des lèvres, le bonn’ nuit rituel, elle s’endort facilement, Madame Cauchois.

Au beau milieu de la nuit commence le cauchemar, toujours de la même façon.

Une horrible sensation de froid intense au niveau du cou, puis elle ressent la glaciale reptation d’un serpent glissant lentement d’une oreille à l’autre. Malgré le froid du reptile, elle transpire abondamment, son pouls s’accélère, le cœur s’affole, bat la chamade, une douleur atroce lui cloue la poitrine.

Cette douleur est due à son angine de poitrine, laquelle est traitée par son médecin, le bon Docteur Mouchaud.

Puis la reptation reprend, cette fois dans l’autre sens. Elle se débat, suffoque, hoquète, jusqu’au moment où, harassée, tremblante, clouée au matelas par l’horrible douleur, elle se réveille. Claude est là, heureusement, il lui tient affectueusement la main, la rassure :  

- Réveille-toi, Irène, c’est encore ton horrible cauchemar ! Voilà, c’est fini, ma chérie, apaise-toi !

- Alors, Docteur, je me calme, la douleur s’apaise lentement, quel soulagement ! Heureusement, mon Claude est là !

Affectueusement, Monsieur Cauchois a pris la main de son épouse.

Claude Cauchois, soixante et un ans, bel homme, grand, bien conservé, les tempes argentées, l’œil vif, sportif, ses quatre-vingts kilomètres hebdomadaires à vélo ne lui font pas peur, sans compter ses mille mètres crawl, quarante bassins tout de même, en moins d’une demi-heure, accomplis chaque vendredi à la piscine municipale.

Irène est plus mémère : après ses deux enfants, elle a conservé tout l’excédent de poids pris au cours de ses grossesses, ensuite, le quotidien, un travail sédentaire, peu de goût pour l’effort, préférant la tapisserie au vélo ou à la natation.

Et puis cet infarctus, survenu trois ans plus tôt, les urgences à Bichat, depuis un régime strict.

- Bien contrariants, ces cauchemars, déclare le Docteur Mouchaud. Vous savez, Madame Cauchois, votre cœur est bien fatigué et ces  crises qui font augmenter de manière alarmante votre rythme cardiaque au point de provoquer des malaises vous menant au bord de l’infarctus m’inquiètent beaucoup… Vraiment beaucoup, je vais vous prescrire un petit tranquillisant. Oh !  Pas quelque chose de violent, dans votre état, avec votre angor, plus votre arythmie chronique, il est évident que ce serait absolument contraire, par contre un petit décontractant pris une heure avant le coucher, devrait vous aider à vous débarrasser de cet horrible cauchemar.

Rassérénés, Madame et Monsieur Cauchois regagnent leur petit pavillon de banlieue situé dans une rue tranquille de Chaville.

La journée s’écoule, quiète et monotone.

Le soir, quel bonheur ! Le quatrième volet des aventures d’Indiana Jones : le royaume du crâne de cristal ! Tout un programme…

Après le générique de fin, Irène et Claude vont se coucher, Madame s’endort quasiment instantanément, sans doute le  décontractant pris une heure auparavant, Claude ne tarde pas à la rejoindre.

Deux heures dix-sept, Claude a ouvert un œil, toutes les nuits aux environs de deux heures, il se réveille, et cela depuis de nombreuses années.

Précautionneusement, il écarte la couverture, se lève, remet la couverture en place, s’éloigne sur la pointe des pieds, ramasse au passage sa robe de chambre, posée sur le pied du lit.

Il n’allume pas : sa maison, il la connaît par cœur. Capable de la parcourir en pleine nuit sans rien heurter, il se dirige vers la cuisine.

Une légère odeur de nourriture flotte encore dans la pièce. Il se dirige, toujours dans le noir, vers le grand réfrigérateur-congélateur, ouvre la porte de ce dernier, fait glisser la ceinture de sa robe de chambre, la roule en  spirale , puis la pose sur l’une des étagères du congélo, il referme doucement la porte.

