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samedi 14 janvier 2006

Tant-BourrinLe bonheur

Voici bientôt deux mois (le temps, à l'instar de bas de mauvaise qualité, file très vite), Twig avait lancé sur son blog un concours de poésie. Mais pas de n'importe quel genre de poésie : il s'agissait de donner dans le genre débilos, et sur le thème du bonheur.

Bon, vous commencez à me connaître : dès qu'un jeu pathétiquement navrant est organisé, même avec un enjeu inexistant, je suis le premier à me précipiter ! Je pris donc ma plus belle plume d'oie et la trempai dans l'encre de l'inspiration la plus débridée pour en tirer le plus beau, le plus émouvant, le plus éclatant des poèmes consacrés au bonheur.

Las, peu après, le verdict tombait : je n'avais pas gagné, mais je me consolais vite en me disant que l'important est de participer (j'ai l'esprit sportif et fair-play), et que l'encore plus important est que le Saoul-Fifre non plus n'avait pas gagné, car là, sinon, j'aurais été vraiment vert !

Et puis je n'ai pas tout perdu : j'ai gardé précieusement par-devers moi mon petit poème débilos sur le bonheur, car je sentais confusément qu'il pourrait me servir à quelque chose un de ces jours.

Et ce jour est arrivé : je n'ai aucune idée de billet digne de ce nom en tête, alors en avant pour...


   LE BONHEUR

   Connaissez-vous un truc meilleur que le bonheur ?
   Moi pas, parce qu'avec le bonheur, on est heureux !
   Je savoure la vie autant que les choux-fleurs
   Qui pourtant, je l'admets, me ballonnent un peu.

   Je me joue des ennuis, des troubles digestifs
   Comme un chaton qui fait mumuse avec sa balle
   (C'est mignon, les petits chatons, moi je les kiffe)
   Et je dis : le bonheur, ouais, c'est trop de la balle !

   D’ailleurs longtemps je me suis levé de bonheur
   Pour tremper goulûment deux ou trois croissants beurre
   Dans mon café au lait : putain, que c'est chouette !

   Bref, vous l'aurez compris : le bonheur, ça me plait,
   Alors que le malheur, ah mon dieu, quelle plaie !
   Conclusion : les tristus, moi je vous dis "pouet, pouet" !

dimanche 1 janvier 2006

Tant-BourrinLeçon de vie n°4

Amie lectrice, ami lecteur,

l'urine du Temps a bien coulé dans les toilettes de l'oubli depuis que je t'ai dispensé mes trois leçons de vie pour t'aider à agrémenter de maturité et de sapience le rôti de ton esprit avant de le mettre à cuire dans le four préchauffé de ton existence. Oui, tu le sais, petit hanneton candide, je me suis attelé à cette immense tâche que d'être celui qui te précède dans la nuit délétère d'une humanité en furie, d'être celui qui porte haut la torche d'un vécu dense et intense pour éclairer ta route, d'être celui qui marche dans la crotte de chien et t'invite à faire attention et à passer un chouia plus à gauche ou à droite.

Bref, le poids de ce tutorat moral fait tilter le cadran du pèse-personne de ma responsabilité, mais je garde fermement le cap, car l'âge a répandu le sel de la plénitude sur le poivre de ma chevelure et me confère ce devoir moral : doter ta perception d'un grand angle, faire jaillir le zoom de son sens moral et éthique et dépasser le cadre de ta petite vie matérialiste et étriquée pour que la photo de ton existence soit digne de figurer en première page de Paris Match.

Quoi ? Qu'il y a-t-il, frêle scolopendre timoré ? Tu souhaites savoir pourquoi je t'ai laissé si longtemps sans venir te dispenser une nouvelle leçon de vie ? C'est bien, je vois que tu as progressé et que le pitbull de la curiosité a mordu les couilles de ton goût du savoir. Et d'ailleurs, je ne vais point tarder à imiter ledit pitbull si tu m'interromps ainsi à tout bout de champ sous d'aussi futiles prétextes.

