Blogborygmes

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mardi 18 décembre 2012

AndiamoLe violon sur le pré

Ils étaient trois, trois petits enfants, ils n’allaient pas glaner aux champs comme dans la chanson.

Il y avait une fille et deux garçons. Le plus jeune avait neuf ans, l’aîné douze ans et, entre deux, juste au milieu, leur sœur.

Ils passaient leurs vacances en Auvergne, leur Maman les accompagnait. L’après-midi se passait en pêche aux vairons, en tentative d’attraper une pauvre grenouille et, quand ils y parvenaient, ils la relâchaient bien vite : courageux les Parigots, mais pas téméraires, des fois que ça morde ?

En baignades aussi dans ce qu’ils rebaptisaient le fleuve Amazone (deux mètres de large à tout casser, le fleuve Amazone de leur enfance) rempli de piranhas, de crocodiles et surtout d’anacondas énooooormes et extrêmement voraces.

L’heure du goûter arrivait, la Maman sortait d’un grand panier d’osier pain de campagne en tranches, carrés de chocolat ou confitures, un peu de beurre conservé dans un pot de grès, mais non pas celui du petit chaperon rouge, je vous vois venir !

Ils avaient faim, les minots, après une journée pareille. Alors commençait la cérémonie. La Dame, très jeune elle n’avait pas trente-trois ans et déjà trois grands enfants ! Elle s’asseyait dans l’herbe, les jambes sagement repliées sous elle, sa robe disposée en corolle afin qu’elle ne se froissât pas. Puis elle saisissait un grand écrin en bois verni, l’ouvrait précautionneusement, il était garni de feutrine rouge, je m’en souviens encore, elle en sortait un violon, puis délicatement saisissait l’archer, enduisait les crins de ce dernier de colophane afin qu’il glissât mieux sur les cordes.

Pendant un moment, elle accordait l’instrument, tournant les petites clefs prévues à cet usage, elle réclamait le silence, car il faut une oreille exercée pour mener à bien l’opération, et elle avait « de l’oreille » comme on dit.

Puis elle commençait à jouer, les enfants oubliaient les tartines, les yeux rivés sur les doigts qui vibraient sur les cordes, elle fermait les yeux pour mieux s’imprégner de la musique, elle commençait toujours par ceci : La méditation de Thaïs de Jules Massenet.

Immanquablement, les trois durs avaient de grosses larmes qui coulaient sur leurs joues… Durs les Parigots, mais pas trop !

Alors, afin de leur redonner le sourire, elle enchaînait : Le concerto pour violon en ré majeur de Brahms, c’est enlevé et le sourire revenait.

Puis, le goûter avalé, ils retournaient à leurs jeux. Au retour, c’était la dispute à celui qui porterait l’instrument merveilleux.

Elle a joué de moins en moins, la Dame, ses doigts devenaient plus gourds, « moins déliés » comme elle disait.

La dernière fois que je l’ai entendue jouer, elle avait environ quatre-vingts ans. Puis, petit à petit, la Dame s’est recroquevillée, elle s’est voûtée. A la fin, on aurait dit qu’elle se mangeait elle-même, il n’en restait plus comme on dit, mais, toujours l’œil vif à plus de quatre-vingt-dix ans, elle lisait sans lunettes, l’esprit affûté comme un rasoir coupe-chou ! Et puis à quatre-vingt-douze ans, elle s’est envolée légère comme un arpège, sans faire de bruit…

Elle s’appelait comme moi, plutôt c’est moi qui m’appelait comme elle, c’est normal dans la même famille.

mercredi 12 décembre 2012

Saoul-FifreLa Fête de la verge

M'enfin, Andiamo, j'ai pas dit "la fête à ma verge", nonon, une vraie fête, le long du quai (et non "le lait du con"), dans la belle ville de Sète (et non "dans l'eau d'vaisselle de bite"). C'est Croukougnouche, toujours fourrée dans les bons plans, qui nous a prévenus de ce coup-là, elle qui fait partie de longue date de la mouvance du Lieu noir et de la Compagnie Cacahuete . Et sincèrement, elle et son mari Vincent méritent vraiment la médaille des Relayeurs de Convivialité, je fais la grève de la faim tant qu'ils ne l'ont pas obtenue.