Avec d’infinies précautions, Claude tire l’un des tabourets rangés sous la table, allume le petit néon situé au-dessus du plan de travail, puis il ouvre tranquillement la pochette contenant son portefeuille.

Il a sorti une photographie : elle représente une jeune femme, mince, jolie, un sourire angélique découvre ses dents magnifiques, elle semble lui dire "je t'attends".

Claude caresse amoureusement la photographie, un sourire sur les lèvres, puis la remet en place.

Une vingtaine de minutes plus tard, il se lève, remise le tabouret sous la table, ouvre le congélateur, saisi sa ceinture, et se dirige vers la chambre, tel un chat.

Le voici debout, près de sa femme. Lentement, il déroule la ceinture glacée, applique l’une des extrémités près de l’oreille d’Irène, puis lentement, très lentement, il déplace le ruban de tissu gelé sur le cou de Madame qui commence à s’agiter.


Dessin Andiamo 2009

lundi 26 janvier 2009

AndiamoLes personnages de B.D ont-ils GNA. GNA. GNA. Vème et dernière ?

Eh oui ! c'est déjà la cinquième édition, est-ce la dernière ?

Je ne sais pas, mais dans le dernier billet traitant le sujet, vous m'avez encore surpris !

Par exemple : Calune et La Poule : elles veulent voir la TEUB d'Obélix...La teub ! Rendez-vous compte, elles causent comme les djeuns !

Bon que voulez-vous, je ne suis qu'un pauvre vieux bonhomme, alors j'ai cédé !

Mais auparavant (Chinois) un avertissement, si, si, j'y tiens, papy pervers peut-être, quoique vous l'êtes tous + ou -, plutôt : +++ que --- !

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vendredi 9 janvier 2009

AndiamoLa dernière séance

On ne voulait pas ça, TANT-BOURRIN et votre serviteur, (un peu tout de même) faire chialer dans les chaumières…

On a réussi à arracher une larmichette, grâce ou à cause de notre petit billet "un peu de nostalgie" à certains (trop fiers pour l'avouer) et à certaines, qui nous ont confessé qu'elles avaient inondé leur clavier. Merci à elles de cet aveu.  

Il y avait autrefois à Drancy, la ville dans laquelle j'ai grandi, pas moins de six cinémas. Je vous ai parlé déjà de celui-ci : le moulin rouge, il fut l'objet du PREMIER billet que j'ai publié !

Les cinq autres portaient des noms ronflants : le PRADO, le REX, le TRIANON, le KURSAAL (que nous appelions : le cul sale bien sûr), et enfin le JAURES PALACE, situé près de la petite école communale dans laquelle je me rendais chaque jour, pas à reculons, mais presque !

T'aurais vu la gueule du "PALACE", le père Carlton et le père Négresco en seraient crevés de jalousie !

Ces petits cinoches de quartier, essentiellement fréquentés par les mômes grâce au prix des tickets vraiment bon marché, m'ont permis de découvrir John Wayne, Ava Gardner, Gary Cooper, Johnny Weissmuller, le seul et vrai Tarzan digne de ce nom, Maureen O' Sullivan, sa compagne... Qu'elle était belle !

Je n'oublie pas non plus la rousse Maureen O'Hara, Errol Flynn, Rita Hayworth, la fabuleuse Gilda...

Nous nous sommes bien marrés aussi avec Laurel et Hardy, j'en étais fan. Ados, avec un copain, nous allions souvent au  Studio universel, un cinoche situé avenue de l'Opéra (si ma mémoire est bonne). Dans cette salle fort modeste passaient des festivals Laurel et Hardy, des Tex Avery et son loup libidineux. J'y ai vu "graine de violence", avec Glenn Ford et la musique de Bill Haley, "Rock around the clock". Le rock, n'en déplaise aux jeunots, c'était NOTRE musique quand nous avions 17 ans ! (il y a plus de cinquante balais... déjà)

Eddy Mitchell, que j'aimais et aime beaucoup, de qui je suivais les déplacements autrefois - bien autrefois ! - a merveilleusement chanté ce temps béni des p'tits cinoches.

