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samedi 2 janvier 2016

AndiamoLes dimanches

Frédéric... Cette chanson de Claude Léveillée m'est revenue, elle est très peu connue et ancienne, alors normal que le doyen qui parfois a des renvois d'autrefois (et pas des retours de manivelle, bande de mauvaises langues) s'en souvienne.

Que faisait on le dimanche dans ma banlieue ?

Quand j'avais dix ans, comme la Souch' dans sa chanson, c'était en 1949 ! Le dimanche matin très souvent j'accompagnais ma mère au marché, celui de Drancy, il s'étalait le long de l'avenue Henri Barbusse autrefois "route des petits ponts". J'aimais y aller avec ma mère quand j'étais minot, le bruit, les odeurs, les marchands et marchandes qui interpellent le chaland..

-- Allons les ménagères c'est pas cher..

-- Prenez vot' pied Madame ! Hurlait le tripier qui proposait ses pieds de veaux !

- Elle est fraîche la moule ! Gueulait le poissonnier !

Ah ça n'était pas très fin, mais ça faisait marrer. Ma brave Môman allait deux fois au marché le dimanche matin, la première fois, afin d'acheter "la bouffe" car en y allant de bonne heure, elle avait le meilleur choix, ensuite restaient les rogatons !

La seconde tournée, elle achetait, : lessive, savonnettes, P.Q, et autres produits non périssables.

A peine rentrée elle préparait le repas dominical, elle cuisinait bien, je dirais même finement. Le dimanche, c'était soit un poulet, soit un joli rosbeef, parfois LA choucroute, et une fois l'an, mon père se collait aux fourneaux afin de préparer ... LA POLENTA !

Il allait lui même acheter la semoule de maïs, chez un épicier Italien, qui s'installait le dimanche sur un étal dans le marché couvert, il en profitait pour parler le Rital avec le mec, puis il se rendait chez le charcutier, achetait des chipolatas, afin d'accompagner SON plat !

Il foutait un bordel monstre dans la cuisine ! Ne lavait pas sa vaisselle bien sûr, usait de plus de casseroles, faitouts etc... Que nécessaire, ça faisait râler ma mère, mais bon comme ça n'était qu'une fois l'an, elle supportait !

On a longtemps mangé dans la cuisine, puis en grandissant la table est devenue trop petite, à cinq forcément. Alors nous avons mangé dans la salle à manger, et aussi (surtout) biscotte la téloche était arrivée, et mon père restait scotché devant la petite lucarne. Là j'avoue que c'était chiant la téloche en mangeant, aussi chez moi il n'y a jamais eu de télé au moment des repas, j'ai été vacciné au Claude Darget et au Georges Decaunes (le papa d'Antoine).

Mais avant l'arrivée de la téloche nous écoutions une émission à la radio, émission qui passait sur radio Luxembourg (avant qu'elle s'appelle R.T.L) elle s'intitulait : "le grenier de Montmartre", des chansonniers de l'époque venaient commenter l'actualité de la semaine, je me souviens de : Edmond Meunier, Jean Amadou, Pierre- Jean Vaillard, Jean Rigaux et ses onomatopées inimitables !

Ils n'y allaient pas avec le dos de la cuillère, j'étais très jeune (oui ça m'est arrivé) je ne comprenais pas tout, mes parents eux se marraient bien.

Ils ne se dégonflaient pas ces chansonniers,tenez un jour après l' inauguration d'un salon de l'horticulture, un chansonnier déclare : "Ah nos ministres étaient présents à cette inauguration", un autre chansonnier lui répond du tac au tac : "Et oui, les belles plantes ont besoin de fumier" ! Putain le scandale...

La table débarrassée, la vaisselle faite, ma mère nous remettait un peu de sous, de quoi payer la place de cinéma, vous voulez faire OH ? Vingt centimes d'euro environ ! Vous marrez pas c'était en gros le taux horaire d'un ouvrier !

Alors j'allais retrouver mes potes de quartier, Claude, Roland, Daniel, Michel, puis nous allions au Prado le "beau" cinéma de Drancy. Je rêvais déjà devant Maureen O'hara, Gina Lollobrigida, Cyd Charisse, Lana Turner, ou la belle Ava Gardner... Stars inaccessibles de mes vertes années.

