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mardi 18 novembre 2008

Mam'zelle KesskadieJe file un mauvais coton

Pas nouveau, juste avant mes 49 ans, juste avant que j'entreprenne la cinquantième année de ma vie.

J'ai une stagiaire qui sait tout. Du moins, elle le pense. D'un côté je devrais me réjouir, ça ne sera pas de trouble de lui enseigner, vu qu'elle a déjà tout vu. Pourquoi me ronge-je le sang ?

Ça doit être la pré-ménopause.

Donc, je suis sur l'heure du midi au Winners et je veux une sacoche. C'est ça ou un hamburger de chez Wendys. Vous avez compris, il y avait urgence à la compensation. Et tant qu'à compulser, aussi bien dépenser qu'engraisser... han ?

Je rencontre une dame qui veut la même chose que moi. On compare. On discute. Sa fille vient de divorcer. Elle ne veut pas payer trop cher parce qu'elle veut amener sa fille se payer une bonne bouffe. J'ai pas osé lui dire qu'une sacoche c'est aussi bon pour la compulsion, elle aurait pensé que c'est ce que j'étais en train de faire, compulser.

Ben quoi...

Voici donc, les critères de la parfaite sacoche tels que cette dame et moi avons décrété après quinze minutes de discussion et l'essai de trente modèles chacune.

Le sac à main parfait est : un, léger, deux, une seule gance à l'épaule, parce que la deuxième est toujours débarquée, trois un bon fermoir, quatre, un intérieur clair pour pouvoir bien voir les petites choses que l'on met dedans, cinq, là ça dépend. Est-ce qu'on est classique et qu'on veut vieillir avec la sacoche ? Alors, faut payer le gros prix. Est-ce qu'on est plus volage et que le changement nous est nécessaire ? Alors, on modère dans le cherté et on vise l'originalité.

Bref, elle a choisi un truc rouge, style plat, très in et moi, un truc noir, plutôt baluchon, mais vous devriez voir la doublure ! Ouah !

Tellement jolie que je l'ouvrirai pour les riches et les pauvres. Les riches pour qu'ils mettent un peu de sous dedans, les pauvres, pour leur montrer que je n'ai plus un sou, étant donné que je me suis payée une folie.

On s'étonne que le monde ne tourne pas plus rond étant donné le grand choix de sacs à main. si on occupait les belligérants à trouver le sac parfait, je vous jure, il y aurait moins de guerre.

Par contre, je ne jurerais rien sur les batailles de sacoches, mais là.... c'est une autre question hypothétique.

Vous dire que j'ai le neurone très solitaire et non connecté à rien en cette fin de jeudi serait inutile, ce dernier texte vous a sûrement mis la puce à l'oreille faute d'avoir mis de l'oseille dans le sac.

vendredi 14 novembre 2008

Saoul-FifreLe compliment toujours aux lèvres

Tiens, la madré est descendue me voir. Ça c'est du rare, c'est du lourd, ya un temps fou qu'on s'était pas vus, elle habite loin, je bouge peu et la transhumance d'une tribu foncièrement sédentaire demande de longs leviers, des points d'appui granitiques et des palans de compétitions.

Alors bien sûr, je téléphone régulièrement. L'amour maternel se nourrit de ces petites attentions. Il se passe rarement plus de 2 mois sans qu'elle reçoive mon appel empreint de ponctualité affectueuse. C'est un point sur lequel je ne fais pas d'économies : ce serait un comble avec mon forfait ADSL illimité vers les fixes.

Mais comme elle est très bavarde, je suis néanmoins obligé, la conversation s'éternisant, de lui rappeler : "Maman, c'est moi qui t'appelle !". Un vieux réflexe atavique de politesse innée mêlée de parcimonie chevillée au corps la fait alors bégayer un "Je raccroche, je raccroche, merci d'avoir appelé, Saoulfifre, je pense beaucoup à vous même si je ne téléphone pas souvent...".

Elle va attraper dans quelques jours ses 83 ans, aux olives, elle est en pleine forme grâce à une hygiène de vie gandhienne, elle entretient son neurone avec la méthode tantbourrine basée sur la résolution de mots-croisés de Max Favalelli, elle marche dans les dunes et le bon air iodé en gueulant J'aime les ports de l'Atlantique , elle prie, elle gâte ses treize petits-enfants et ses 2 arrières-petits-enfants, elle donne, elle distribue le peu qu'elle a, elle œuvre pour les autres, faisant cadeau de son temps, dilapidant cet amour qu'elle a surnuméraire, qui déborde, qui fait boule de neige, dont la spirale inspirée arrache tout sur son passage.

C'est une grenouille généreuse dans son bénitier des Danaïdes.