Eh bien, pour répondre néanmoins à ta question grotesque, petite mouche à merde mordorée, c'est parce que, vois-tu, primo, j'ai estimé qu'il relevait de ma responsabilité de guide spirituel de te laisser cogiter sur mes premières leçons de vie et faire, chaussé des charentaises de mes préceptes vitaux, tes premiers pas d'homme (ou, dans le pire des cas, de femme) libéré des pesanteurs d'un obscurantisme rance, et, secundo, j'ai d'autres chats à fouetter que de materner en permanence des neuneus qui ont besoin qu'on les tienne par la main.

Mais, les rondins de l'emportement font dérailler le TGV de mon raisonnement. Heureusement, tel le judoka rouleboulant sur le tatami, la souplesse de mon esprit n'a d'égale que sa combativité : je me ressaisis donc illico. "L'essentiel, toujours l'essentiel, droit à l'essentiel", telle est ma devise !

Or donc, voici venue la fin d'une année et son long convoi amer de questionnements sur cette période écoulée, son bilan comptable des pas en avant et des pas en arrière sur le tortueux chemin menant vers l'efflorescence personnelle, ses résolutions naïves pour l'année suivante que l'on devine par avance ne pas pouvoir tenir, tout handicapé que l'on est par les casseroles de l'habitude et de la lassitude que l'on traîne derrière soi. Bref, nous voilà dans les premières heures d'une nouvelle année, et toute l'atmosphère terrestre s'emplit d'ondes sonores d'une platitude que seule la limande est à même d'imiter. "Bonne année, bonne santé" : triste cérémonial quasi-automatique pour ne pas dire pavlovien, dénué de toute profondeur de sentiment ou d'analyse, que je me propose de dépasser - et avec éclat - ici...

Car quoi de plus ridicule que ces milliards de gens hurlant ces voeux dénués de tout signifiant réel, que ces trilliards de SMS quasi mongoloïdes - bOnanÉ bOnn 100T - témoignant d'un abrutissement massif et généralisé, que ces quintilliards d'huîtres gobées - horreur des horreurs - vivantes et réduites, pour échapper à la mort, à faire de la varappe le long d'oesophages hépathiquement graisseux et dégoulinant de Sauternes ?

Non, la tentation pourrait être grande, en ce premier jour de 2006, de laisser son flux neuronal rouler dans le sens de la pente de la facilité, mais vous me connaissez : je ne suis qu'exigence, autodiscipline et rigueur. Alors je laisse les "kikoo, bonané lol !" aux préadolescents mièvres et niais, les "bonne année" aux esclaves conformistes formatés et conditionnés, les "tous mes voeux de bonheur" aux fourbes cauteleux ou aux benêts irraisonnés. Point de propensions laxistes dans mon discours : chacune de mes leçons de vie est porteuse d'un message universel et éternel, dont le moindre mot, le moindre phonème ont été polis par les flots tumultueux d'une vie déjà bien remplie.

Point donc de frelaté ici, amie lectrice, ami lecteur, je nourrirai les asticots grouillants de ton innocence au livarot puissant de ma pensée.

Quoi encore ? Que dis-tu, petit charançon insatiable ? Mon message ? Ah la la, folle et impatiente jeunesse ! Ne piaffe point ainsi, jeune blatte impétueuse, laisse le fil de mon discours dérouler la pelote de mon raisonnement, et le message t'apparaîtra bientôt dans sa lumineuse évidence.

Or donc, j'exècre toutes ces manifestations empreintes de conservatisme et de traditionalisme. L'homme est ainsi fait qu'il se repaît, à l'instar du cochon, des déchets coutumiers des générations antérieures, mais c'est là que je surgis, armé de mes couteaux pour la saignée : fuyez, fuyez, petits porcelets, fuyez l'auge de la facilité si ne voulez finir en boudin !