(ch'tiot crobard Andiamo)

jeudi 24 décembre 2015

FrançoiseLui j'aurais voulu le cloner.

Bien sûr, je le savais malade et fatigué depuis des années, bien sûr nul n'est éternel, mais il y a des gens que l'on voudrait immortel. Ou au pire les cloner, même quand on est contre le clonage. Jean-Marie Pelt en était, et je ne peux mieux parler de lui qu'avec ce texte écrit en 2007, et simplement mis à l'imparfait, puisque rien n'est parfait ces jours-ci.

« J’ai rencontré Jean- Marie PELT pour la première fois en 1974, à l’Institut Européen d’Ecologie qu’il avait fondé en 1972 à Metz dans l’enceinte d’un cloître franciscain. De là venait sans doute mon habitude de le surnommer révérend PELT. C’était amical.

Ce fervent écologiste avait popularisé auprès d’un large public, la notion de biodiversité (lisez « Les langages secrets de la nature », c’est un plaisir !). Il avait alerté sur les pesticides, les OGM , le réchauffement de la planète, les maladies dues à l’environnement … Il savait que l’écologie est aussi urbaine : adjoint au maire à Metz, pendant 30 ans, il avait empêché des aberrations architecturales, car, disait-il :

« La différence entre les architectes et les médecins, c’est que les seconds enterrent leurs erreurs, tandis que nous subissons pendant des années celles des premiers. »

C'était un merveilleux conteur, capable de passionner l'auditoire grâce à une érudition qui ne se prenait jamais au sérieux, et un humour incroyable, jamais méchant. Il avait aussi consacré beaucoup de ses droits d'auteur à aider des jeunes à grandir, sans en faire étalage.

Sa foi chrétienne (et son âge peut-être) ne le prédisposaient guère au sexe. Pendant des années, alors que nous nous entendions à merveille sur l’écologie, il considérait avec réserve mes écritures érotiques, me traitant de « petite coquine », ce qui reste somme toute affectueux. Jusqu’au jour où, au Festival Sciences-Frontières 2005, il me confia: « Je n’avais pas bien compris ce que vous écriviez. Je l’ai relu et j’ai découvert que ce qui vous anime, c’est avant tout une énergie d’amour ».

J’ai été drôlement émue… et touchée par le fait que cet homme avait pris la peine d'essayer de comprendre au lieu de condamner, comme l'aurait voulu son éducation.

Je ne m'en fais pas pour lui. S'il y a autre chose « après », il y sera bien accueilli. S'il n'y a rien, ce qu'il nous laisse le rend éternel. »

lundi 21 décembre 2015

Oncle DanBonjour l'ambiance (2)

Le jour de la rentrée quelques pions et potaches musclés des classes terminales ho-hissaient valises et cantines au sommet de l'escalier monumental qui menait aux dortoirs. L'ascension des malles aux étages supérieurs dans un établissement qui ne connaissait que l'ascension du Christ, avait de quoi traumatiser Otis et Westinghouse. La méthode utilisée était celle de l'assuré social désirant monter des briques sur son toit. C'est dire combien l'opération était risquée pour les briques et la Sécurité Sociale. Elle était réalisée au moyen d'une poulie, d'une corde, et d'une palette en bois sur laquelle étaient disposés les bagages. Il suffisait de suivre ses valises pour trouver les dortoirs qui occupaient le poulailler du bâtiment central. Quatre rangées de lits, séparés par leurs tables de chevet en bois blanc, s'alignaient parfaite­ment sous les immenses poutres du toit. Les privilégiés disposaient d'un lit dans une alcôve, mais devaient payer le prix de cette intimité supplémentaire en se cognant la tête chaque fois qu'ils se couchaient.

La penderie était collective, et les lavabos étaient avantageusement remplacés par une auge inclinée, que longeait un tuyau, percé à intervalles réguliers de petits robinets d'arrosage. L'eau glacée remplaçait l'eau froide et l'eau chaude, et coulait, soit en un jet minuscule et nerveux qui vous griffait la peau, soit au goutte à goutte, ou pas du tout, selon l'extrémité du tuyau sollicitée et la fréquentation des lieux.