Elle nous enterrera tous, moi en tout cas, c'est sûr. Ce n'est pas que je le lui souhaite, non j'ai pas dit ça, c'est la hantise absolue de perdre un enfant, c'est l'horreur anxiogène, mais il faut bien reconnaître qu'elle n'y met pas du sien. On lui donne couramment 15 ans de moins. Et moi 10 de plus. Alors le calcul est vite fait, surtout si on tient compte des corrections automnales de vinification/distillation et des excès, dépassements de quotas, rajouts, régimes inversés, rabs de sauce, relevages nocturnes, léchages de plats et finissages de toutes les assiettes de la tablée par dégoût du gaspillage, dont je suis coutumier. Des finissages, pas du gaspillage.

Et elle le sait la bougresse, que mes analyses de sang ressemblent plus à des recettes de sorcières, des cocktails de poisons ou des listes de composants iningérables, indigestes, non-comestibles et fortement déconseillés voire interdits à la consommation. Alors, ironie ou cynisme, elle me parle de son cholestérol, sans jamais citer de chiffres, bien sûr, ni m'avouer que s'il y a pléthore, c'est de son bon cholestérol, comme de bien entendu.

Et elle ne rechigne pas à en remettre une louche : "Ton père n'avait pas de ventre, lui. Comme j'étais de 14 ans sa cadette, il considérait comme un devoir de faire attention à lui, de se tenir toujours droit... Il faisait du yoga, lui." Ben on a vu le résultat : ça fait quand même 40 ans qu'elle est veuve, il a peut-être abusé du yoga, papa. Et puis c'est pas ma faute si Margotte est à peu de choses près, de la classe avec moi ?

Son regard s'attardant sur ma silhouette est lourd de reproches mais elle cherche comment exprimer son ressentiment sans se faire envoyer sur les roses. Elle me glisse : "Voilà, je sais. Tu tiens de ton grand-père paternel, que tu n'as pas connu. Il est mort sur la table d'opération, à 54 ans, à cause de son diabète. Tu devrais faire attention".

Bigre. J'en ai 52, je l'ai bientôt battu. Tiens bon la vague et tiens bon le vent, hisse et ho !

Les meilleures choses ayant une fin, ma mère finit par partir et je reçus par la poste de sa part quelques jours plus tard un cadeau qui me fit bien plaisir, accompagné de ces mots :

Bonjour Saoulfifre

voici comme je t'ai promis, la caricature de ton grand-père. Un bon vivant apparemment. Et qui te ressemble.

Bises à tous Maman

Ben merde !

samedi 8 novembre 2008

Mam'zelle KesskadieDe salle, d'autonomie et de fierté maternelle

J’ai décidément plus de succès quand j’écris des niaiseries que lorsque je suis spirituelle. Est-ce à dire que le monde est superficiel ou que mon talent l’est?

Question existentielle dont la cote d’écoute du débat ne battra sûrement pas celle de Charest et de Pauline Marois .

J’attends présentement dans une salle d’attente. Nulle part il n’est dit qu’une qualité essentielle des parents est de savoir gérer la salle d’attente. On connait le taxi, on connait la vaccination, mais que sait-on des salles d’attente?

Ici, c’est celle de la Société d’Assurance Automobile du Québec. J’ai l’air intellectuel avec mon lap-top. C’est très chic. À défaut d’avoir un bon genre, j’ai le chic.

Et pourquoi donc, attends-je dans la salle d’attente de la SAAQ ? Mais parce que Jérémie, 16 ans, des catastrophes et l’adolescence en bouton faute d’être en fleur, est à son examen pour avoir son permis de conduire temporaire. Ce matin, il me dit : tu es formidable maman, le sais-tu?

Il doit être content ou nerveux Je ne vois rien d’autre qui motiverait cette déclaration.

Ici, c’est la première étape. C’est aussi dans cette même salle que j’ai compris à quel point grandir est une ambivalence. C’est-à-dire que je serai très heureuse qu’il sache conduire, mais il y a le difficile passage qui est d’apprendre à conduire. C’est comme être adulte, je serais très heureuse qu’il soit adulte, c’est le difficile et délicat passage de l’adolescence qui me turlupine un peu.

Hier, en rentrant de travailler, la vaisselle n’était pas faite, mais la table était déblayée. J’ai rien dit. Pas que je sois magnanime, mais deux charmantes jeunes filles aidaient Jérémie et son chum dans leurs devoirs d’anglais. Je suis très pro-culture et devoirs. Évidemment, j’ai ignoré la conversation pour faire semblant comme il faut que je pensais qu’ils étaient en train de goûter les fruits de la culture et non pas dans la planification de goûter le fruit défendu.

Comme disait ma meilleure chumme : pose pas de questions si tu ne veux pas de menteries.