Car il me plait d'être ainsi le poil à gratter des habitudes, le fluide glacial des accoutumances, le camembert péteur de l'encroûtement. Je suis celui qui met en branle et fait bouger les choses, l'accélérateur de particules, le bit qui plante les programmes trop bien huilés.

Et une fois sortie de tes rails, petit anophèle ignare, la locomotive de ta vie sera à nouveau libre de ses mouvements et pourra se diriger dans moult directions qui lui étaient jusque là interdites. Certes il y aura des cahots, certes une locomotive roule moins bien sur des chemins de terre que sur des rails, certes il y a des précipices et des ravins, certes il y a des arbres, certes il y a des villes à traverser et cela risque de causer quelques dégâts, certes une locomotive sans rails risque de verser à tout moment, certes il risque d'y avoir des morts, certes tu risques de t'enliser, de t'envaser, de t'écraser, de te fracasser, mais que pèsent ces petits détails au regard d'une liberté recouvrée ?

Voilà pourquoi, je reprends sans fin le bâton de berger de ma philosophie de vie et en martèle vos crânes ovins pour mieux y faire pénétrer mes messages essentiels. Non, ne me remerciez pas, vous guider vers l'accomplissement est le chemin de croix que je me suis imposé, vous êtes les boulets que j'ai choisi de traîner, les corniauds à qui j'ai décidé d'apprendre à faire le beau, les star-académiciens de la vie que je mènerai au vedettariat de l'épanouissement personnel.

Très bien, j'en ai assez dit pour aujourd'hui, je suppose. Méditez bien mon message et sortez en silen...

Hein ? Pardon ? Que dis-tu, petite punaise fouinarde ? Quel est mon message ? Eh bien, amie lectrice, ami lecteur, il faut croire que tu n'auras pas suivi avec l'attention nécess... Quoi ? Je n'ai pas délivré mon message universel, tout en puissance et en profondeur ? Ah bon ?... Si tu le dis... Tu es sûr ?

Bon, alors, je vais te transmettre le message que tu attends, petit morpion gonophage... Laisse-moi juste me concentrer un peu........... [temps réel : 3 minutes].......... heu... écoute, il me semblait bien pourtant l'avoir glissé quelque part dans mon discours, non ?... T'es sûr ?... Bon, bon, si tu le dis, je n'insiste pas, je vais rattraper ça vite fait... éh bien... voilà... comment dire...

Quoi ? Tu n'as pas que ça à faire ? Oui, oui, attends, on n'est pas aux pièces non plus... alors... bon... heu... hem... je... non, il... heu... enfin... hem... heu... que... heu... enfin... well...

Quoi encore ?... Non, petit bousier couilloclaste, je n'hésite pas ! Non, mon discours n'est pas creux ! Non, je vais te délivrer un message d'une puissance qui va te faire pleurer les yeux de ta mère, non mais !

Que disais-je donc ?... Heu... ah oui, le message... eh bien... heu... Ouiiiiiiiiii, ça vient, calme-toi !.... hem... heu... il faut... heu, non... la vie est... heu, comment dire... non... heu... voilà, c'est... heu, non plus... heuuuuu... bonne année et bonne santé à tous !

Et maintenant vous sortez tous immédiatement sans un mot, le premier qui rigole se prend mon pied au cul !

mardi 27 décembre 2005

Tant-BourrinPTIZOB

Les fêtes de fin d'année... L'occasion de procéder à quelques regroupements familiaux et de partager quelques menues collations frugales en buvant du Champomy. Mais également une époque de l'année peu propice à la tenue d'un blog : accueillir des hôtes ne laisse que peu de temps pour la rédaction de billets puissamment ciselés.

C'est pourquoi, dans un billet antérieur, je vous avais invités à assister, en avant-première mondiale, au test d'un plugin de pilotage automatique destiné à prendre seul les commandes de ce blog pendant de telles périodes et à rédiger des billets imitant mon style à la perfection.