Enfin, non, juste un petit régime.

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samedi 8 décembre 2012

AndiamoMa communion solennelle

J’en vois qui se marrent déjà : l’autre mécréant qui va nous parler de sa communion ! Autrefois, quand t’étais minot, t’avais pas le choix : t’allais au caté, tu faisais ta communion et tu fermais ta gueule ! C’était comme ça pour la plupart d’entre nous ! Élevé dans la religion catholique, apostolique et romaine… Amen.

Ça me faisait carrément tartir, j’avais tout de même un pote ou deux dont les parents badigeonnaient les murs à la barbouille noire « US GO HOMME », c’était à la mode après la guerre, les Ricains étaient venus nous libérer, merci pour tout, mais maintenant : caltez ! Ils étaient comme ça, les cocos, reconnaissants… mais pas trop. Ben oui, y causaient pas patois les vieux de mes potes, alors des fois le « H » y restait dans l’pot, ou bien y’avait un « M » en trop ! Mais le pot, c’est eux qui l’avaient, mes potes, biscotte y z’allaient pas au caté le jeudi.

Putain, cavaler à l’aut’ bout de Drancy pour écouter le cureton me raconter des trucs incroyables ! Le p’tit Jésus qui marchait sur la baille, ou bien il levait les bras au ciel...

- Tu fais quoi seigneur ? demandait Saint Pierre.

- J’amorce, mon bon Pierre… J’amorce.

Et crac ! La pèche miraculeuse, les filets pleins à craquer d’ablettes et de goujons ! Plus que dalle à picter ? Une tite prière et HOP du pinard à la place de la flotte ! Il tombe sur un atigé des gambettes : un p’tit massage sur les rotules et le v’là qui cavale comme une autruche. C’est bien d’être le fiston de Dieu ! Et sa Maman toujours vierge ! Tu sais, moi, à dix ans, j’savais pas bien ce que ça voulait dire « vierge » ! T’as beau avoir fait ton éducation sexuelle dans la rue, à dix balais, on n’était pas encore bien fufute et puis y’avait pô internènette et « minous.com » pour te coller au parfum.

Bien sûr on avait des frangines, alors on n’ était pas tout à fait crétins, on avait bien vu qu’à la place de not’bout d’mastic elles avaient un joli sourire d’avril, en long le sourire, pas en large !

Et puis y’avait aussi le mec qui s’était mis face à la mer rouge ! Moi, j’imaginais une mer de résiné, ça m’foutait les j’tons, alors le curé il nous disait :

- Moïse, il écarta les bras et la mer s’ouvrit, alors les Hébreus traversèrent à pieds secs. Je soupçonnais un peu l’arnaque, ayant déjà pataugé au bord du canal de l’Ourcq où on allait se baquer étant minots, en cachette de Clémenceau bien sûr. Les bords du canal, c’était gadoue, tas d’boue et tout l’toutim ! Alors après avoir écarté la mer rouge, ça devait vachement patauger dans la vase, non mais des fois. J’étais pas costaud en histoire sainte, mais en baignades prohibées, fallait pas m’la faire, je suivais mon frangin qui n’avait peur de rien, alors j’me déballonnais pas, il m’aurait traité de chiasseux !

Donc je me prépare pour la communion, j’avais onze ans, j’avais tout fait ça comme y faut, j’étais le der à y passer, mon frangin, ma frangine y étaient passés avant, fallait pas que j’déconne, on comptait sur moi !

Le jour arrive, en juin comme toutes les communions. En juin à Pantruche, ça ressemble parfois à octobre ou novembre, si tu vois ce que je veux dire, c’est l’automne qui s’attarde ou qu’est en avance, c’est selon !

Il tombait des hallebardes, bien sûr toute la famille était là… Mais NON, y’avait pas Georgio le fils maudit, chez les Ritals la famiglia c’est sacré. Il ne fallait surtout pas bouffer car on communiait pour la première fois ! Va expliquer ça à un gamin de onze ans, je crevais la dalle ! Et dans un réflexe intempestif et blasphématoire, je chope un morceau de sucre et je l’engloutis ! Ma mère catastrophée, à l’époque elle croyait toutes les conneries ecclésiastiques apostoliques et romaines qu’on lui racontait, plus tard son fiston l’a fait changer d’avis.