Ces endroits magiques, l'antre où tout est possible, ils sentaient un peu le renfermé, la pisse pour certains, les cacahuètes à décortiquer (ne cherchez pas, z'avez pas connu) qui étaient vendues à l'entr'acte, le petit sachet à un prix très abordable. On prenait un paquet pour quatre et nous partagions. Le boulot de l'ouvreuse pour balayer toutes ces coques vides !

Alors j'ai voulu illustrer toute cette magie. J'ai demandé (encore une fois) de l'aide à TANT-BOURRIN (la majuscule est une politesse calligraphiée) qui a accepté de faire le montage des petits crobards qui suivent. Si vous ne les reconnaissez pas, c'est que le dessin est maladroit (c'est que vous êtes des gros(ses) nazes ouais !).

Certain(e)s heureusement sont toujours là, les autres sont dans la cabine du projectionniste (il n'y en a même plus aujourd'hui) et ils nous regardent, un petit sourire aux coins des lèvres.

Alors, modestement, j'ai voulu leur rendre un petit hommage. Bien sûr, toutes et tous ne figurent pas, mais vous imaginez ? Il aurait fallu éxécuter (c'est toujours le terme qui convient) des dizaines de dessins, alors il y aura peut-être une suite...

Un grand merci à TANT-BOURRIN.

On clique : la musique crachotante d'un vieux soixante-dix-huit tours qui diffuse des chansons d'André Claveau, Luis Mariano, Edith Piaf ou autre, s'arrête dans un dernier craquement, la boîte à souvenirs s'ouvre, en même temps que se lève le rideau défraîchi des petites salles de mon quartier.

mercredi 31 décembre 2008

AndiamoAu gui l'an neuf

Je viens de lire le billet de T-B, quoi ajouter ou retirer ? Rien tout est dit... ITE MISSA EST !

Mais bon, même si c'est con, pourquoi ne pas "optimiser" (Oh ! Très peu), essayer une dernière fois d'y croire, j'ai assurément moins de jours devant moi que vous tous, et pourtant je voudrais ENCORE vous apporter un petit sourire, pas pour vous, blasés, découragés (il y a de quoi) que vous êtes, mais pour vos gamines et gamins, vos petits enfants (égoïstement, je pense aux miens) !

Au gui l’an neuf !

Au gui l'an neuf ! Les bises qui claquent sous les branches pendues au plafond de l’entrée.

Au gui l’an neuf !

Les bisous « chocolatés » des petits enfants, à l’haleine fleurant bon le miel, la pistache et la framboise, parfums des sucreries dont ils se goinfrent depuis le matin.

Au gui l'an neuf ! Les bisous claqués de bon coeur sur les joues de ceux que l'on aime vraiment (les autres je ne les invite pas !). 

Au gui l’an neuf ! Les bisous que l’on ne donnera plus à ceux que l’on aimait et que l’on ne reverra plus jamais.

Au gui l’an neuf ! Deux mille neuf ! La belle rime riche….

Alors peut-être, peut-être… Plus de bombes, seulement des bombages de guérite !

Plus d’attentats meurtriers, que des attentats à la pudeur : tout le monde à poil, DEDIEU ! (pas en ce moment : trop froid) !

Du boulot pour tous.

-Comment Doumé ?

-Pas trop pour les Corses ? OK !

Plus de bande de Gaza, des bandes de gazon, pour que jouent les enfants.

De la place dans les hôpitaux, car je vous souhaite une santé insolente !

Si vous ne voulez pas de cette (toute) petite lueur d'espoir, faites sauter le bouchon d'une boutanche de rouille, torchez-vous, et bonne neuill' !

Un petit sourire, un petit crobard, un souhait, un voeu pieux pour l'AN NEUF : BONNE  BOURRE !!!

J'avais sollicité tous les BLOGBOTEURS afin qu'ils se joignent à ce petit billet (le premier de l'année), mais ils sont "en pointillé", seule Miss Keskadie, m'a fait parvenir ce petit texte, nous l'en remerçions (les autres aussi, pour leur persévérance). Plus de trois ans tout de même ! CHAPEAU...