Il fallait être habitué aux randonnées de scouts, et avoir un sens aigu de la propreté pour prolonger les ablutions matinales. Tout ici était spartiate, sauf les WC qui étaient turcs et où on allait plus par besoin que par envie, tant ils évoquaient la campagne automnale au moment de l'épandage fertilisateur.

En se poursuivant, cette visite en terre sainte ne faisait découvrir que des salles empreintes d'une austérité ascétique. Le réfectoire était à demi enterré, et n'était éclairé que par deux soupiraux. Dix tables alignées le long des murs, et que ne séparait qu'une allée étroite, pouvaient recevoir chacune huit convives.

Les repas étaient avalés dans un silence total qui ne pouvait être rompu que par la lecture du Nouveau Testament depuis un pupitre posé sur une estrade à l'extrémité de la pièce.

Le Collège ne devait pas consacrer un gros budget à notre alimentation. A côté des nourritures spirituelles, importantes au point de n'avoir pas de prix, les nourritures terrestres ne pouvaient être que futiles. Il faut manger...pour vivre, et partager son pain avec ceux qui n'en ont pas. Ainsi sera t'il.

Le menu était souvent composé de jambon gras agrémenté de frites molles, de camembert-plâtre et de biscuits décorés de toiles d'araignées.



Il fallait bénir le ciel de tant de générosité, des progrès substantiels avaient déjà été accomplis. Cela ne faisait pas si longtemps que la soupe du petit déjeuner avait été remplacée par un café au lait à la peau généreuse. Passons à la visite des études et salles de classe.

La salle d'études comptait environ cent vingt bureaux posés sur des tréteaux devant des bancs étroits et rudimentaires, sans dossier. Ces antiquités percées d'un trou, pour recevoir l'encrier en porcelaine de nos grand' pères, s'ouvraient à la façon d'un vieux grimoire, à la couverture noire et épaisse articulée par des charnières. L'opération la plus délicate était d'en extraire un livre ou un cahier, car il fallait déplacer préalablement tout ce qui se trouvait sur le pupitre. En outre, de nombreuses aspérités et des générations de coups de canifs rendaient l'usage du sous-main absolument indispensable.

Les salles de classe étaient les plus austères, les plus inhospitalières et les plus rébarbatives qui soient. Leur mobilier était constitué de planches inclinées à 45 degrés. C'est dans l'une d'elles que j'ai rencontré mon premier professeur. Il marchait comme un gorille dont il avait la morphologie et la couleur, portant invariablement une blouse anthracite que nous constellions de tâches d'encre dès qu'il avait le dos tourné, en nous servant de nos stylos comme de fléchettes. Il ponctuait chacune de ses phrases de grognements borborygmiques incompréhensibles qui accentuaient son expression naturelle de bougon perpétuellement mécontent. Son relief cutané n'y était pas étranger. Le Michel Ange déclaré volontaire pour le sculpter n'avait pas lésiné sur le Chianti. Pour sûr que les rides de son visage caoutchouteux auraient été capables d'évacuer le déluge sans risque d'aquaplaning. Depuis trente ans qu'il exerçait dans cet établissement, notre primate ne faisait qu'ânonner inlassablement "rosa, la rose" pour planter cette fleur latine dans nos cervelles réfractaires. Dur de s'habituer à cette tête simiesque dont l'essentiel de la capillarité broussailleuse surplombait de profondes arcades sourcilières ou émergeait de ses oreilles.

mardi 8 décembre 2015

FrançoiseContre le bourdon qui menace...

Alors que la France semble envahie par le bourdon, une bourgade résiste encore : Clamecy, dans la Nièvre. Sa magnifique collégiale surmontée d'un drapeau tricolore rappelle qu'en 1851 les habitants se révoltèrent contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Pour marquer leur attachement à la IIème République, ils plantèrent au sommet de l’église un bonnet phrygien, qui y resta un certain temps avant d'être remplacé par le drapeau républicain. La révolte fut écrasée dans le sang par les troupes de Napoléon III, mais resta dans le cœur des Clamecyquois. Au point qu'ils ont concocté, municipalité et associations réunies, un "Festival Résistance" du 10 octobre au 6 décembre 2015.