Et comme disait ma mère, il y a un temps pour chaque chose. Ainsi, quand Jérémie est entré à deux heures du matin pour aller chercher un petit quelque chose pour le lendemain, que les chiennes ont jappé comme si un voleur voulait s’emparer de la vaisselle sale, qu’il m’a fait la bise avec une odeur puissamment alcoolisé, j’ai rien dit.

Je ne sais pas ce qu’il a ingurgité, mais juste de lui avoir fait la bise, l’alcool qui me fut transmis fut suffisant pour que je me rendorme profondément.

Le lendemain, il m’a dit qu’il était heureux que je ne l’attende pas avec une batte de baseball.

J’ai souri.

Je n’aurais pas osé frappé quelqu’un d’aussi imbibé, me semble que ça aurait fait un méchant dégât sur le plancher. Mieux vaut prévenir qu’éponger les dégâts.

À part les aventures des salles d’attente et des taxis, il ne se passe pas grand-chose dans ma vie. Ah oui, j’ai acheté une drille pour réparer la rouille des portes de mon auto. Il fait beau, je travaille. La drille n’est pas encore sortie de sa boîte. La rouille est encore dans les portes. C’est comme le ménage et les enfants. L’auto-régulation et l’auto-nettoyage, l’auto-réparation, est encore dans des utopies. Tiens, je me demande si quelqu’un travaille au vaccin pour prévenir les traîneries? Si je continue à faire autant de salles d’attente (cet automne, je me suis tapé tous les rendez-vous pour le dentiste de mes nombreux enfants) je vais songer à la chose. Je suis certaine que je ferai fortune. Ce qui sera dommage, c’est que je vais avoir enfin les moyens de me payer une femme de ménage, mais que je n’en aurai plus besoin, le vaccin fera faire l’ouvrage.

Où est le monde idéal, je vous le demande? En tout cas, pas dans la salle d’attente de la SAAQ.

J’ai lu quelque part qu’un homme a eu cette idée de vendre des bagues bleues. Porteraient le bijou, tous les célibataires qui désirent rencontrer l’âme sœur.

Ainsi, moi qui tape sur mon clavier, je me déplacerais régulièrement, question de montrer mon doigt bleuté à la ronde voir si des candidats possibles pourraient remarquer mon doigté et ma disponibilité. Mais pour le moment, dans cette même salle, je l’enlèverais. Il n’y a que des ados boutonneux avec leur maman qui cache mal un sourire de fierté à amener fiston aux portes de l’autonomie. Ça doit être des femmes qui ne travaillent pas et dont l’auto est payée ET appartient au mari.

Tiens voilà mon fils qui revient de son test. Il a un grand sourire, il a réussi son examen !

Voulez-vous me dire pourquoi j’ai un grand sourire de fierté d’avoir amené fiston aux portes de l’autonomie, tant pis pour mes assurances ?

Il est midi, je suis dans la salle du gymnase avec 15 autres collègues à me tortionner (je ne vois vraiment pas d’autre mot pour décrire mes exploits athlétiques) au son d’une musique entraînante à regarder le sourire aussi entraînant de l’entraîneuse.

Ai-je écrit quelque chose contre les salles d’attente ? Quel lieu agréable, pensais-je en espérant ne pas m’évanouir avant la fin du cours.

Moralité : Salle qui le dit, c’est salle qui l’est.

Scusez la salle là, c’est la joie de l’autonomie automobile espérée après une soirée de taxi.

vendredi 31 octobre 2008

CalunePas rassis, le Chelon !

Samedi 11 octobre 2008.

Une date marquée d'une pierre blanche. Que s'est-il donc passé le samedi 11 octobre 2008 ? Oui, c'est vrai que c'était la veille du millième de blogbo, mais bon, à part ça... je vous le dis tout de suite : un indice se cache dans le titre.

Le samedi 11 octobre 2008, le 4e festival de la cuvée de Parassy atteignait son (milieu et son) point culminant. Parassy-s/Beuvron est une charmante bourgade du Cher. Le mieux pour parler d'un endroit, c'est encore une petite vue g***maps :



Oui, alors, euh, google et ses avions ont entrepris de photographier toutes les rues des villes de France, mais visiblement ils n'ont pas commencé par ici, enfin Parassy - et c'est d'autant plus dommage que ç'aurait été vite fait.



Donc, à Parassy, ce soir-là à 20h, il y avait : sous le Grand Chapiteau, les Ogres de Barback (un peu surfait quand même, les Ogres de Barback) et sous le Petit Chapiteau... Georges Chelon (yeeepeeeeee !!!).