Voici donc, un sourire depuis : LA BELLE PROVINCE

Les temps changent, je le sens dans l'eau.

Surtout l'eau de pluie, dans laquelle je barbote en plein janvier. 

Les temps changent, je le sens en moi, particulièrement dans les os, et dans la mollesse de mon anatomie. 

Les temps changent, Mussollini, aimait se montrer torse nu, Sarkosy a engagé Carla, pour la chose.

Avant, on gâtait l'oeil des femmes, maintenant, on fait jaillir l'enthousiasme des voteurs masculins. 

Les temps changent, 2008 se retire en ayant engrossé 2009 d'une crise économique.

La crise des années trente, les richissimes devenaient pauvres, en 2008, les richissimes demeurent riches, parce que les pauvres payent pour eux. 

Les temps changent.

Oh ! Pis merde qu'ils changent ou pas, je redeviens optimiste, pareil pour la nouvelle année !

C'est pas un climat politique pourri, la pollution, et autres gentillesse de l'humanité, qui me  feront oublier que l'amour existe encore, et pas seulement parce que Céline le chante.  

Mais aussi parce que vous êtes là, et que si deux ou trois sont réunis au nom de textes percutants, alors, c'est qu'il y a espoir contre l'imbécilité dans le monde.  

Bonne année! Santé, bonheur, propérité! Humour, vin et bonne chère , en tout cas : amusez-vous bien ! 

Mamzelle Kesskadie

Je venais de terminer la mise en place du billet de Miss Keskadie, quand j'ai reçu ceci :

Je n'ai pas résisté à l'envie de partager cet énième message d'espoir...

C'est un peu (beaucoup) con con, mais il faut bien meubler.

lundi 15 décembre 2008

AndiamoUn peu de nostalgie... (billet à 4 mains : TANT-BOURRIN, ANDIAMO)

Il y a des musiques, des chansons, qui vous filent le blues, comme ça.

Oh ! Pas la grosse déprime, juste un peu de flou, des souvenirs qui arrivent en vrac, l'autre jour j'ai entendu à la radio : yesterday once more, chanté par "the Carpenters", plus précisément Karen, la douce et jolie Karen Carpenters, décédée à l'âge de trente-trois ans...

Quelle voix ! Dans cette chanson, un "standard" comme on dit aujourd'hui, elle évoque les chanteurs qu'elle écoutait autrefois. Il m'est venu une idée : illustrer ce petit chef-d'oeuvre (pour moi en tout cas, je le pense vraiment). Alors j'ai tenté de représenter quelques-uns des chanteuses et chanteurs qui m'ont accompagné, pas tous, il y en a trop !

Non pas que je n'aime pas ceux qui ne figurent pas, mais il fallait choisir !

Dans un premier temps, je désirais simplement poster les portraits, disons les "crobards", avec un bouton chopé dans "DEEZER" la musique des Carpenters accompagnant.

Puis j'ai réfléchi (y'en a qui s'marre, je les vois)... Si les images défilaient en "fondu enchaîné" sur la chanson "yesterday once more" ?

J'ai sollicité notre grand (c'est vrai qu'il est grand) Tant-Bourrin ! Il a accepté, le maestro ! Ça a tout de même une autre gueule, présenté de la sorte !

Les dessins ne sont pas parfaits loin s'en faut, mais j'ai fait tout mon possible.

Quant au monteur, il a été d'une patience angélique, certains de mes "crobards" ne me plaisant pas, je les ai refaits, et T-B sans rien dire, s'est remis à la tâche !

Donc un grand MERCI à TANT-BOURRIN : on clique, on écoute, et on regarde.

samedi 13 décembre 2008

Tant-BourrinAmours métamorphes

Les plus anciens fidèles de ce blog, du haut de leurs deux neurones encore préservés d'Alzheimer, s'en souviennent peut-être : il y a quelques années, je vous avais chanté ici les louanges d'un jeune artiste dont j'apprécie énormement l'immense talent, Olivier Marais.