Explorateurs des lieux qui bougent, mon co-blogueur Blutch et sa complice, plus mon complice et moi-même sommes allés rencontrer quelques-uns de ses résistants, non sans avoir auparavant dégusté une fondue Suisse vaillamment concoctée par Blutch dans son bus-camping (en français : camping-car) et passé la nuit dans ledit bus. Au matin, Claude Girod, maraichère et membre de la Confédération paysanne, nous a offert un remarquable tour d'horizon de la situation agricole sans s'apitoyer sur le sort des "pauv' paysans", mais en la replaçant dans le contexte plus général d'un système économique, qui ruine de la même façon l'industrie et bientôt d'autres secteurs d'activité. La faute à beaucoup de monde et d'absurdités : emprise des banques, fermes démesurées, lobbying des marchands de pesticides, contraintes réglementaires souvent iniques, comme l'interdiction de replanter ses propres semences, ou l'obligation de traiter chimiquement. S'y ajoutent la pression de la grande distribution et l'exigence déraisonnable du consommateur de payer le moins cher possible ce qu'il mange : 13% seulement du budget des français est consacré à la nourriture, d'où l'essor de la malbouffe qui ruine la santé et l'environnement.

Après, chacun a raconté comment il résiste. A sa façon. L'un plante des espèces naturellement résistantes aux insectes et à la sécheresse et ne traite pas ("j'achète le produit pour montrer la facture si j'ai un contrôle, mais je ne l'utilise pas. Parfois, il faut désobéir si on veut avancer"). Le propriétaire d'une exploitation de 450 hectares raconte comment, à 40 ans, réfléchissant sur le sens de sa vie, il a décidé avec son frère de passer en bio, "pour montrer aux collègues que c'est possible, même si on a une grosse ferme, que ce n'est pas un truc pour les petits ou les utopistes". Un quarantenaire fraîchement arrivé de région parisienne avec sa compagne veut faire un potager pour devenir auto-suffisant et maîtriser la qualité de ce qu'il mange, puis vendre les éventuels surplus sur les marchés. Il s’inquiète : "Je voudrais savoir comment vous prenez ma venue, si cela vous gêne ?" Vu les applaudissements, la nouvelle recrue semble bienvenue. Le problème est plus la disparition des paysans que leur nombre ! Un jovial moustachu, instituteur rural pendant dix ans parce qu'il aimait la campagne, s'est reconverti en viticulteur et vit heureux entre ses vignes (il vinifie du Pouilly, c'est pas rien !) et ses potes, car "décider de faire ce qu'on veut, comme on le sent, et faire la fête, ça rend heureux". Un autre insiste sur la formation agricole à revoir entièrement. Pensez qu'on forme aujourd'hui des jeunes en "management et gestion agricole" sans leur donner de notions de ce qu'est un sol "vivant". Étudier la compta ou le dédale des subventions plutôt que la terre !

Pendant qu'on discute, des bénévoles préparent le repas dégusté en commun et en plein air : soupe, bourguignon de charolais et pommes vapeur, ou tarte aux légumes "pour ceux qui n'aiment pas la viande" et tarte aux pommes. Le tout arrosé de vin bio. Voilà qui appelle la balade digestive au Musée de Clamecy où Edmond Beaudouin, dessinateur portraitisé dans le film de Laetitia Carton, expose des portraits de Clamecyquois à qui il a demandé, en échange de leur portrait, ce qui les rendrait heureux. La même expérience avait été faite il y a un an à Vitry. Les gens répondaient à 90% des choses perso : "Le bonheur, c'est la santé, un travail, de beaux enfants, des amis..." Mais à Clamecy -histoire oblige- les réponses sont résolument engagées : le bonheur, c'est accepter les étrangers, réduire les inégalités, arrêter de ne penser qu'à l'argent, ne plus consommer de choses qui abîment la planète, agir tous ensemble, etc.