Chelon, pour vous la faire courte, j'avais découvert son existence (et son oeuvre, surtout) il y a quelques mois, grâce à des gens bien aimables (qui ont un coffre, une maie en fait, à trésor), de la famille éloignée par alliance de Choufifrounet ; et donc grâce à blogbo, et donc grâce à Rezvani (tous les chemins, ou presque, partent de Rezvani).

Forts de ces quelques éléments de base, je vous laisse prendre connaissance de la suite à travers une petite chanson. Le modèle de base est "Le petit chat m'aimait", un opus du maître qu'il chante à toutes les occasions, pour une raison... mystérieuse ; cette chanson, à part la substance du texte que je vous laisse apprécier par vous-mêmes, a ceci de remarquable qu'elle est à ma connaissance la seule à avoir fait l'objet d'un clip, oui oui, d'un clip que je vous enjoins d'aller voir tant il est... euh, drôle. Probable que si j'avais entamé ma découverte de Chelon par là, je n'aurais pas été beaucoup plus loin ! (bon, c'est vrai, il y a aussi des versions un peu moins ridicules...)

La doublure de Johnny s'étant désistée sous le vil prétexte que "faire du Chelon comme Chelon, c'est trop difficile" (promis Billy, la prochaine fois on fera du Graeme Allwright), c'est mézigue qui s'y suis collée. Je présente donc d'emblée mes excuses à l'artiste, sa famille, ses amis et ses fans. Bon, ça c'est fait. Allez, fini de rigoler maintenant, zouh.


      Je serais bien restée
      La musique était bonne
      Le chanteur s'enflammait
      Il avait accepté
      Ce festival paumé
      Au titre de cuvée
      Festival d'la cuvée d'Parassy
      Aux fins fonds du Berry
      Reculé loin des hommes

      Je serais bien restée
      La musique était bonne
      Le chanteur s'enflammait
      En plus c'était l'automne
      Et la lumière du soir
      Embrasait la forêt
      Le chemin était long et pendant le trajet
      Je pensais
      Que c'est beau la Sologne

      Ce concert ça faisait longtemps que j'le guettais
      Que j'espérais surtout qu'il s'rait pas annulé
      Je n'l'avais jamais vu, le pas si grand dadais
      Découvert par hasard, un disque dans la maie
      Et puis un peu plus tard, un à un, les CD
      J'm'étais mise à aimer

      Quand on y pense c'est drôle les hasards de la vie
      Arriver sur Chelon en partant d' Rezvani
      On croit avoir tout vu, et puis voilà qu'un jour
      On tombe incidemment sur un vrai troubadour
      Qui s'était fait discret qui continuait sans bruit
      Qui préparait peut-être, en secret, l'embellie

      Je serais bien restée
      La musique était bonne
      Le chanteur s'enflammait
      Ce soir-là il a fait
      Frémir le microphone
      S'allumer les briquets
      Il s'est planté parfois
      Mais avec cette voix
      Ce cachet
      C'est sûr on lui pardonne

      Le Petit Chapiteau d'la cuvée abritait
      Une scène deux baffles et quelques bancs tout usés
      On n'était pas nombreux mais pourtant à l'étroit
      Les pieds dans l'herbe verte indifférents au froid
      Ecoutant la guitare jouer sur l'écriture
      Chanson après chanson la voix et ses murmures

      D'une ballade à l'autre le chanteur en violet
      Cabotinait un peu, brodait sur ses couplets
      Il jouait de tous les temps, les gens étaient ravis
      Balayait tous les genres, ça donnait le tournis
      Il a chanté à part trois de ses bagatelles
      Et on ne comptait plus, à la fin, les rappels

      Je serais bien restée
      La musique était bonne
      Le chanteur s'enflammait
      Dans la nuit berrichonne
      Le bouillant auditoire
      Ardemment l'acclamait
      Je serais bien restée
      Mais y'avait plus personne
      Saint-Georges en avait terminé



Notes :

  • Autant le savoir, Chelon porte la même chemise - violette - à tous ses concerts (et à la tivi). Soyez sympas, achetez ses disques.
  • "Grand dadais" est le titre d'une chanson... que je n'ai encore jamais entendue, une musique de film.
  • "Chansons à part" est le titre d'un CD (de 2002) à part, essentiellement constitué de chansons un peu, disons, décalées - excellent disque au demeurant.
  • en bonus track, une image de l'après-concert, quand l'essentiel du public enthousiaste s'est pressé à la sortie du chapiteau, disons en fait à l'entrée, qui était aussi l'issue de secours... enfin bref - pour acheter des disques et surtout les faire dédicacer ; vu de derrière, c'était beaucoup plus doux, plus calme... :


vendredi 24 octobre 2008

AndiamoLa fête à Pigalle

J'avais quinze ans quand, pour la première fois, je suis allé à la fête foraine de Pigalle.