Elle a tout raconté au curé, ma brave Maman. Ça l’a fait sourire, ce brave curé, il n’était pas trop borné et même plutôt sympa. Et puis il avait dû en voir d’autres le sapeur dans sa vie, quand les autres l’ont lâché il s’est retrouvé bien seulabre pour monter là haut ! Alors mariner un moment les ribouis dans le sucre, ça ne devait pas l’affoler.

Ils l’ont vachement lâché, Pierre, Paul, Jacques et les autres….

- KI Ksè KI CONNAÎT JESUS DE NAZARETH ? qui demandait le centurion en Araméen-Latino-Arabique à la sauce couscous.

- De Nazareth ? qui répond Pierre, faut changer où pour Nazareth ?

- Du Jésus, j’en ai vu à Lyon qui disait Paul, mais il était pas casher !

Et après ça on m’a fait gober que c’étaient des saints…

Enfin on part, on nous avait rassemblés sur la place de la mairie, face à l’église, chacun un cierge à la main. Au bout de trois pas, le mien se casse en deux ! Il pendait lamentablement comme une vieille quèquette… Désolée qu’elle était ma pauvre Maman, moi ça m’faisait marrer !

La flotte avait détrempé mes vêtements, mon premier costard et mon premier futale long, la veste était bleu marine, elle avait déteint sur le brassard… Faites pas des yeux de merlan frit, on portait un brassard blanc en forme de croix, le brassard commençait à se teinter de traînées bleuâtres… Ma-gni-fique !

Et puis c’était bien, tous ces communiants et ces communiantes, nous n’étions pas en aube alors, les mecs en pantalon, les filles en robe, et là tu voyais tout de suite le niveau social. Les riches avec des toilettes somptueuses, les petites ressemblaient toutes à des minis mariées, oui je t’assure. Vu que chez moi, pour passer ente deux feuilles de paye, fallait s’faire vachement mince, ma mère avait tout confectionné, pas maladroite, j’avais fière allure, à part le cierge à la con et la couleur qui dégueulait, mais ça allait bien avec moi qui n’en avait rien à foutre !

C’est ce jour là que ma grand’mère m’a offert ma première montre. Elle portait la boîte comme l’évèque le Saint sacrement, j’aurais préféré de la thune pour aller au cinoche avec mes potes ou acheter des ICHE LIFFE - on ne prononçait pas « High Life » -, des cibiches qui n’existent plus, vendues par paquet de dix clopes.

Et pis y’a eu l’hostie… C’est un peu dégueu au goût, et pis ça colle, ça adhère au palais, DÉFENSE de toucher avec les doigts ! Péché MORTEL, MORTEL le péché ! Alors tu joues des mandibules, tu ressembles à un Ricain en train de bouffer son sème sème gum, ou alors on dirait l’cul d’ta sœur quand elle monte une côte à vélo ! T’as les mandibules qui vont un coup à gauche, un coup à droite. Et puis une fois avalé, ça cale pas, t’as autant la dalle.

Chez nous, ça s’était bien passé, par contre chez la voisine…. Avant la communion, on faisait une retraite pendant deux ou trois jours. On partait de neuf heures à seize heures dans un joli parc où créchaient des frangines, celles avec des cornettes. Alors ce parc de Drancy il a changé de blase au gré des élections, mais oui, c’était un peu Clochemerle, Drancychovski…

D’abord le parc des sœurs, puis il s’est appelé Parc Jacques Duclos, un député Coco des années cinquante, z’avez pas connu, vous êtes trop petits. Et maintenant, c’est le parc « Ladoucette », du nom de la première occupante des lieux, une baronne qui soit dit en passant avait fait beaucoup pour la ville, quand c’est bien il faut le dire aussi.

Oh ! C’était plutôt marrant la retraite, on récitait bien quelques prières, on nous refaisait un peu de caté, le midi on bouffait son panier repas préparé par les Mamans, et l’après-midi on jouait dans ce grand parc.

