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mercredi 23 juillet 2008

Mam'zelle KesskadieAvoir du nez ou pas

C’est reparti comme en quarante.

Mais non, je n’ai pas encore trouvé d’hommes qui aime assez le risque pour être seul avec moi un soir. On ne sait jamais ce qui peut arriver avec une ogresse munie d’une fourchette.

Or l’ogresse que je suis est invitée à un mariage en fin de semaine. Manque de pot, j’ai pas encore trouvé de chums, depuis au moins sept jours que je cherche l’âme soeur.

Alors, pour compenser, j’ai fait de folles dépenses sur ma carte de crédit. Finalement, mon épitaphe sera : "A force de tout mettre sur la carte, elle s’est mise dans le trou".

Ce qui pourrait arriver plus vite que prévu, puisque je m’exerce à marcher avec des talons hauts.

C’est un sport qui peut toujours servir, non seulement pour le mariage des autres, mais qui sait, pour le mien aussi, vu que je me suis abonnée à un site de rencontres. Ah ! Mais c’est que je suis moins naïve qu’au départ. J’ai quelques mises en garde dont :

Premièrement, ne jamais répondre aux messages si on n'a pas vu la photo.

Je l’ai appris d’expériences. Voyez vous-même.

Le premier correspondant qui n'avait pas sa photo me dit, m'écrit plutôt : "je te montre ma photo, mais seulement sur MSN".
"Pas de problèmes", que je lui dis.

Si vous lui aviez vu le nez !!!!! Avec un de ses bouts roses, sûrement alcoolo le dit homme. On ne voyait que ça de son visage. Pour sûr, il avait des mouchoirs grands comme des draps.

Pour la moustache, là, c’était plutôt mal entretenu et pas très coupé égal. Mais le pire, c’est qu’on ne lui voyait que la lèvre inférieure, et ça, je vous avoue, que pour vouloir embrasser ça, faut être en manque. On aurait dit qu’il avait mangé une de ces paires de baffe tellement c’était enflé.

Mais, polie, je me limitais à un : "comme tu as un grand nez !"

Il me répond : "c’est pour mieux que tu le sentes, mon enfant".

Là, j’ai eu un doute. Le nez, c’est à lui. Pourquoi donc je lui sentirais le nez, à ce pervers ?

"J’adorerais embrasser ta chatte", qu’il continue.

Avec la babine qu’il avait, me surprendrait que ma pauvre Fantine le laisse approcher à vue de nez

Pour faire la conversation, je lui demande s’il a un chat à la maison.

Ben, pour toute réponse, le cuistre demande : "là, maintenant, tu es habillée comment ?"

Superficiel en plus. "Chandail de laine, jeans." Je soupçonne qu'il aime vraiment mettre son nez dans l'intimité des autres pour être curieux comme ça !

Il répond : "mmmmmmmmmmmmmm"

Un bègue. Décidément, son cas empirait, j’ai laissé tomber le Cyrano.

Un doute me poursuit pourtant sur cette conversation. Il y a quelque chose qui sentait mauvais.

Bon, alors, toujours est-il qu’il faut aller à ce mariage, que je n’ai pas encore d’accompagnateurs et qu’il fallait bien trouver une robe qui allait avec le seul chapeau qui m’allait. Allez hop, quand faut y aller, faut y aller, pour l’allée nuptiale de ma copine.

Stratégique, je visais les robes en solde. Évidement, il n’y a jamais mon point. Oui, d’accord, à la grandeur que je porte, on pourrait dire les points, mais ne soyons pas tatillons sur le bedon.

La vendeuse apporte un quelque chose qui semble faire vieille fille qui s’en va à un mariage mais qui n’en pas encore désespérée ni retraitée, mais hélas, il manque un point à mes points requis. Elle me dit : "la jupe est un point trop petit, mais faite" (elle voulait dire faite grande), mais moi, j’ai complété : "faites un effort".

L’effort fut vain. Ce n’était pas ça.

Et pas ça. Ni ça. Rien ne (me) va plus.