Elle s'installait en automne et restait un bon moment, elle s'étirait de Pigalle à la place Clichy, en passant par Blanche (ligne 2, n'est-ce-pas Pousse-Manette) ?

Pour nous y rendre le dimanche, on empruntait le bus et le métro. Afin de ne pas payer les transports, on collectait auprès des voisins les cartes hebdomadaires.

Ces cartes étaient vendues pour la semaine, six jours (samedi inclus), une carte pour le bus, une autre pour le métro. Généralement, les gens ne travaillant pas le samedi avaient le droit (ou plutôt la tolérance) d'utiliser le jour vacant le dimanche.

Quelle aubaine ! Nous demandions - bien poliment, t'imagines ! - aux voisins que nous connaissions de nous donner leurs cartes, ce qu'ils faisaient volontiers. Ce coupon était en principe nominatif, mais personne ne le signait ! Et puis les contrôleurs n'étaient pas regardant, après tout, la carte avait été payée, non ?

Pour mécolle, pas de problème, j'allais à l'école dans Paris, donc j'étais pourvu.

On descendait à Pigalle, c'est là qu'elle commençait vraiment.

Magnifique, fabuleuse, époustouflante, pour un p'tit gars de banlieue qui n'avait vu jusque-là qu'un manège d'autos-tamponneuses, une chenille poussive et deux stands de tir miteux !

Et tout à coup ça "clinquait" (pas Français, m'en fiche), ça hurlait, vociférait, interpellait le chaland...

ROULEZ, ROULEZ, ROULEZ, de la vitesse, encore de la vitesse : en voiture la jeunesse !

Les loteries aux couleurs vives, une grande roue, avec les lots inscrits dans chaque secteur, le cliquetis de la lame de ressort qui tressaute à chaque passage de chacune des petites tiges métalliques, TRRRRRR... Encore un heureux, encore un veinard, il a gagné "un canard" !

La musique des manèges, tonitruante, elle vrille les tympans, il faut hurler pour s'entendre, tant pis pour le voisinage !

C'était Piaf, Ray Ventura, Luis Mariano, Bécaud ou Sydney Bechet, le rock n'était pas né... Pas encore.

La guimauve, rose, blanche, jaune, qui dégouline. D'un geste appliqué, la belle foraine, à l'aide d'une spatule en bois, remonte la pâte collante et la suspend au crochet chromé.

Les odeurs de caramel brûlé, près du chaudron à barbe à papa, la baguette agile récupère le sucre qui s'effiloche.

Je n'ai jamais su résister à la barbe à papa, c'est léger, "volatile", comme un gamin de quinze ans.

La mère exaspérée distribuant une torniole au gamin trépignant, gesticulant, hurlant, chandelle sous le pif, réclamant un tour supplémentaire du manège fabuleux, avec ses chevaux en carton pâte, harnachés comme pour la parade, montant et descendant au rythme effréné d'un accordéon musette.

Tout à coup, un attroupement... Approchez, doucement... Au milieu du cercle des badauds, un petit bonhomme, aussi haut que large, casquette crade, pull col roulé délavé en fin jersey, les muscles énormes qui saillent... Un gorille !

C'est Yves Laboulange, un des derniers bateleurs que j'aie connu, il était passé il y a fort longtemps, dans une émission que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître : 36 chandelles, présentée par Monsieur Jean Nohain.

Il est là Yves, il arpente calmement les trois mètres carrés de son tapis crasseux, posé à même le sol, il attend que la recette soit assez conséquente avant de "commencer l'travail", comme il dit.

Yves se tourne alternativement vers les quatre points cardinaux : au Nord, des radins... Au Sud, pas mieux... A l'Est, des pingres, du bout du pied, il repousse négligemment les tunes et les laranqués (pièces en alu de 5 et 2 francs, des anciens francs, que dalle quoi) ! Il ne garde que les pièces jaunes, 10 et 20 francs anciens, pas un seul bifton, tu penses !

Puis, pivotant encore d'un quart de tour, il déclare regardant les badauds un à un : "à l'Ouest, rien de nouveau" !

Quand sa tirelire est suffisamment remplie, il commence "le travail", d'abord un poids de vingt kilos soulevé "à la coiffe", c'est à dire qu'il prend le poids en forme de tronc de pyramide, le coiffant de sa large pogne, la paume posée sur le sommet, et le soulève ! Essayez, vous verrez, la partie la plus étroite étant vers le haut, ça ne demande qu'à glisser.