Hélas, si vous êtes un fidèle de ce blog (si, si, il y en a !), vous avez pu noter que ledit plugin nécessitait encore un peu de mise au point, et que la version V0.2 est encore en gestation.

Mais je ne vous ai pas raconté mes expériences plus anciennes en la matière...

Il faut savoir qu'avant d'explorer ainsi la voie purement logicielle, j'avais creusé la voie matérielle (hardware pour les zanglophones) pour le développement de ce pilote automatique de blog.

Bon, autant l'avouer tout de suite, le résultat n'a guère été brillant.

Esthétiquement, ça faisait son petit effet : voici une photo de mon pilote automatique, que j'avais baptisé PTIZOB (Pilotage Technique Informatisé de ZOne Bloguesque)... Joli, non ?

Mais dans la pratique, une catastrophe ! Raide comme un manche à balai, PTIZOB n'a jamais pu s'asseoir et se mettre au clavier. En fait, quelques difficultés mécaniques que je n'ai pas su maîtriser ont fait qu'il restait à peu près inerte tout le temps, mis à part ses yeux : il me suivait du regard en permanence !

Au final, non seulement il ne m'a pas fait gagner de temps en rédigeant lui-même des billets pour le blog, mais il m'a au contraire fait perdre le temps que j'ai dû passer par la suite en séances de psychothérapie pour soigner ma paranoïa naissante...

Ah, qu'il est dur de faire progresser la science !

vendredi 23 décembre 2005

Tant-BourrinVous voilà prévenus...

- Yaaap, yaaaaa !

Tchac !

Le fouet claquait dans l'air glacé, activant la course des deux rennes, brève brisure dans le murmure cotonneux du glissement des patins du traîneau sur la neige poudreuse.

- Yaaap, yaaaaaaa !

Le vieillard embarbé de blanc encourageait son attelage de la voix. Le paysage immaculé faisait crier son manteau rouge.

A ses côtés, une immense hotte emplie de milliers de cadeaux. La nuit tombait peu à peu. Elle allait être longue.

- Yaaap, yaaaaaaaa !

Le vent gelé de Laponie lui ponçait la face. Malgré l'immensité de la tâche qui l'attendait au cours de la nuit, il aimait cette heure perdue où commençait sa course folle, il se consumait par avance de la joie partagée, de rires, des yeux illuminés que son labeur ferait naître. Il se sentait comme...

Tout bascula soudainement. Au sens propre comme au sens figuré. Le traîneau avait versé brutalement après qu'un renne se soit effondré dans sa course. Emmitouflé de neige collée, il se releva péniblement et découvrit l'horreur : une de ses bêtes s'était brisé la patte dans sa chute.

Mauvais. Très mauvais.

Rien à faire.

Le Père Noël, puisque c'est bien de lui qu'il s'agissait, décida d'abréger les souffrances du pauvre animal. Il chercha dans sa hotte le jouet adéquat. Il en sortit un pistolet pour enfants.

Le coup craqua comme un cri de métal.

"Bigre, ils sont de plus en plus impressionnants, ces jouets modernes !" se dit le Père Noël en se passant la main sur le visage pour en ôter les fragments de crâne et de cervelle qui avaient giclé sur lui et jusqu'à vingt mètres alentours.

Mais maintenant qu'il était loin de tout, que faire ? Pas le choix : essayer de continuer avec un seul renne. Mais cela risquait d'être difficile et long.

Et cela le fut. Le poids des jouets était tel, en ce début de tournée, que l'équipage avançait péniblement, et ce d'autant plus que le vent s'était mué en blizzard.

Le renne se mit subitement à chanceler. S'effondra à son tour. Crise cardiaque. Trop d'effort.

Le Père Noël se maudit intérieurement d'avoir pris son coupé ce soir-là, avec juste deux rennes d'attelage, et non pas son break familial avec six rennes dans le moteur.

Mais il était trop tard pour revenir sur le passé, seul comptait désormais le présent. Et le présent était loin d'être brillant.