Vous croyez aux miracles ? Parce que je vous aurais engagé dans une chaîne de courriels de prière à Ste-Couture. Ou vous transférez, ou votre pantalon se découdra, votre bouton cédera et votre jupon dépassera. (Comme Brigitte Bardot, dans le film où elle était montée sur une chaise pour faire la démonstration du fil qui peut céder, qui peut retracer la scène ? C’est du grand art. Non, ce n’est pas le truc avec Jeanne Moreau où elles se décousaient sur scène. Autre chose.)

Rassurez-vous, j’ai trouvé, acheté et je porterai.. au crédit comme au mariage.

Donc, ne vous reste à prier que pour mon prince charmant et demandez qu’il n’ait pas trop un grand nez, ça ne fait décidément pas de belles photos.

jeudi 17 juillet 2008

Mam'zelle KesskadieMoi et la gueuse

Je suis propriétaire d'une jolie maison de banlieue.

Enfin... d'un terrain à tondre en avant et en arrière de la maison.

Comme il n'y a plus d'hommes dans ma demeure, il s'avère que cette tâche me fut déchue. Oui, oui, déchue, comme dans : déchue, déchue, déchue d'avoir à me commettre avec l'Engin. J'aimerais que ce soit une moto comme l'autre, mais non, c'est une vulgaire tondeuse à gazon.

Je n'ai pas beaucoup eu de chance avec cet engin depuis mon arrivée, il y a trois ans. Je l'ai acheté seconde main de mon voisin d'en face qui fait une industrie de recycler tondeuse et bons conseils.

Pour un prix modeste et croyez-moi, la modestie de l'un ne vaut pas la modestie de l'autre, j'en fis l'acquisition.

La première fois que je l'ai fait utiliser par mon plus vieux, elle a refusé d'optempérer. Je l'ai menée chez son vendeur qui a remplacé un câble. En échange d'une modeste contribution et d'un : "Là, elle va marcher comme une neuve, ma tite madame." J'eus confiance, malheureuse que je suis !!!

La deuxième fois que j'ai menacé d'évinction mon plus vieux s'il ne passait pas ladite tondeuse, elle a encore refusé de démarrer. Mal lui en pris, parce que ledit enfant était en sacrament. Il l'a littérallement jetée dans les airs et a tiré la corde (c'est un modèle à essence, caractéristique que je commenterai plus tard), elle obtempéra de mauvaise grâce.

La troisième fois, ni les menaces, ni les sacraments, ni les vols planés ne la firent tressailler. Autre traversée de l'autre côté de la rue, cette fois-là... Me souviens pas, mais ça ne m'avait pas encore coûté trop cher.

L'été fut fini.

Autre été, c'est mon autre ado qui est à la torture. Il commence par vouloir faire grimper le trottoir à la tondeuse en marche. Elle s'est cassée la dent sur le ciment, à savoir, la lame principale. Dieu merci, mon voisin d'en face, toujours pour une rémunération qui frole la mansuétude (croyez-moi, les deux sous de la veuve ont gagné en inflation depuis le temps) l'a remplacée.

Ensuite, l'été fut assez sec. Elle a refusé encore quelquefois de démarrer, mais avec un peu d'expérience, de secousses sismiques et en s'assurant qu'elle était toujours bien pleine d'essence, on y est arrivé.

Surtout que le voisin, pour une somme qui frôle le produit national brut, a refait tout mon gazon en arrière de la maison parce que le dit terrain avait une pente négative par rapport à la maison. ou positive. en tout cas, pas la bonne inclinaison et l'eau s'infiltrait et inondait le sous-sol. C'est pas exactement l'idée qu'on se fait d'une piscine creusée, n'est-il pas, donc, en prime de consolation, il est venu tondre le gazon une couple de fois gratuitement. Disons, avec de la bonne volonté, parce que le gratuit...

Nous commençons donc l'été 2008 comme de coutume, c'est à dire que Lorent nous envoie en avril alors qu'on se les gèle des photos de fleurs et gna gna gna. Ensuite, comme de coutume, il faut bien tondre le gazon ou, comme l'a suggéré une femme qui se dit mon amie, engager une chèvre.