Mais la voisine, elle avait fait « la bleue ». La retraite ? Lapuche ! Alors quand le matin elle est arrivée en tenue de communiante, le curé a refusé de lui faire faire la dite communion ! Putain le bordel, toute la famille était là ! Ils ont tout de même fait le repas mais sans la communiante qui s’était pris une avoinée de première. Confirmation et communion en même temps : le premier « kit » en somme !

(ch'tiot crobard Andiamo 2012)

dimanche 2 décembre 2012

Saoul-FifreLe régime Dukon

Régulièrement, j'entends le moteur à Margotte qui change de régime, elle cherche sans doute à perdre un os, quand elle explique devant moi, doctement, à un aréopage d'amies disons "bien enveloppées" qu'elle a deux-trois kilos à perdre, je sifflote en regardant ailleurs, j'ai honte de son manque de savoir-vivre. Ainsi touiller dans les plaies sanguinolentes de nos appâts rances !

Elle entraine souvent dans son sillage notre fille qui, entre un bol de mayo et un de Nutella se préoccupe soudain de son tour de taille alors qu'à son age on perd ou on gagne 10 kilos juste en fonction de la météo.

Je restai jusque là spectateur souriant de ces obsessions nutritionnistes bien que mon quintal eut eu bien besoin des mêmes attentions, mais le simple mot de régime me renvoyait à des souvenirs de pesage systématiques de denrées, de comptage de calories, en gros de systèmes très contraignants qui vous font passer auprès de vos proches ou de vos hôtes pour un emmerdeur mahoussement psycho-rigide et insupportable à table.

Et je tiens par dessus tout à mon image de bon vivant cool no souçaille.

Je l'ai lu donc, le livre du docteur Dukon, pas difficile : il était aux chiottes (le livre, pas le docteur). C'est un salmigondis de règles très précises, de phases à respecter, de jours spécialisés, enfin quoi, un système très dirigiste rempli de tabous et, au milieu de ces interdictions, des permissions bizarroïdes voire inquiétantes : l'aspartam, l'huile de paraffine (!), le chewing-gum, le son d'avoine, le médiator ...

Le principe de base de son régime a l'air frappé au coin du bon sens, aussi me suis-je lancé dans une imitation, éliminant tous les trucs zarbis, trop compliqués et surtout anti-conviviaux. Il faut avoir entendu un amalgame de dukonneurs échangeant leurs expériences, ça parle de "semaine protéines", de "phase de consolidation", de "chat-coaching", de "rentrée en stabilisation" (et non "en stabulation" comme j'en connais des bouseux qui pourraient confondre), d'"instinct-stockage" etc... Ce genre de lexique spécialisé met vite les boules aux braves personnes venues là pour se déstresser après une &$%WWWW§*£ de journée de labeur merdique en sirotant un ou plusieurs cognac-fizzs et en compensant par poignées de cacahuettes.

J'ai donc fait une criti-relecture de son livre à la sauce Saoul-Fifre, un gonze qui n'aime pas trop les contraintes extérieures. Et ce d'autant plus que le docteur a l'art de susciter les attaques de ses confrères , peut-être de gros jaloux, mais soyons prudents.

Quand il dit que l'ennemi, c'est le gras et le glucose, on ne peut que le suivre, tout ça se fixe autour du cœur, le ralentissant, encrasse les artères, enrobe les intestins, persille tous les muscles, n'en faut plus !

Enfin, je dirais qu'il ne faut pas en rajouter dans les aliments bruts qui en contiennent naturellement, bien sûr.

Pour les protéines, Dukon conseille une période "consommation à volonté" qui évitera le sentiment de manque et pendant lequel le corps sera obligé de "bruler" ses propres graisses, cholestérol et autres triglycérides. Ça parait logique mais ce côté "tout ou rien" me semble dangereux. Je crois d'ailleurs que c'est le danger potentiel de toutes ces protéines d'un seul coup que ses collègues lui reprochent (risque de blocage des reins, toxines...). Cette phase, très agréable pour un viandard (tartare, plateau de fruits de mer, poisson, fromage 0 %, œufs...) a donc été très courte chez moi et j'ai vite introduit des légumes crus ou cuits, des fruits (interdits par Dukon !), en bannissant bien entendu toutes les graisses, huile (même d'olive), beurre, charcuterie, fromages etc... et les sucres, confitures, miel, riz, pâtes, couscous, farine, pain, légumineuses, patates...