L'après-midi, place aux lanceurs d'alerte : Emmanuel Giboulot, condamné -puis relaxé en appel- pour avoir refusé de traiter ses vignes avec un insecticide, Florence Hartmann auteur d'un livre sur les lanceurs d'alerte, et l'ADRET Morvan qui a lutté pendant trois ans contre l'installation d'un incinérateur polluant. On parle aussi d'Irène Frachon qui a alerté sur les dangers du Mediator, et d'Edward Snowden, qui a perdu son boulot, son pays et toute relation avec sa famille pour avoir dénoncé la surveillance généralisée des citoyens par la NSA, l'agence de surveillance américaine. Edward Snowden que nous retrouvons le soir-même dans le documentaire de Laura Poitras "Citizenfour" (Oscar du meilleur film documentaire). Sachez-le, utilisateurs du passe Navigo que j'ai toujours refusé pour ne pas être pistée : vos coordonnées bancaires et votre carte de métro suffisent pour tout savoir de vous, de vos déplacements, de vos fréquentations, de vos centres d'intérêt en fonction de ce que vous achetez, etc. Ne dites pas que vous n'avez rien à vous reprocher, la majorité des gens n'ont rien à se reprocher et il n'y a aucune raison de les surveiller, mais c'est cela qui est fait, au nom de la lutte contre le terrorisme.

A Clamecy, il y a aussi un bouquiniste aussi charmant que cultivé chez qui j'ai déniché à prix étudiant des livres dont je parlerai ici, une "Maison citoyenne" regroupant une épicerie bio, des produits locaux, une bibliothèque, une base de données sur des alternatives en matière de consommation, construction, modes de vie, et surtout de joyeux membres pour organiser des manifestations diverses. Sans oublier la chambre et le gîte tenu par un couple d'anciens Franciliens, elle infirmière, lui en télétravail, qui sont tombés amoureux de Clamecy où ils projettent d'élever leurs deux enfants, écrire des livres et monter un café associatif musical et poétique. "On a été très bien accueillis, disent-ils. C'est une ville dynamique où les gens sont tellement gentils que depuis un an et demi, on a l'impression de vivre chez les Bisounours, et ça fait un bien fou."

mardi 24 novembre 2015

AndiamoSaint-Denis

Saint-Denis.

Saint-Denis, ville des Rois, Basilique dans laquelle reposent les Rois de France, des gisants sculptés dans du marbre blanc... Une splendeur.

Saint-Denis... En quelques heures, ce nom, cette ville, sont devenus signe d'horreur, de terreur, de violence.

Saint-Denis, bien sûr, dans quelques temps on aura oublié, il y aura eu d'autres choses, plus horribles encore !

Saint-Denis... Andiamette y est née il y a... Non je suis galant je ne le dirai pas. L'endroit où elle résidait s'appelait "l'îlot Saint-Léger" , une îlette, un petit bout de terre entre deux rivières : le Rouillon et la Vieille Mère, deux jolies rivières aujourd'hui canalisées, enfermées sous buses des cimenteries "Lambert" ou "Lafarge" (pub gratos).

Andiamette me parle souvent des roseaux qui bordaient sa maison, la pêche aux grenouilles ou aux tétards, les colliers de perles confectionnés avec les perles des couronnes mortuaires, prélevées dans le cimetière tout proche, des jeux interdits bien sûr. (z'avez pas connu les couronnes mortuaires en petites perles ? Moi oui), ce qui faisait hurler sa chère Maman, on s'en doute ! Elle se rendait à l'école de Marville, en sabots l'hiver, car point de route, des chemins boueux ! Les chaussons dans le cartable pour rentrer en classe.

De jolis peupliers italiens ombrageaient l'endroit, l'été les Parigots y venaient pour un pique-nique loin des fumées de la capitale. Pas le déjeuner sur l'herbe certes, ce brave Edouard n'avait point planté son chevalet en cet endroit... Va savoir ? Mais ça y ressemblait beaucoup.

Chez elle, ni eau ni électricité, la flotte ? Un robinet communal situé à 500 ou 600 mètres, ah oui ! Ils s'éclairaient à la lampe à acétylène ! Alors bien sûr ni télé et encore moins de téléphone !

Aujourd'hui, on se plaint ! On chiale avec la bouche pleine, Andiamette et sa sœur ne se plaignent jamais de leur enfance, elles ne se plaignent jamais du reste. Des dures à cuire, les frangines ! Une autre génération sans doute, se plaindre n'était pas de mise. Passé le certif', c'était le boulot à 14 ans, une demi heure à pied afin de rejoindre la gare, le train jusqu'à la Gare du Nord, quelques stations de métro, et encore une bonne balade pour atteindre l'atelier de couture. A 14 ans, c'est pas vieux tout de même !