Le temps a donc passé et, tel le bon vin, son art s'est bonifié pour faire de lui un tout tout bon de la chanson française, quoique pas assez reconnu à mon goût !

Il y a quelques années, Olivier m'avait fait un cadeau inestimable, celui de mettre en musique un de mes textes de chanson. Un texte que je lui avait envoyé et que, le soir-même, il avait mis en musique avec une facilité et une grâce déconcertantes.

Avec son accord, voici "Amours métamorphes", le morceau en question... Ouvrez bien vos oreilles et savourez ! :~)


Olivier Marais - Amours métamorphes

(musique : Olivier Marais / paroles : Tant-Bourrin)


Téléchargeable directement ici

De l'amour brûlant
A l'amour branlant

De l'amour traqueur
A l'amour truqueur

De l'amour galant
A l'amour gueulant

De l'amour douceur
A l'amour douleur

Les années mettent à mort
Nos amours métamorphes

La mort aura
L'amour au ras
Des illusions

L'amour aura
La mort-aux-rats
Pour solution

De l'amour à fond
A l'amour affront

De l'amour gaieté
A l'amour gâté

De l'amour foison
A l'amour poison

De l'amour corsé
A l'amour forcé

Les années mettent à mort
Nos amours métamorphes

La mort aura
L'amour au ras
Des illusions

L'amour aura
La mort-aux-rats
Pour solution

De l'amour bouillant
A l'amour bâillant

De l'amour majeur
A l'amour malheur

De l'amour urgent
A l'amour argent

De l'amour lueur
A l'amour tueur

Les années mettent à mort
Nos amours métamorphes

La mort aura
L'amour au ras
Des illusions

L'amour aura
La mort-aux-rats
Pour solution



Et au-delà de ce morceau qui ne reflète pas forcément l'univers tendre et plein d'humour d'Olivier, je vous invite chaudement à aller faire un tour chez lui, sur son myspace et sur son blog où vous pourrez écouter plusieurs morceaux, voir quelques vidéos et découvrir des morceaux en gestation... N'est-ce pas qu'il a un talent fou ? :~)

jeudi 20 novembre 2008

AndiamoLe couteau suisse

La semelle de ses "High Rock" fait rouler un caillou, un limbert effarouché se faufile sous un rocher bordant le chemin emprunté par Georges.

De temps en temps, l'homme s'essuie le visage avec le dos de la main, le soleil cogne déjà fort en ce début de juin, sur le plateau Ardêchois près de Saint Remèze, entre Vallon-Pont d'Arc et Bourg-Saint-Andéol, une région encore sauvage pour qui se donne la peine de quitter les bords de l'Ardêche, surpeuplés au moment des vacances.

Georges est parti tôt le matin, sans dire précisément où il comptait se rendre, son petit secret en somme.

Il s'est mis en tête d'explorer "le fond du diable", c'est ainsi que les vieux du crû nomment cet aven, situé en aval de "la grotte de la Madeleine", une grotte aux concrétions magnifiques, attirant chaque années des milliers de touristes.

Quelques téméraires ont bien tenté de l'explorer, ils ont dû renoncer : un goulet très étroit interdit toute nouvelle progression !

Toutefois, certains spéléos ont mentionné qu'il existait peut-être un autre accès, situé plus haut, un petit boyau creusé par la rivière en des temps reculés. Comme cela se produit fréquemment, le cours d'eau érode lentement le fond de son lit, ce dernier s'effondre, et la rivière se fraye un autre chemin en contrebas.

Qui sait si, en explorant cet ancien passage, Georges ne réussirait pas à "contourner" le goulet et peut-être découvrir une nouvelle grotte, une salle magnifique, lui donnant son nom : "la grotte Mignot" !

Comme il y a "la grotte Chauvet" ou "l'aven Armand", du nom de leurs inventeurs.

Georges s'arrête à l'ombre d'un micocoulier, après avoir mis bas son sac à dos, qui commence sérieusement à le faire transpirer ! En tire une gourde et s'octroie une rasade d'eau bien fraîche, quelques abricots secs, deux biscuits "de soldat".