Que faire ? Bon sang, que faire ?

Ses neurones semblaient se couvrir de cristaux de glace, paralysés par le froid. C'est à peine si son manteau rougeoyait encore, tout encollé de neige cinglante qu'il était. L'heure était grave. Très grave.

En bon polyglotte qu'il était, il frémit en songeant au sens de "grave" en anglais.

Cela lui donna l'énergie du désespoir.

Il fouilla dans sa hotte et en sortit une voiture à pédales. En y mettant toute son énergie, peut-être parviendrait-il à gagner le premier village à une vingtaine de kilomètres de là ?

Il s'inséra péniblement sur le siège conçu pour le corps d'un enfant de six ans, se tordit les jambes jusqu'à l'extrême limite de ses vieilles articulations, et il pédala, pédala, pédala...

Des heures durant, il ne fut plus qu'une paire de jambes, une machine basique dont la seule fonction était de faire tourner ce foutu pédalier et avancer cette saleté de voiture en plastoc dans deux mètres de neige.

Vers minuit, il avait parcouru environ 300 mètres. Plus que 19,7 kilomètres !

Vers deux heures du matin, il était mort. D'épuisement. Son corps raide déjà. Plus aucune trace ne subsistait de lui, que la neige rageante au vent avait englouti de blancheur nocturne.


Et donc, si cette année le Père Noël ne passe pas, vous saurez pourquoi. Si vous avez malgré tout des cadeaux, c'est qu'un usurpateur aura pris sa place.

Et si vous ne croyez ni à cette histoire, ni au Père Noël, n'ayez crainte : je ne vous en blâmerai pas.

Car qui pourrait avoir envie de croire en un vieux type vêtu de rouge vif, même pas rasé, mort en Laponie au volant d'une voiture à pédales en plastique en cherchant à joindre des secours, alors qu'il avait plusieurs milliers de téléphones portables en attente d'être distribués dans sa hotte ?

Pas moi en tout cas...

lundi 19 décembre 2005

Tant-BourrinLe vieux clown et la mort

Face au miroir, il ne voit qu'un vieillard épuisé.

Le teint blafard.

Et pourtant, il y a longtemps qu'il ne s'enduit plus la face de poudre de riz, comme quand il s'agissait d'entrer en piste et de faire rire les petits et les grands.

Longtemps qu'il ne met plus son gros nez rouge pour entomater son visage.

Longtemps que ses joues rondes se sont creusées, que son front s'est raviné, que ses cheveux couleur de feu se sont éteints.

Oui, si longtemps que sa tenue de scène est remisée dans un grenier poussiéreux. Son chapeau pointu, sa veste verte, son énorme noeud papillon ne seront plus portés. Seules quelques mites s'y intéressent peut-être encore.

Désormais, dans cette maison de retraite sordide, seul un pyjama défraîchi suffit à l'habiller. Il n'a plus d'yeux d'enfants à illuminer, plus de sourires à ensemencer, plus d'applaudissements à faire tonner. Il sent se refermer le chapiteau de sa vie. A jamais.

Bianca, sa vieille jument, ne trottera plus : il a fallu l'abattre voici plus de dix ans, tant elle était décharnée, à bout de force, en attente du grand néant cotonneux. Son vieux chat Ratibus s'est fait écraser par une automobile il y a déjà bien longtemps aussi. Et Pip'lett, sa perruche, ne s'est pas réveillée d'une nuit sans rêve...

Il n'y aura plus d'animaux à ses côtés. La parade est finie. Les projecteurs sont éteints.

Eteints surtout depuis ce jour où Laura l'a quitté. Laura, qui là-haut, sur son fil, ballerine de l'éther, semblait ne pas être de ce monde. Laura pour qui battaient tous les coeurs. Laura...

Laura et cette terrible chute dont elle ne se remit jamais vraiment. Laura qui quitta le cirque. Laura qui sombra dans l'alcool. Laura qui finit par fermer ses yeux à jamais, le corps empli de métastases...