J'ai vécu à Saint-Denis dans les années 60, une cité ouvrière, populaire mais pas racaille, un monde de besogneux, d'ouvriers, une main d'œuvre hautement qualifiée et recherchée, qui savait travailler, gagnait bien sa croûte, bien sûr foin des 35 heures, c'était 35 heures en trois jours !

J'ai travaillé avec des gens de tous pays et de toutes confessions, jamais il n'y a eu le moindre bémol, ils vivaient comme nous !

J'ai travaillé chez Bourjois (les parfums), beaucoup de femmes Maghrébines, aucune, je dis bien aucune, ne portait le voile ! C'étaient de braves mères de famille qui travaillaient dur, comme toutes ces femmes du reste, le travail à la chaîne, ça n'est pas évident. Toujours souriantes, elles rapportaient parfois des pâtisseries faites maison, quelle gentillesse, que s'est il passé ?

Mes banlieues s'appellent Drancy, Bobigny, Aubervilliers, Saint-Denis. Là où j'habite, je suis à une volée de plombs du stade de France, ils peuvent tirer les barbus, ils peuvent tirer sans crainte ces courageux, je leur tourne le dos.

Aujourd'hui à l'heure où j'écris, il pleut sur Saint-Denis, est-ce que ce sera suffisant pour laver cette horreur ?

(ch'tiot crobard Andiamo)

J'ajoute ceci : une petite vidéo montrant Nasser le président Egyptien, cette vidéo à plus de 50 ans ! Edifiant...

jeudi 19 novembre 2015

Oncle DanBonjour l'ambiance !

L'Institut Notre-Dame de Mont-Roland s'inscrivait dans la "stratégie scolaire" des Jésuites et constituait l'un des maillons de la chaîne de collèges qu'ils avaient créés le long de la frontière de l'Est et du Nord-Est, comme autant de bastions dressés face à la Genève protestante et aux régions luthériennes d'outre-Rhin.

Il empruntait son nom au mont "Roland", joli petit bois à l'écart de la ville dont les sentiers conduisaient tous à une magnifique chapelle de style gothique, ressuscitée en 1843 par les Compagnons de Jésus. Ce lieu de retraite privilégié, serti dans son écrin de verdure, ne représentait qu'une infime parcelle de l'immense fortune immobilière des jésuites qui tirait son origine des donations faites par des particuliers ou par le Roi au cours des siècles et des siècles. Amen.

Avec ses imposants bâtiments et son parc, il n'avait rien à envier aux autres établissements scolaires de la Cité de Pasteur. Ajoutez à cela quelques chapelles supplémentaires au sein du collège, une grotte artificielle et une piscine véri-table, et vous obtiendrez le cadre le plus recherché de la région pour délivrer à votre fils son ticket d'entrée à l'enseignement supérieur dans la plus pure tradition jésuitique.

On accédait à ce vaste domaine protégé de hauts murs, par un concours d'entrée, mais aussi par deux portiques diamétralement opposés, l'un s'ouvrant sur les allées du parc, l'autre sur la Cour d'Honneur, qu'encadraient les principaux corps de bâtiment.

En son centre, une statue de la Vierge, entourée d'un parterre de fleurs parfaitement entretenu, s'imposait au premier regard. Posée là au début du siècle, elle avait toujours fière allure, et paraissait capable de porter encore de nombreuses années l'enfant qu'elle avait dans les bras. C'est en tous cas ainsi que l'entendaient ses propriétaires qui avaient fait graver sur son piédestal l'inscription "SERVATUM - SERVABIT". Je m'abstiendrai de tout commentaire grivois à ce stade de mon propos. L'ayant revue récemment, je suis en mesure de vous dire qu'elle servait toujours vaillamment, sans manifester le moindre signe de fatigue. Pas même un petit rictus ne venait trahir une lassitude

bien compréhensible et qu'aurait justifié amplement ce poupard insouciant et décontracté qui ajoutait à sa bonne mine réjouie le poids de sa couronne et de ses habits d'apparat. Sans doute quelqu'un d'important.

Cette vierge avait une santé de bronze.

En perspective, un porche, sous le bâtiment central, laissait apercevoir d'autres cours, de part et d'autre d'une large allée gravillonnée, bordée d'arbres centenaires, qui conduisait au parc.