Ensuite, il soulève le même "à la pince", c'est à dire qu'ayant saisi le petit rebord situé dans le haut du poids, entre le pouce et l'index, d'un mouvement de bascule vers son avant-bras, il lève les vingt kilos. La prise n'est qu'un bord de fonte de 8 millimètres de large par 5 ou 6 millimètres de profondeur. Essayez là aussi, mais écartez vos pieds d'abord ! Ses pognes ? Des machines à broyer !

Yves Laboulange, ça n'est pas le grand Zampano de "la strada", mais ça lui ressemble !

Les stands des "curiosités" : Zouzou, la femme la plus grosse du monde, quatre cents livres au bas mot !

Jacky : l'enfant-singe de Bornéo (vous avez remarqué : tous ces êtres, étaient toujours originaires de contrées exotiques, pas de Hénin-Liétard, ou de Boue-sur-Vase, non, non des régions sub-tropicales UNIQUEMENT) !

Ça n'est pas un homme, ça n'est pas une bête, c'est Jacky, l'enfant-singe de Bornéo, recueilli alors qu'il n'avait que sept ans environ... etc.

Plus loin, c'est Odette, la femme à deux têtes ! Ou encore Madame Suzy, qui présente des pinces en lieu de mains !

Nous n'allions pas voir ce genre d'attraction, ça m'aurait mis mal à l'aise, ces pauvres gens exposés à une curiosité malsaine.

Après le train-fantôme, les chenilles, cages à écureuils, autos-tamponneuses rutilantes, chromes éblouissants sous les projecteurs, ça me changeait des bagnoles plutôt minables de mes fêtes drancéennes ! Au détour d'un stand de tir, repérable à distance grâce ou à cause de l'odeur de poudre, voici...

Voici : le ring JACKSON !

Sur l'estrade, dominant la foule, alignés en rang d'oignons, un lutteur, un boxeur, un catcheur, et un judoka.

Le père Jackson, mégaphone en main, invective la foule, cherchant un "audacieux" qui osera relever le gant, qui défiera ses champions !

Il y a toujours dans la foule rassemblée devant le stand, un type ou deux qui lèvent la main.

Bravo Monsieur, c'est courageux, de combattre le champion de Belgique et des environs.

Bien sûr, c'est un "baron", un comparse, mais il n'empêche que pour une somme raisonnable, on assiste à un véritable combat de catch ou autre, qui dure un quart d'heure au bas mot.

J'ai connu il y a... fort longtemps, dans une petite boîte de Bagnolet (ne la cherchez pas, rasée, laminée, la boîte, la rue avec, en lieu et place, l'échangeur de Bagnolet) un garçon qui avait travaillé pour le ring Jackson, ce copain avait été catcheur.

Il nous racontait qu'il effectuait six à sept combats journaliers et, bien que ce soit un comparse contre lequel il combattait, c'était épuisant.

Quand nos poches étaient vides, ce qui était assez vite fait étant donné qu'au départ elles n'étaient pas bien pleines, on flânait encore, nous saturant les mirettes de ces néons multicolores, du vermillon des pommes d'amour et du rose bonbon de la guimauve.

On tardait à rentrer, les effluves de vanille, noix de coco, gaufres, nougats et caramels, nous retenaient encore un moment dans ce lieu magique.

Enfin on reprenait le métro, faisant le chemin en sens inverse, les musiques des manèges tournaient dans nos têtes : la belle de Cadix, la vie en rose, Davy Crockett.

C'étaient nos musiques, le cha cha cha venait d'éclore, les Beatles jouaient aux billes dans la banlieue de Liverpool, Bill Haley n'était pas encore une comète, Paul Anka chantait pour ses copains et le King répétait ses déhanchements.

mercredi 24 septembre 2008

Tant-BourrinUne grosse tagade

Pris sous le double feu de Cassandre et de Natpointg, je n'avais aucune chance de m'en tirer : me voilà tagué comme un train de banlieue !


Citer la personne qui vous a tagué

Bin, je les ai déjà citées en introduction mais, des fois que certains aient une comprenette diesel, je recommence : c'est Cassandre et Natpointg. Que leur nom devienne symbole de forfaiture pour les mille ans à venir. Et puis que des poils de cul de hyène putride leur poussent sous les narines, histoire de faire bonne mesure. Na !


Choisir un livre et l’ouvrir page 123

Là commencent les problèmes : s'il s'agit de faire partager un coup de coeur, la chose va s'avérer difficile tant il y en a eu depuis la quarantaine d'années que je sais lire (à commencer par "Oui-Oui et la gomme magique"). Les livres qui m'ont beaucoup marqué sont légion et en choisir un seul me paraît impossible. J'ai donc résolu la question en optant pour la facilité : choisir un de mes tout derniers coups de coeur, parmi mes lectures récentes.