Le vieillard au visage blafard pleure dans le miroir.
Pleure sur un passé vagabond de ris et de joies.
Pleure sur la plaie purulente de ses amitiés tombales.
Pleure sur les enfants grandis trop vite.
Ces enfants qu'il faisait rire hier.
Ces enfants devenus employés, chefs d'entreprise, chômeurs, boutiquiers, clochards, cadres commerciaux, pédophiles, traders, criminels, femmes au foyer, hommes politiques, routiers, gardiens de prison, assureurs,...
Ces enfants devenus adultes.
Tristement adultes.
Et qui ne rient plus aux pirouettes d'un clown fatigué.

Il sait que c'est fini. Qu'il n'a plus rien à attendre.

Mais, peu à peu, derrière le goût salé des larmes, lui vient une envie, l'envie ultime, sa dernière envie.

Non, il ne se laissera pas cueillir par la mort les yeux rougis de chagrin. Il se couvrira à nouveau la face de poudre de riz. Il s'entomatera le visage de son gros nez rouge. Il ressortira sa tenue de scène.

Et quand la mort viendra et lui dira "suis-moi, Kiri", il saura lui arracher un sourire à force de pirouettes.

Peut-être la mort a-t-elle gardé une âme d'enfant ?


Kiri le clown est revenu sur France5 depuis le 17 décembre. Mais il s'agit d'un ersatz, d'une nouvelle série réalisée en animation 3D, avec un nouveau générique. Un pâle clonage. Car pour le vrai Kiri, il est trop tard...

dimanche 18 décembre 2005

Saoul-FifreSphèriture du cube

Je pense que vous n'auriez jamais eu droit à ce texte, que je trouve un peu simplet, mais la concordance avec le superbe billet d'hier de Tant-Bourrin m'a fait craquer. Désolé.
Petit détail pour les djeuns : André Frossard a été résistant, journaliste au Figaro, et est surtout connu pour sa conversion tardive et son livre "Dieu existe : je l'ai rencontré".

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vendredi 16 décembre 2005

Saoul-FifreColis-surprise

Matino, le missiveur du quartier
sur son beau biciclo pététon,
rasé, fonctionnavé de frais,
m'a jeté un paquet su'l' peton.

J'ai engueulavé cet amoindri,
j'y ai chouravé son guidon,
j'y ai fait lécher mes panaris,
et supplier dix-sept fois pardon.

Il a rampé jusqu'au véli-vélo,
s'est mis à pédalader à fond,
moi, j'trouvais ça riragolo,
mais derrière, j'entendis mon blason.

C'était le colis qui blablatait
comme quoi j'étais un grand énerveux,
que les brutes qui se tempêtaient,
c'est qu'ils étaient malbonheureux...

Que lui, dans son indigénie,
au pays des polis costaux,
les gronchons ne font pas un pli :
ils se retrouvent désopilos.

Il m'a racontiné que là-bas,
ils boivent du vin condensé
qui coulisse des grobinets
et qui fait valser la samba.

Les mômes étudent à chantouner
en esgourdant les hirondelles,
et ils prennent pas de fessées
si on les voit se rouler des pelles.

Quand il manque un peu de courant,
on dresse le grimpe-au-toit,
on régule la machine à vent,
on y met de la graisse d'oie...

Pour les légumes et la verdure,
on a un troupeau de bestioles,
elles nous font la fumure,
le lait, la viande-à-casserole...

On montage nos lits, nos roues,
on musique sur des roseaux,
on fait des cabanes aux hiboux,
on se torche avec les impots.

Maintenant, si tu veux t'y pointer,
va t'falloir flairer un moment,
c'est pas près des caves à banquiers,
ni des keufs et leur fourniment.

La télé, l'auto, le ronron,
c'est pas si tranquilo que ça,
dans bombe à neutrons, ya "étron",
enfin, c'est toi qui vois...

Et le colis explosionna.

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