Tout était calme, silencieux, en ce mois d'août 1958, et ces vieilles pierres, qui avaient connu tant de générations d'écoliers, tant d'Histoire peuplée de Jésuites en soutanes, avaient quelque chose d'envoûtant pour le petit Dan qui découvrait ces lieux.

Le premier habitant de ce nouveau monde, le premier qu'il rencontra, était à la fois capital et insignifiant, inévitable et inexistant pour lui. Pour ses yeux encore tout inondés de la blancheur des graviers de la cour, il se confondait avec l'obscurité de sa loge de concierge.

L'ombre en blouse grise grimaça, - c'était un sourire -, s'informa, puis téléphona. Comme papa et maman Dan désiraient parler au Directeur, ils furent conduits au parloir, salle particulièrement étudiée pour cela. Dan connaissait déjà ces maisons où chaque pièce a sa fonction: le dortoir pour les batailles de polochons, le parloir pour écouter les autres parler, le couloir pour courir etc...

Il devait être assez agréable d'écouter dans ce parloir-ci. Tables et guéridons étaient ornés de bustes qu'il identifiera plus tard comme étant ceux d'Homère, Virgile et Molière. Les murs étaient recouverts de tapisseries et de gravures dont l'une est restée gravée dans ma mémoire. Il s'agissait d'une œuvre de Nicolas Labbé, personnage au nom prédestiné, représentant le siège de Dole en 1636 par le Prince de Condé à la tête de 20000 fantassins et de 8000 cavaliers. A l'horizon, ou si vous préférez dans le coin supérieur droit du tableau, on apercevait un nuage noir s'élevant au dessus du Mont-Roland que les alliés

suédois du prince, et autres hérétiques de tous poils, incendièrent après l'avoir pillé. La pièce était en outre garnie de quelques objets de première nécessité: l'indispensable crucifix, cela va sans dire, mais aussi, le piano, témoin de l'importance du chant et de la musique dans la vie quotidienne du Jésuite.

Assis au bord d'un canapé Louis XV, le petit Dan avait des préoccupations très éloignées des problèmes de rentrée scolaire, ou du moyen de se faire admettre dans cette vénérable institution. Vaguement inquiet de ce qui l'attendait, mais ne se sentant pas immédiatement menacé, ses pensées vagabondaient.

En entrant, le Père Jésuite le fit émerger de ses rêveries. Très digne, en cheveux blancs et chaussures noires. Il engagea immédiatement avec ses parents une conversation courtoise et pleine de grâce, à laquelle le principal intéressé ne prêtait guère attention, tant il était subjugué par le millier de boutons qui fermaient la soutane du prêtre, et qui, pensait-il, l'obligeaient certainement à se lever très tôt le matin pour être à l'heure à la messe.

Isolé de la discussion, dont il ne percevait que quelques bribes à travers l'épaisseur cotonneuse de ses réflexions, il s'efforçait en vain de comprendre les motivations de l'inventeur de ce supplice quotidien. Peut-être, était ce une invita-tion à la prière et à la méditation. Peut-être devaient-ils remplacer avan-tageusement le rosaire, encore qu'il ne parvenait pas à différencier les "Notre Père" dans cette collection de billes noires uniformes.

Il ne suffisait pas d'être déclaré admissible en sixième par un autre établissement scolaire, fût-il lui-même religieux, pour rentrer dans un collège qui avait la réputation d'approcher les cent pour cent de réussite au baccalauréat. Aussi, ce premier entretien n'était-il qu'un prélude, une sorte de "binette", qui devait être suivie, quelques temps plus tard, d'un petit examen éliminatoire... afin de ne pas être éliminé. C'est à cette occasion que le petit Dan fit connaissance pour la première fois avec ses futurs locaux.

La hauteur des salles et la longueur des couloirs confirmèrent son impressionnante impression du premier jour. Mais plus impressionnants encore étaient les escaliers. Il n'en avait jamais vu de semblables, de si monumentaux, de si larges, avec autant de marches, et qui montaient si haut.

On ne se déplaçait, à l'intérieur du collège, qu'en rangs par deux, et la règle ne souffrait pas d'exception. Cette évidence sautait aux yeux et l'avertissait de l'intransigeance de la discipline qui sévissait en ces lieux.