Ça nous donne ce genre de menus :

Petit déjeuner : eggs and bacon sur un chapati au son d'avoine, thé sans sucre, pomme.

Déjeuner : tartare de bœuf, salade de légumes crus à base de tomates ou carottes sauce yaourt vinaigre balsamique, fromage 0 % avec une giclée de sirop d'agave (faible indice glycémique)

Diner : soupe de légumes, truite ou saumon fumé, petit bout de fromage, mandarine, 2 carrés de chocolat 99 %...

Vous voyez, c'est sympathique, je n'hésite pas à faire de petits écarts par rapport à l'orthodoxie, je ne me refuse rien de bon mais je reste ferme sur le gras et attentif aux sucres. Ce régime agréable mais sévère par rapport à mon ancienne façon de me nourrir me permet je pense, les jours où nous avons des invités ou ceux où nous serons nous même de sortie, de manger de tout sans pousser des cris d'orfraie ni me mettre à l'abri derrière le sacro-saint régime puis chipoter ensuite avec une mine terrorisée.

C'est ce que Dukon appelle des "repas de gala", alors vous pensez, si j'ai en plus sa permission ?

vendredi 9 novembre 2012

celestineMon rencard avec Chauguise

L'autre jour, profitant de mon passage à Paname, je me suis dit comme ça.

« Et si j'en profitais pour passer un coup de biniou à Andiamo ? Je me suis laissé dire qu'il créchait dans le coin. »

Vous emballez pas, hein, bande de décapsulés, je vois déjà vos petits yeux égrillards se plisser à l'évocation de je ne sais quelle idée salace...C'était juste pour boire un caoua, et taper la discute avec le concepteur du commissaire Chauguise himself et en personne. Eh non, je ne résiste pas, quand j'ai l'occase, j'aime bien mettre des visages sur les blazes. C'est comme qui dirait une manie chez moi, ce passage du virtuel au réel.

Bref, on se file rencard dans un p'tit troquet boulevard de Ménilmontant, mais oui madame...et j'avoue que j'ai les guitares en coton, les mains moites et les pieds poites en attendant l'arrivée du poulet le plus célèbre de la blogo.

Bon le vlà, et tout de suite, le courant passe. Continu et alternatif. On sent qu'on est en phase quoi ! On fait les présentations, on se tape la bise et en avant Guingamp ! Je vous apprends rien, à vous les tauliers de ce blog jubilatoire et intempestif, votre pote est un joyeux drille. Mais en plus, il connaît plein de trucs sur tout. Avec son accent titi des faubourgs populaires qu'il fait reluire depuis la septième génération, me vlà plongée tout droit dans un film de Lautner, dialogué par Audiard. Du petit Jésus en culotte de satin.

Tout y passe, bourgeois, patrons, la gauche, la droite, même le bon Dieu, comme dans la chanson... Mais aussi Brassens, Coluche, et pi, hé, rigolez pas, Duclos et Marchais, des gonzes que j'avais même oublié qu'ils existaient à une époque, et pi la famille, le turbin, les rapports zhumains en général et en particulier. Moi j'ai les mirettes qui pétillent et le clapoir ouvert comme un poiscaille qui a avalé trop d'air. J'esgourde, je biche.

C'est qu'il sait parler, le dabe ! Pas étonnant qu'il ait la plume alerte. Et avec les frangines, il est encore plus loquace. Que voulez-vous ? C 'est son p'tit talon d'Achille à lui, il aime beaucoup les personnes du sexe opposé. Opposé à quoi, on se le demande...

Moi chuis pas opposée à me laisser gentiment causer fleurette par un zigue qui m'appelle « belles chasses » , et qui a encore un esprit et des manières d'hommes, les vrais, qui refusent que les gonzesses paient les consommations. Pas comme ces homoncules de maintenant, qui se passent des pognes et se sucent la pomme au lieu de se serrer la pince, de toutes façons, je risque pas grand-chose pour mon honneur, avec le loufiat qui nous lorgne le regard en coin, et les chalands qui passent devant le rade.