Va pour la tondeuse. Qui, comme prévu, refuse de démarrer. Cette fois-ci, elle aurait besoin d'huile. Ah.. ben.. Donc, je demande à mon copain qui est devenu mon ex-copain par la suite, quécéquecé que j'achète. J'achète. Je demande à l'ado du centre de mettre l'huile dans le moteur.

Or, j'ai un préjugé sur les connaissances motorisées des hommes. Ou mon fils n'est pas encore un homme, ou mes préjugés ne sont pas fondés, toujours est-il qu'il a empli à ras bord d'huile ladite tondeuse au lieu de s'arrêter à la petite ligne marquée MAX.

Elle a bien voulu démarrer, mais vous savez ce que fait une tondeuses qui a trop d'huile?

Elle dégage, monsieur.

Elle dégage un écran de fumée telle que les pompiers qui demeurent en faction à un coin de rue de chez moi sont venus voir ce qui se passait.

La mère était enchantée, mais, allez donc savoir pourquoi, l'ado avait le feu à une place où pas un pompier ne peut éteindre. L'ado, pour me punir, s'en va pour l'été à un camp de cadets, tiens, je n'aurai qu'à le tondre moi-même, le gazon, lui, s'en allait tondu à son régiment.

Il ne reste donc que mon moi-même et l'engin.

Or, je n'ai jamais eu affaire à une tondeuse de ma sainte, disons, courte vie. J'ai des souvenirs de ma mère qui hurle de faire attention de ne pas couper la corde électrique (tout va bien, la mienne est à essence). Mais, j'ai des souvenirs aussi des motoneiges qu'il fallait "crinquer" pour partir et que je ne suis jamais venue à bout de tirer assez fort pour faire démarrer quoi que ce soit.

Tire la bobinette et la chevillette cherra, c'est à peu près tout ce qui est dans mes cordes.

Je procastine donc aussi longtemps que j'ai pu. Quand j'eus l'idée de téléphoner à la municipalité pour demander quelle longueur de gazon était permis dans mon secteur, je me suis dit qu'il était temps que je fasse une femme de moi et que j'affronte la bête et que je lui fasse bouffer de l'herbe.

Au premier essai, elle n'a même pas daigné roter. C'est vrai que j'étais plutôt faiblarde dans la proposition de participer au sport horticole honni.

Au deuxième essai, bon, on va faire court, parce que j'ai essayé pas mal de fois et je dois dire que je faisais plus de bruits qu'elle pour un bon bout de temps. Mais, vive la colère et l'adrénaline, j'ai prié le ciel (j'imagine que le Bon Dieu a traduit mes suantes incantations), pis je lui ai modit un coup par en avant tout en lui arrachant le coeur en grinçant des dents.

Elle a démarré ! Alléluia !!!!!!

Nul besoin de vous dire que je tenais le truc de sécurité qui fait que si on lâche, la tondeuse arrête, comme le gars rescapé du Titanic tenait le bord du bateau de secours. Ma vie en dépendait.

Bien entendu, elle fumait comme un poteux des années 70. Pas grave, je me dis, au pire, j'aurai la compagnie des pompiers et peut-être qu'ils vont se cotiser pour me payer l'entretien de mon terrain...

J'ai pas eu le temps de faire assez de boucane, elle s'est arrêté dans un râlement d'agonie très court. Ça a fait, bleuuuuuuuuuuuuuuurup. Tout doux.

J'ai laissé la fumer s'évaporer un peu et quand j'ai réessayé, peine perdue, le moteur était saisi.

Comme dans saisie de biens et mobiliers. Plus rien de va.

Que faire ? Ben, quand je me suis arrêtée de rire, il était trop tard pour aller au magasin en acheter une autre.

Cette fois-ci, je ai choisi un petit modèle féminin, en vente, montable, selon les instructions, par quelqu'un qui n'a pas de qualifications ni d'entraînement spécial. Je gage qu'ils ont cogité ça en comité pendant des heures parce qu'ils ne pouvaient pas écrire : "montable par une femme de 48, divorcée, maladroite, distraite et presbyte".