Le temps d'admirer le paysage : une garrigue sèche comme un coup de trique sur un sol calcaire, le chant des cigales, le grand ciel bleu aux portes de la Provence, et un charme envoûtant pour qui aime ces espaces où la moindre flaque d'eau est une providence.

Un coup de reins, le voilà debout. D'un mouvement souple il réajuste son sac à dos, puis se remet en route.

Je ne dois plus être bien loin maintenant, songe-t-il. Une petite demi-heure après s'être reposé, il s'arrête, inspecte les lieux, se dirige sans hésiter vers un amas de rochers.

Voilà, c'est ici, dit-il à haute voix, d'un ton guilleret. Quatre cornières scellées dans le sol, un méchant grillage rongé par la rouille, censé prévenir les chutes éventuelles... Dérisoire !

Pas très prudent de s'aventurer seul dans un gouffre, surtout sans avoir prévenu quiconque.

La gloire, ça ne se partage pas ! Vingt-cinq ans que Georges fait de la spéléo, initié par son père. Son fils ne s'intéresse qu'au tennis, bah ! A chacun son "trip", comme dit le fiston !

Sac à terre, une goulée d'eau avant d'attaquer les hostilités, il est en pleine force de l'âge notre Casteret ardêchois, quarante ans aux vendanges, toutes ses dents, des muscles bien entraînés, un moral d'enfer !

Après s'être assuré de la solidité des cornières, Georges y fixe un mousqueton, attache solidement une corde, le fond n'est pas très loin, neuf ou dix mètres tout au plus, alors il installe son système "auto-bloquant", et néglige la cordelette comportant un noeud type "Machard". Ce noeud assure la sécurité en cas de défaillance du système auto-bloquant ou d'une maladresse de la part de l'utilisateur, il se bloque dès que la corde se tend.

Bof ! Pour neuf mètres de descente, pas la peine, songe-t-il. Il installe son baudrier, accroche le mousqueton, s'assure une dernière fois de la solidité de l'ancrage, s'approche du trou, puis commence le descente, lente, sans à-coups, Georges est parfaitement décontracté, la lumière qui filtre à travers l'ouverture suffit amplement à sa progression, inutile d'allumer la lampe frontale (économiser les accus au maximum).

Tout se passe bien, cette descente en rappel n'est qu'une formalité, d'autant que le puits s'élargit au fur et à mesure de la descente.

Je ne dois plus être bien loin du fond, déclare-t-il à haute voix. Parler quand il est seul, il le fait souvent, surpris parfois par ses proches, il se fait gentiment charrier.

- Ouais ben au moins j'me réponds pas des conneries, leur rétorque-t-il !

Sous son pied gauche, il sent quelque chose : le fond, tout le monde descend ! Hurle-t-il, puis d'un geste sûr, il retire le mousqueton retenant le baudrier, sa main gauche s'enroule autour de la corde, dans un geste machinal, il tire sur la corde pour en éprouver la solidité.

Soudain, il sent le sol se dérober sous ses pieds, une douleur fulgurante dans l'épaule gauche, un craquement, l'humérus s'est déboîté, l'extrêmité supérieure est sortie de son logement, retenue à la scapula par les tendons, la corde enroulée à son poignet gauche s'est tendue, lui bloquant la circulation, en bas un bruit d'éboulis.

Georges a mis quelques minutes à récupérer, après le flash, il s'est évanoui, quand il émerge il ressent la douleur, horrible, lancinante, les tendons étirés au maximum, son front se couvre de sueur froide, il grimace, avec d'infinies précautions, chaque muscle de son corps semblant relié directement à son épaule, il lève le bras droit, lentement sa main se porte en direction de sa lampe frontale...

Clic ! la lumière a jailli de son casque, alors lentement il baisse la tête, le fond est là, un mètre cinquante ou deux mètres tout au plus, il comprend ce qui s'est passé : ce qu'il avait pris pour le fond, n'était qu'un surplomb ! Il a cédé sous son poids, et maintenant l'homme pend dans le vide comme une araignée au bout de son fil, mais une araignée de quatre-vingts kilos avec tout son barda.