A cinq plombes de l'après-midi, le boulevard de Ménilmontant c'est pas franchement le désert des Tartares, sans compter mes deux fistons qui chaperonnent de loin en loin, leur maternelle avec le zèle d'un James Bond en service commandé. (rapport au film que j'ai vu au cinoche avant-hier)

Enfin voilà, l'heure passe, il faut trop vite prendre congé, presqu'au milieu d'une phrase, et l'on se quitte comme deux potos, sous la petite pluie qui sert de manteau aux Parigots.

Arrivederci, bello. Et vous, faisez pas les jalminces, si ça se trouve, votre tour viendra...

samedi 3 novembre 2012

Saoul-FifreMonsieur Ricard

Non pas Paul, rien à voir avec Paul, le célèbre peintre monochrome obsédé par le jaune à tel point qu'il popularisa une boisson pouvant vous foutre une jaunisse, ou plus précisément un ictère à bilirubine conjugué plus communément appelé "cirrhose"

Bon vous avez été sages, on a pas reçu plus de 20 spamms cette semaine, les trolls on a carrément oublié ce que c'était, allez hop, une petite gâterie (en tout bien tout honneur ho mon dieu qu'alliez-vous imaginer ?) par l'inoubliable Annie Cordy oui j'aime les artistes qui mettent leurs couilles sur la table et qui posent les vraies questions : pourquoi ce surnom de "six roses" ? Les exégètes les plus bourrés de compétences s'en arrachent encore les cheveux des années plus tard.

Non, le mien, de Ricard, s'appelait Arsène. C'était le dernier forgeron-réparateur de machines agricoles du coin et maintenant qu'il est mort on en a plus. Voilà mon billet est fini.

Snif Vé malgré mon chagrin je vais vous en dire un peu plus. Ricard c'était la terreur du monde agricole, il se mettait en pétard pour un rien, te collait un pain sur le tarbouif pour un mot de trop ou te lançait carrément à la figure le marteau-à-frapper-devant, enfin tout ce qui lui tombait sous la main au moment où il éprouvait un besoin urgent de te balancer quelque chose dessus. Valait mieux avoir un certain niveau dans l'art de l'esquive.

Alors les péquenots avaient pris l'habitude de lui envoyer leur femmes, espérant un peu plus de retenue et de respect devant des corps de mères. Erreur, grossière erreur car son imago maternelle était pourrave au dernier degré, je l'appris par la suite.

Et bien je ne suis pas peu fier d'avoir apprivoisé la brute, jusqu'à ce qu'on devienne, je ne sais pas si, avec une différence d'age entre nous de plus de 45 ans on peut utiliser ce mot, mais oui : amis. Déjà il était hyper compétent dans son boulot, m'a appris plein de ses secrets, j'avais une admiration palpable, palpitante pour lui.

Et puis il avait une histoire et j'adore les histoires qui trouvent leur dénouement par le haut, quels que soient les écueils et les vents contraires. Orphelin de père très jeune, sa mère se remaria assez vite et la relation du jeune Arsène avec son beau-père devint vite catastrophique. Le petit ayant du caractère (déjà !) la vie du foyer devint explosive et Ricard ne trouva que la fugue comme solution. Dix, onze ans peut-être... Il marcha, chaparda, dormit où il pouvait et un jour qu'il vagabondait dans une rue de Mallemort, il se fixa, fasciné, dans la position du chien d'arrêt, devant la porte d'un hangar à l'intérieur duquel un grand feu fouettait ses ombres et ses lumières mouvantes autour d'un bonhomme habillé de cuir qui cognait, se démenait, faisait vibrer la tôle, résonner l'acier à grands coups de marteau. Il resta là toute la journée, silencieux devant ces mystères qui le dépassaient, les énergies en jeu sans doute en affinité avec sa propre violence et avec sa colère, les yeux écarquillés. Le soir il était toujours dans la même position, hypnotisé, il venait de rencontrer sa vocation.