Modèles féminins ou masculins, vous pensez que j'exagère ?

Point du tout, en voici l'argumentation.

La tondeuse à essence est masculine :
- de un, vous lui remplissez le gosier de liquide éthylique,
- de deux, un peu de lubrification pas trop sinon ça me fera pas effet,
- de trois, un coup de crinque, bonjour bonsoir , on n'en parle plus. Pas de précautions, pas de chichis, on veut, on tond, tout de suite, dré là, sur le terrain.

La tondeuse électrique. Ciel ! De un, il faut la préparer d'avance. Seule les femmes pensent la veille, pour le lendemain, à sortir de quoi faire le souper du congélo. L'homme, de nature spontanée va penser au moins cinq minutes à poser la question : "qu'est ce qu'on mange ?"

Alors que la femme expérimentée va penser à brancher la batterie la veille dudit rasage.

Ensuite, il faut une clé. Trouver donc la clé... demandez donc à un homme de trouver quelque chose, de un, de deux, la clé pour la tondeuse...

Ensuite, il ne faut pas tondre de reculons, pas par en arrière qui disent les instructions. Seulement par en avant.

Et quoi encore ? Ben, il faut attendre au moins douze heures pour qu'elle soit prête.

Oubliez les hop-là, comme ça, tout de suite, douze heures, monsieur, qu'il faut l'avoir branchée pour qu'elle démarre.

Et autre chichi, c'est qu'il faut changer la batterie à tous les quatre ou cinq ans. Dépendamment de l'utilisation, j'imagine. C'est comme le petit dessous en dentelles, faut pas trop le voir, il use son effet.

J'aurais dit aussi que sa légèreté la classe dans la féminité, mais étant donné ma propre pesanteur, permettez-moi de passer sous silence la comparaison. On le sait, la vanité est à la femme, ce que Carla est à Sarkosy, un mince paravent devant la fatuité.

Oui, bien sûr, j'ai tondu le gazon avec la nouvelle et on s'entend très bien. Deux copines à la campagne. Mais je reste prudente, vous connaissez les femmes....

Sur ce, après vous avoir rasé proprement, je vais me raser, ce qui me fera une belle jambe en pensant à ma tondeuse.

mardi 15 juillet 2008

AndiamoLa 125 culbutée

J'ai écrit "culbutée", je les vois déjà les obsédés de la pince : WAH ! Des propos salaces dans Blogbo, comme d'hab...

Nada, pas une broque de cochonnerie, la "125 culbutée", c'était ma pétoire, ma meule dirait-on aujourd'hui.

Une Motobécane, la "MOBY 56", magnifique, un moteur 4 temps, d'où les culbuteurs. J'ai eu cette moto de 1960 à 1963, une époque à laquelle ces engins n'étaient plus du tout à la mode (c'est revenu en 1968), les chnecks ne voulaient même pas grimper sur ma superbe selle bi-places !

Un an ou deux auparavant, j'avais récupéré la Vespa de mon frère. Ah ! La saloperie de deux roues, j'ai pris plus de pelles qu'un curé peut en bénir !

Ça ne tient pas la route : ça tient TOUTE la route ! Ça tortille du cul comme une vieille pute, la moindre plaque d'égout par temps de pluie et c'est "merci Pont-à-Mousson". Et enfin rien ne l'arrête, même pas ses freins !

Alors, ras-le-bol de cet engin... Je me suis offert une moto.

En 1960, il y avait ce que nous appellions "des monstres", les belles Anglaises : NORTON, TRIUMPH, B.S.A., ARIEL, ROYAL-ENSFIELD, MATCHLESS... ainsi que les Allemandes : B.M.W.

Sur la Côte d'azur, les ados aimaient bien la PUCH, un deux-temps autrichien, plus rare une moto tchèque : la TAîFUN.

Elle était belle, ma moto, avec ses jantes chromées, les rayons passés au "ouator", le réservoir, 12 litres de capacité (j'ai eu des potes qui n'étaient pas loin d'avoir la même !), chromé lui aussi, gris très clair pour la peinture, un joli bloc moteur en alu, et le "kick" pour lancer le moteur.