Combien d'années et de millions de pas avait-il fallu pour émousser et creuser à ce point, à leurs deux extrémités, ces marches de granit ? Combien de généra-tions et de milliers de potaches les avaient martelées de leurs semelles cloutées pour les gondoler de la sorte ?

Du haut de ces marches, deux siècles vous contemplent ! L'usure de ces marches le fascinait et l'angoissait tout à la fois, lui laissait une impression désagréable et indéfinissable, un goût amer dans le mental. Oui, une impression

mardi 3 novembre 2015

AndiamoGARAP

Fin 1953... J'ai 14 ans, pas bien grand, pas épais non plus, pourtant chaque matin je prends le 151 à 7 heures et quart, afin de me rendre à la Porte de Pantin, tout au bout de la ligne. De là je chope le métro ligne 5, et 6 stations plus loin "Gare de l'Est", je descends, une petite marche d'un quart d'heure et c'est la rue Martel dans le Xème arrondissement, plus exactement "le commercial Martel", deux ans dans cette école de : ^¨§$ & µ%# ! J'aurais eu mieux fait d'aller repiquer des salades tiens !

Chaque jour j'admire les belles affiches placardées dans le métro, des pubs essentiellement, à l'époque nous n'étions pas encore "gavés" de pubs en tous genres, nous "avalions" tout, des frères Ripolin qui à la queue leu leu écrivaient chacun dans le dos de l'autre, un canotier planté sur le sommet de leurs crânes. Egalement le gros paquet de lessive "Saponite" dont le slogan était, je m'en souviens encore : "Halte là qui vive ?... Saponite la bonne lessive".

Entre les stations, dans les longs couloirs obscurs, le sempiternel DUBO... DUBON... DUBONNET ! Pas con Dubonet, le seul à avoir placardé de la pub dans les tunnels ! Et tout le monde s'en souvient.. Pas les bouseux bien sûr, ni les moins de... Gna gna gna !

Et puis un beau matin d'octobre, (vous avez remarqué c'est toujours un "beau matin" dans les histoires, même si c'est un matin de merde, avec des attentats à la une, 20 centimètres de neige dans les rues de Pantruche, ou un vent à décorner les cocus, et là y'a du boulot !) Donc un beau matin que vois je ? Des affiches signées Savignac, mais oui le papa de la pub "Monsavon" tu sais la savonnette sous les pis d'une vache ! Tu veux un dessin ? Et là en l'au cul rance, un petit bonhomme coiffé d'un chapeau haut de forme, porteur d'un genre de loup noir, gants blancs, et fumant un cigare à la "Churchill" .. Va montrer un mec fumant le cigare aujourd'hui ! Un large bandeau en travers portant le mot "GARAP" !

Sympa L'ancien je vous ai dégotté l'affiche (on dit merci qui les filles) ? *

Voici l'affiche, avouez qu'il y avait de quoi intriguer, d'autant que la France s'est couverte de ces images, durant un mois, les radios, et même la vénérable R.T.F (radio télévision Française, non, non, il n'y avait pas le "O" devant, l'ancêtre ne perd pas ses boulons) diffusait ce GARAP, sans aucune explication.

Les commentaires et autres supputations allaient bon train : une nouvelle marque de pinard ? (les vins GRAP existaient déjà d'où l'amalgame) est ce un nouveau parti ?

En classe quand "Bobosse" le prof de Français ou "Néron" le prof de maths, avaient le dos tourné les "GARAP" fusaient, je me suis fait gauler : 500 fois GARAP à copier, signée des parents la péno, œuf corse !

Après un mois d'affichage, de slogans GARAP radio, et télé diffusés, nous avons enfin découvert le pot aux roses, GARAP n'était qu'un coup médiatique, afin de nous démontrer la toute puissance de la publicité !

Tout ce cirque médiatique avait été orchestré, dans le cadre de la semaine mondiale de la publicité. Les gens réclamaient du "GARAP" sans même savoir de quoi il s'agissait ! La preuve était faite, la force de la publicité démontrée, dans le village le plus reculé de France ... Et en 1953 il y en avait des villages reculés, entendez par là complètement ou quasiment ignorés, et bien dans chaque village on connaissait GARAP ! Même en Limousin, sûr Ségur, mon bon Bof !

  • (Image du net, si réclamation, je retire)

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