Le forgeron ferma son atelier et, ému par ce petit bout d'chou taciturne, le ramena manger et dormir chez lui. Les jours suivants, Ricard suivit son nouveau patron à la forge, balaya, surveilla le feu, courut chercher les pièces demandées et le forgeron, de son côté, se renseigna discrètement auprès de la maréchaussée sur l'identité de son fugueur, fit le voyage à Salon et proposa à la mère de prendre Arsène en apprentissage, ce qui fut fait, et qui arrangea tout le monde. De ce temps-là, Arsène fit une croix bien épaisse et bien opaque sur sa mère et son beau-père, il ne les a même pas invités à son mariage. Il finit sa formation chez son maitre providentiel, puis se mit à son compte après l'intermède du service militaire et de la guerre où on l'avait mis à ferrer "les mulets méchants" dont les autres maréchaux-ferrant ne voulaient pas. Puis il se maria avec une "Première rosière" de Salon-de-provence (l'équivalent de nos miss actuelles) dont la devanture avantageuse était une publicité vivante pour son corps de métier puisqu'elle livrait le lait cru fraichement trait, de porte en porte, avec son charreton plein de bidons.

Autant Arsène avait détesté sa mère, autant il a adoré sa femme qui était très gaie et qui savait le prendre par le bon bout.

Et puis vint le jour de ce coup de fil pour le moins inattendu :

- Vous êtes bien Arsène Ricard, votre mère s'appelle bien unetelle, née en ... ? Elle est à l'hôpital, elle n'a aucun revenu, en raison de l'obligation légale alimentaire due par les enfants aux parents, nous vous envoyons la facture...

Et voilà comment, à 75 ans, on se retrouve contraint d'héberger sa génitrice. Si Arsène avait tenté d'effacer sa mère de sa mémoire, de son histoire, de son amour, sa mère, elle, avait parfaitement réussi. L'infirmière a domicile lui dit :

- Vous avez vu comme votre fils est gentil ? Il vous a pris chez lui, il vous relève quand vous tombez, il vous porte...

Et la mère qui répond :

- J'ai pas d'fils, j'ai jamais eu d'fils !!!

La gueule que tirait l'Arsène !

Il a quand même fallu qu'ils se la coltinent quatre ou cinq ans, la grabataire, vu qu'elle s'est accrochée à la respiration jusqu'à presque cent ans. Madame Ricard bru est morte l'année suivante, sans doute épuisée par cet effort, c'était quand même elle qui supportait ses jérémiades en direct live à la maison ?

Le coup de Jarnac de la mère prodigue qui rapplique en fin de vie, la perte de sa femme qu'il adorait, Arsène a pas tenu le choc beaucoup plus que six mois et pourtant il était en pleine forme, il a travaillé jusqu'au dernier jour, on a essayé de lui changer les idées, de l'inviter à la maison, avec les gosses c'était toujours très gai, mais non, il s'est vraiment laissé mourir de chagrin.

Il m'avait dit :

Ya ma femme qui m'attend dans notre caveau, à Salon. Notre caveau, tu peux pas te tromper, c'est le seul qui n'a pas de croix !

Ah oui, ça me revient : sa mère l'avait mis en pension chez les sœurs, pour pouvoir faire sa vie tranquille...

dimanche 28 octobre 2012

AndiamoTi'Pote

Moi, quand j’étais petit, j’étais pas bien grand ni gros. J’ai grandi mais pas trop grossi. J’causais bien, mais ça suffit pas toujours de bien causer pour éviter les pains. Mon pote qu’on appelait « Ti’Pote », lui, y causait pas bien, mais les pains y les donnait bien.

Moi qui causais plutôt bien, j’y expliquais à Ti’pote les mecs qui m’avaient emmerdé. J’lui expliquais tellement bien (j’expliquais bien, t’aurais vu !) que Ti’Pote y faisait aussi sec une distribution de bourre-pifs, un festival de claques dans la gueule !

Un teigneux, Ti’Pote, et une allonge commack, y s’expliquait à sa manière, t’aurais vu la gueule de l’explication quand le malappris y s’tamponnait le tarbouif avec son tire-moelle rougi par le résiné !

Y m’disait : « mate son tire-moelle, on dirait la balançoire à minets de ma frangine quand elle a ses ours » ! Moi j’savais pas c’que c’était, une balançoire à minets, j’me disais que les greffiers chez Ti’Pote y z’avaient bien d’la chance d’avoir une balançoire. Et puis les ours et sa sœur, j’voyais pas bien ce qu’ils foutaient ensemble. Alors, pour ne pas avoir l’air con, je ricanais bêtement, faisant celui qu’avait tout gambergé.