A l'aide de son bras valide, il tente d'attraper la corde, pouvoir soulager son bras gauche, il lève l'épaule droite, tend la main, étire son bras en direction de la corde, le mouvement lui imprime une légère rotation, un hurlement lui arrache la poitrine, la douleur est si intense qu'il s'évanouit de nouveau.

Lentement Georges reprend conscience, sa main gauche est totalement engourdie, la corde enroulée autour de son poignet fait office de garot.

Si ça dure trop longtemps, ce sera la gangrène assurée songe-t-il, puis l'amputation. A cette seule évocation, il frissonne.

Une heure s'est écoulée depuis l'effondrement de la corniche... Un an, un siècle, il ne sent plus sa main gauche, comme anesthésiée par l'exsanguination.

Réfléchir, tenter d'oublier la douleur, se concentrer sur LA solution. Au prix d'un douloureux effort, Georges baisse la tête, le faisceau de la lampe s'étale à un mètre cinquante plus bas, il voit le sol de la grotte, proche, très proche, un saut pareil ça n'est pas un problème pour lui.

Trancher la corde : c'est LA solution, après je pourrai me débrouiller, la corde est là, j'ai du matos, un bras valide, ça va l' faire, ouais ça va l' faire !

Lentement il lève son bras valide, atteint le haut de son sac à dos, sent au bout de son doigt la pochette dans laquelle il glisse toujours son couteau Suisse, tire le zip en grimaçant de douleur, son pouce et son index explorent la pochette... RIEN ! Elle est vide !

Tout à coup un éclair ! Il revoit la scène : il est prêt à partir, son sac sur le dos, il est sept heures, il entend depuis l'entrée :

- Merde, de merde, putain d'lacet !

Georges a reconnu la voix de Raphaël, son fils.

- On se calme, on reste poli !

- Ouais j'suis déjà à la bourre, cette saloperie de lacet qui fait des noeuds, j'ai un match de tennis dans une heure ! j' y s'rai pas merde !

Georges se dirige vers l'entrée, son fils est là, assis sur les marches menant aux chambres.

- Fais voir ça.

Il a pris la tennis.

- Un joli sac de noeuds, déclare-t-il, prends mon couteau Suisse dans la pochette tout en haut du sac. Dans le même temps, il s'est tourné, présentant "l'Eastpack" à son fiston, ce dernier ouvre la pochette, sort le couteau, bascule le poinçon, et entreprend de desserrer le noeud récalcitrant. Quelques "merde" plus tard, le noeud enfin desserré, il remet le couteau dans le sac.

Le con ! Merde de merde, où il l'a collé ce putain de couteau ?

Il a hurlé, de rage et de douleur à la fois, puis le calme est revenu, il a encore essayé d'atteindre d'autres pochettes... Trop éloignées, sa main droite dans d'ultimes efforts s'est portée vers la corde, l'atroce douleur l'a fait renoncer.

Les heures se sont écoulées, il a repensé à ce bouquin de Stephen King, "Jessica".

Une femme menottée aux montants d'un lit métallique, une fantaisie voulue par son mari, ce dernier gisant sur le parquet, terrassé par une crise cardiaque, survenue au moment de l'orgasme ! Bien sûr, cette charmante saynète se déroulait dans un lieu complètement isolé.

Un rire nerveux a agité Georges lorsqu'il a hurlé : "appelez-moi JESSICA ! JESSICA " !

Après des heures d'efforts, après mille douleurs, après s'être de nouveau évanoui, s'être pissé sur lui, il a renoncé.

Quand on l'a retrouvé quelques semaines plus tard, le bras était toujours accroché à la corde, le corps gisait plus bas, il s'était détaché, la putréfaction sans doute.

Quelques jours après l'enterrement, Raphaël a ouvert le joli "Eastpack" gris et rouge, il a trouvé, dans la pochette tout en bas sur le côté gauche, le couteau suisse. Il se souvenait parfaitement l'avoir rangé là, après l'épisode de la tennis et, curieusement, le bas du sac était tout griffé.

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