Boîte quatre vitesses, sélecteur au pied, tout à l'avant, pointe du pied pour "monter" les vitesses, "talon" pour rétrograder.

Pour démarrer la bestiole : ouvrir le robinet d'arrivée d'essence, placé sous le réservoir, appeler le carburant, à l'aide du "titilleur" (marrez vous encore) placé sur le dessus de la cuve du carbu, deux ou trois coups de kick, "en douceur", pas nerveux, pour amener l'essence dans le cylindre, puis un coup sec, et violent, poignée de gaz à fond, et ça part !

Je ne sais pas aujourd'hui, mais à cette époque, il fallait véritablement "sentir" sa machine. Je connaissais très exactement le moment précis où il fallait appuyer violemment sur le kick pour démarrer.

Pour arrêter le moteur : incliner la moto vers la droite (assez fortement), un grand coup d'accélérateur, et la pétoire s'étouffe !

Quand il faisait très chaud, le carbu, placé juste derrière le cylindre, chauffait énormément. L'hiver, très bien, mais l'été, il faisait "vapor lock", c'est-à-dire que l'essence, sous l'effet de la chaleur, se transforme en gaz avant d'arriver dans la chambre de combustion, alors : POUF, POUF rideau !

Un remède : un chiffon, un peu d'eau. Tu mouilles le chiftire, et tu enveloppes la cuve du carbu. Pas de flotte ? Si tu es assez adroit, pisse dessus !

EUH... Les filles, elles font comment ?

J'en ai fait des virées avec cet engin, je suis descendu plusieurs fois sur la Côte d'azur. Deux jours de route, pas d'autoroutes en 1960, Paris-Lyon sous la flotte !

Je traverse l'agglomération lyonnaise (comment j'cause !), j'étais trempé, heureusement, c'était l'été, et puis à vingt ans, tout va bien ! Je décide donc de pousser jusqu'à Valence pour me sécher.

J'arrive dans cette charmante localité, je cherche un hôtel du genre "le pou nerveux", car je n'étais pas bien riche. J'en dégote un, j'entre...

Et là, le réceptionniste me détronche, comme si il avait vu débarquer un Martien !

Je casque ma piaule à l'avance, confiance oblige, je ligote la carouble, je grimpe dans ma turne, et passant devant le pauvre miroir planté au-dessus du lavabo, je vois ma gueule...

J'ai tout compris : noir, crotté, moucheté comme un mec qui aurait pris un coup d'fusil chargé à la merde !

Pas étonnant que le loufiat m'ait renouché comme un malade, je me suis marré, y'avait plus que mes chailles qui étaient blanches !

Après une bouffe vite fait, pas chère, je me suis couché, quatorze heures le cul sur une selle, même bi-places, ça lamine les miches les plus endurcies. Toute la nuit, le moteur a vrombi dans ma tête, je me suis réveillé PAR TERRE, tant la nuit avait été agitée.

Après un bon café, tout neuf le "poor lonesome tarmo !" C'était reparti jusqu'à Cannes.

L'année suivante, j'y suis redescendu à Cannes, avec un copain, à deux sur la moto, plus la guitoune sur le porte-bagages. On avait tout de même envoyé nos valises par le dur.

Il faisait très chaud ce jour-là, vapor-lock et tout le toutim, fallait qu'elle soit vaillante, ma pétoire ! Elle l'était !

On avait (seulement) trois semaines de congés à l'époque. Avec mon pote Ludo, on les multipliait par deux, étant donné qu'on ne rentrait pas beaucoup au camping pour la ronflette !

Nos voisins, compatissants, nous offraient le kawa du matin. Je voyais bien, dans l'oeil des pères des familles, la petite lueur d'envie. Ils nous auraient bien suivis, les chefs de famille, le soir, quand Ludo et moi partions pour une petite gambille sur les bords de Siagne !