Son Dab à Ti’Pote, il était terrassier, un métier tellement dur qu’il obligeait les pelleteurs à descendre 6 à 7 litres de rouge par jour, du rouge de chez « Pinard Boutique », sinon y pourraient pas tenir le coup, m’expliquait Ti’Pote. Tu vois, mon vieux, c’est pas qui lichtronne, non, mais c’est comme qui dirait forcé !

Un peu comme les travailleurs de force pendant et après la guerre qui avaient droit à des cartes de ravitaillement plus conséquentes. Car il fallait qu’ils prennent des forces justement. Son père à Ti’Pote y prenait des forces en faisant des repas liquides en quelque sorte… Enfin, c’est comme ça que j’voyais l’truc.

Sa mère à Ti’Pote, au début, j’ai cru qu’elle était peau rouge, elle avait la tronche vermillonne, vu qu’elle astiquait le comptoir de l’épicerie-buvette en face de chez moi. On n’avait pas le téléphone à l’époque, mais des buvettes, ça oui ! C’est là que les gens y causaient, c’est mieux que de jacter dans un bout de plastique et puis ça faisait vivre l’épicier.

Sa mère, donc, elle était drôlement consciencieuse, elle restait à frotter le zinc jusqu’à épuisement, vu qu’elle sortait vachement fatiguée. Pour rentrer chez elle, elle devait tenir les murs. Elle était drôlement courageuse, sa Manman à Ti’Pote.

Il avait des frangines, y z’étaient beaucoup dans leur deux pièces cuisine au bout de ma rue, six ou sept à s’entasser là-dedans. Un jour, sa sœur, elle a vachement grossie, on a demandé à Ti’Pote pourquoi qu’elle grossissait comme ça ?

C’est la première fois que je l’ai vu gêné, il a bredouillé… Trop bouffé, gros ventre comme les lapins quand y z’ont becqueté de l’herbe trop fraîche, sauf que ma frangine c’est des épinards qu’elle a bouffé. Après ça, sa frangine on l’a appelée Popeye, même qu’elle faisait la gueule. Et puis, un jour, on l’a vu la frangine à Ti’Pote, elle promenait sa boîte d’épinards dans une poussette, même qu’elle gueulait vachement la boîte, et qui fallait la changer six fois par jour !

Ti’Pote, il avait un vocabulaire rien que pour lui… Fallait suivre ! Tiens, il avait un vélo, il l’avait équipé avec une fourche cospique à ressort, et même que Ti’Pote il freinait du frein dans les descentes de côtes… Son père aussi, il les descendait les côtes, celles du Rhône surtout.

Et puis il aimait bien les films de Lélardi (Laurel et Hardy) même qu’il s’asseyait sur un nétrapontin quand y’avait plus de fauteuils de libres. Y causait pas bien mais qu’est ce qu’on s’marrait !

Et puis, un jour, Ti’Pote, il est revenu avec une belle cocarde : bleu, blanc, rouge la cocarde. Dessus, y’avait écrit : « bon pour les filles ». Il avait été reçu au conseil de révision, je crois bien que c’était la première fois qu’il était reçu quelque part. Parce que faut dire que personne ne voulait le recevoir, biscotte le gant de toilette, ils se le passaient chez lui, ils se le passaient seulement.

Il était tout content, Ti’Pote, il allait partir en Algérie, lui qu’avait jamais quitté sa banlieue pourrie, il jubilait. J’vas voir la mer qu’il braillait, j’vas prendre le bateau ! Puis il aurait un beau costar kaki, et la panoplie qui va avec, un flingo avec des vraies bastos, lui qu’avait connu que les lance-pierres bricolés avec des « chibrières » comme il disait. Y s’voyait toujours dans sa rue à jouer aux cow-boys et aux Indiens, y s’doutait pas de ce qui l’attendait.

Ça a dû drôlement lui plaire à Ti’Pote, le soleil, la mer, les palmiers, ça a dû drôlement lui plaire à Ti’Pote, parce qu’ on ne l’a jamais revu…

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