Petit souci résiduel : deux livres m'ont vraiment scotché, cet été, dans des styles diamétralement opposé. Mais baste, je ne tranche pas : après tout, j'ai reçu deux fois le même tag, j'ai donc le droit prendre deux livres !


Recopier à la 5ème ligne les 5 lignes suivantes (version Natpointg) ou trouver la cinquième phrase et citer les 3 suivantes (version Cassandre)

J'opte plutôt pour la seconde version qui, d'un strict point de vue technique, permet d'éviter de commencer la citation au beau milieu d'une phrase.

Premier livre :

- Les hommes... dit-elle avec désapprobation.
- Il était assez vieux pour être mon grand-père, dit Sally. En fait, c'était mon grand-père.

Second livre :

La haine est une cruelle marinade : elle donne à la viande une saveur de déchet. En définitive, Matziev, même si le l'ai connu quand il a tourné ordure, valait bien mieux que lui. Au moins, une fois dans sa vie, il n'avait pas fait honte à sa qualité d'homme.


Indiquer le titre du livre, l’auteur, éditeur, année d’édition

Premier livre :

"Wilt 1 (ou comment se sortir d'une poupée gonflable et de beaucoup d'autres ennuis encore)" de Tom Sharpe, 1976
Edition du Sorbier, 1982, pour la traduction française

Second livre :

"Les Âmes grises" de Philippe Claudel - Editions Stock, 2003


Commenter votre choix (ça, c'est moi qui l'ajoute histoire d'éviter que ce pseudo-billet ne soit trop sec)

Tom Sharpe est un pur génie - et je pèse mes mots - de l'humour, hélas trop méconnu en France. En fait, j'ai lu cet été la série entière des Wilt (Wilt 1, Wilt 2, Wilt 3 et... oui, Wilt 4, y'en a un qui suit !) pour finir dans un état de démence rigolarde avancée. Je ne sais pas si ce genre de chose vous est déjà arrivée : lire un bouquin et commencer à pouffer tout seul, de plus en plus fort, reprendre la lecture, repouffer, en pleurer, s'essuyer les yeux, reprendre la lecture, exploser de rire, en repleurer, etc. Rarissime en ce qui me concerne, mais Tom Sharpe l'a fait ! Et si vous ne trouvez pas ces titres-là, vous pouvez prendre n'importe quel Sharpe de confiance : j'en ai déjà lu un certain nombre, on est rarement - pour ne pas dire jamais - déçu ! :~)

Rien de mieux pour calmer un fou rire que d'enchaîner sur le livre de Philippe Claudel. Bon, là, je vais pas vous en faire des tonnes, vu que le succès a été au rendez-vous, avec un prix Renaudot 2003 à la clé. Je confirmerai juste que c'est un livre énorme par son épaisseur, non pas centimétrique mais humaine : un somptueux voyage dans les tréfonds de l'âme, dont je suis sorti avec comme une grosse boule d'émotion coincée au fond du gosier. Et le tout avec beaucoup de style dans l'écriture. A lire...


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Je ne vais bien évidemment imposer à personne en particulier cette vilenie, ou alors à tous les lecteurs de Blogbo dans leur ensemble. Bref, y participe qui veut. Et je pressens déjà que le Souf', cossard comme il est, va se jeter sur l'occasion !


Conclusion ?

Finalement, je m'aperçois que Cassandre et Natpointg m'ont permis de fabriquer un faux billet sans risque et à peu de frais alors que j'étais complètement à court d'idées et de temps.

C'est ballot, ça, je n'aurais pas dû les maudire pour mille ans ! :~)

samedi 20 septembre 2008

AndiamoLe ventre de Paris

Ça n'est pas celui de Zola, ni celui de Carco. Paris, mon Paris que j'aimais, c'était plutôt celui de René Fallet, avec son petit monde de travailleurs, de petits commerces, des bistrots de quartier, avant qu'ils ne deviennent typiques, branchouilles ou bling-bling !

Les halles... Ce quartier, de Beaubourg à St Eustache, la rue St Denis, la rue de le grande truanderie, ou la rue Rambuteau, s'est vidé de son âme.

Bien sûr, des halles au coeur de Pantruche, ça n'était plus possible : chaque nuit, c'était un foutoir indescriptible ! Toutefois, avec le déménagement à Rungis, certains (même beaucoup) y ont trouvé leur compte.

Et puis, il faut bien que le monde avance : avanti o popolo alla riscossa... Andiamo !

Pourtant je l'aimais bien ce quartier quand, vers les deux ou trois heures du matin, on se retrouvait avec une bande de copains, qui sur une Vespa, ou une moto, après une nuit passée à gambiller au "Tourbillon" ou au "P'tit jardin", ou encore au "Royal lieu" sur le boulevard des Italiens, à côté du journal "le Monde" (aujourd'hui, il a déménagé, il est vrai que le monde déménage beaucoup en ce moment !).

Ce "dancing" accueillait des rombières en quête de fraîcheur, ne vous marrez pas ! A cette époque je n'avais pas dépassé la date limite de consommation ! Et puis quand tu as vingt berges... Hein ?

Alors nous débarquions dans un rade. Tout autour, ça n'était que diables poussés à grande vitesse, par des commis en blouses bleues, des chariots élévateurs, portant des piles de cageots impressionnantes, ça tanguait, tressautait, balançait dangereusement, miraculeusement ça ne tombait pas ! Saint Eustache veillait !

Tout ce monde s'interpellait, s'engueulait, s'insultait, se promettant la raclée du siècle... Paroles, paroles.

Des louchébèmes, tabliers maculés de sang, du résinet sur les pompes, petit calot qui avait dû être blanc rejeté en arrière du crâne, rentraient dans le troquet, commandaient des "blanc-secs", chacun sa tournée, le pif sans modération, les clopes sans bouts filtres, la monte ? A cru !

Bien sûr, aujourd'hui, ça n'est plus possible, les risques ne sont plus les mêmes, c'est une évidence.

Et puis, dans ce quartier, les chnecks qui tapinaient entre deux piles de cageots : "elle est là Dany" ? Oui mon p'tit gars répondait l'échassière en cuissardes, mais à c't'heure, elle est "sous presse" !

Les putes, tu sais, quand tu as dix-neuf ans, des outils en état de marche, un coup dans le porte-pipe, t'es pas regardant.

Comment c'est dégueulasse ? Alors il ya deux sortes de mecs : les timides qui n'ont jamais osé aborder une pute, et les menteurs !

Je ne suis pas spécialement timide, et puis je ne mens pas pour des conneries.

L'été dans ces rues, ça sentait les légumes frais, les fruits mûrs, des montagnes de melons au parfum entêtant attendaient les acheteurs. Des ôdeurs... la campagne à Paris, tu glissais sur les fanes de poireaux ou des feuilles de laitue, taches vertes sur le pavé. Avant soixante-huit, les rues de ce quartier étaient pavées, en Mai de cette même année on les a offerts au C.R.S, un peu brutalement il est vrai !

Alors on a goudronné : sur les pavés... le pétrole !

Dans les rades à cette heure avancée (ou matinale), ça grouillait de monde, curieux mélange des travailleurs de la nuit en pleine effervescence, et des noceurs un peu émêchés pour la plupart !

Il cohabitait bien ce petit monde, et puis le noceur du moment serait le bosseur du matin, mais dans quel état !

Je travaillais à l'époque dans une petite boîte de Bagnolet, et quand mon chef me voyait arriver le matin avec une tronche de "noceurenmanquedesommeil", compréhensif, il m'accueillait avec un grand sourire, et me refilait des boulots tranquilles, pas fatiguants, peinards... Charge à moi de lui raconter mes "fiestas" ! Ah le brave homme !

Quand on débarquait en pleine nuit après une soirée de guinche, on avait un p'tit creux, on s'attablait et nous commandions une "gratinée", la soupe à l'oignon, servie fumante, une belle couche de fromage fondu et des tranchettes de pain grillé, quand tu as la dalle, HUUM un délice ! Un p'tit coup de muscadet sur lie pour faire descendre le fromage et... remettez-nous ça, la patronne !

Souvent un petit orchestre accompagnait la soirée, deux ou trois musicaux pas plus : un accordéon, un batteur, parfois une guitare ou un "râcleux" pas plus.

Alors on "tangotait", on risquait une petite valse, si la tête ne tournait pas trop, entre les tables, peu de place, avec nos copines ou les nanas de la table d'à côté, c'était bon enfant, on lichtronnait un peu, sans être torchonnés !

Puis on rentrait, reprenant la moto, l'air frais nous tenait éveillé, on ne soufflait pas dans le ballon, on ne soufflait que dans les langues de belle-mères !

Avec le recul, je me dis que c'était bien "craignos" mais, fin des années cinquante, c'était comme ça ! Honnit soit qui mal y pense.

Evidemment, je vois mal de nos jours des halles au coeur de Paris, on a remplacé le boulot par la plage, les "gens de peu" (si, si, j'ai déjà entendu des nases employer cette expression !) qui vivaient dans ces quartiers, ô combien vivants, expulsés par la montée du prix des loyers, remplacés par des "bobos" qui pensent encore ces cons, habiter des quartiers "Apaches".

Les Apaches ont quitté Manhattan et les halles il y a bien longtemps, et l'odeur de la soupe à l'oseille a remplacé celle de la soupe à l'oignon.

dessin : Andiamo

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