Je l'ai perdu de vue, ce copain. Je me souviens qu'il dormait les ribouis hors de la tente, tellement il renaudait des fumerons ! Pourtant, on vivait en tongs, à la plage toute la journée, pour la gambille, les p'tits guinches du bord de Siagne, en plein air, tu gambillais en espadrilles, le genre de baloches (nous y revoilà) "congés payés", le truc à prolos, pour nous, en somme.

J'crois bien que ses "vapeurs panardesques" étaient congénitales, il avait eu sûrement un ancêtre élevé à la boulette d'Avesnes !

Une autre fois, il me vient l'idée subite d'aller voir ma soeur qui habitait à l'époque St-Amand-les-Eaux, deux cents bornes au bas mot, depuis ma banlieue. C'était en novembre, il ne faisait pas bien chaud. Les routes du Nord, en 1960, c'était pavés et rails de tramways ! Gare à la roue qui chasse sur ces putains de rails, s'arranger pour les couper et non "tangenter", sinon gare au guidonnage... Et voyez gamelle !

Une pluie glacée se met à tomber, me cinglant la tronche (je voulais écrire : le visage, mais vue ma gueule !). Alors, je détourne un peu la tête, afin de ne pas prendre la pluie de face (vous connaissez, les motards ? 45 ans plus tard, ça n'a certainement pas changé) quand, tout à coup, j'aperçois des rails ! Je venais de traverser un passage à niveau !

Heureusement, il était ouvert, sinon ma moto aurait refusé l'obstacle !

Quand je suis rentré le soir, ma grand-mère, qui m'hébergeait à l'époque, n'a jamais voulu croire que j'étais allé à St-Amand. Pour lui prouver ma bonne foi, j'ai sorti de sous mon blouson de cuir la "Voix du Nord". Ce journal, je l'avais glissé là, avant mon retour, pour me garantir du froid... Vachement efficace, au demeurant.

Je sortais beaucoup étant jeune homme. J'avais eu le choix : la gambille ou les études... Je ne danse pas trop mal !

Je file un p'tit rencard à une blondinette inconsciente, que j'avais connue dans un p'tit bal du sam'di soir, comme il en existait beaucoup dans la grande banlieue parisienne. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui "les baloches" (ça y est leur oeil pervers s'est ENCORE allumé). Je passe chez elle, puis je l'emmène pour une virée à sensations.

Je la revois avec sa jolie robe blanche, multi juponnée (eh oui, c'est loin !), c'est l'été, ses escarpins blancs, son joli petit foulard noué sous le menton, couvrant sa jolie permanente. Ses petits bras enserrant ma taille... Ouais, elle pourrait encore me prendre par la taille, je n'ai pas pris de bide, MOI ! JALOUX !

A un moment, j'emprunte un sentier serpentant parmi les chênes, les hêtres et autres châtaigniers (c'est beau comme du née Rostopchine), ça zigzaguait pas mal, soudain, après un virolet assez serré...

Horreur, en plein milieu du chemin : une immense flaque ! Que dis-je une flaque ?... Une mare !

La roue avant se plante dans la gadoue, se bloque. La moto cale. Coup d'bol, pas de crash, mes deux mocassins plantés dans la vase, je me retourne, la crapouillote est toujours assise, pas contente, sa jolie robe blanche vachement bien constellée de taches de boue, elle attend...

Bon, eh bien, on va pas attendre le 151, lui dis-je, ça m'étonnerait qu'il passât à cette heure-ci !

Elle descend précautionneusement, pose ses petits petons dans le marigot. FLOC ! FLOC ! font les escarpins en avançant dans l'eau boueuse, qui lui couvre les chevilles. Arrivée à pieds secs, je vois bien que la minette boude encore... Tant pis, ça n'est pas aujourd'hui que j'accrocherai les jambons au clou !

Je me démène comme un beau diable afin de sortir la machine de la mare. Elle est lourde, cette moto ! Je raccompagne ma blondinette chez elle, même pas un p'tit bisou humide, ni une bise dans l'axe !

Je ne lui propose pas un nouveau rencard, je ne veux pas lui donner le plaisir de m'envoyer paître !

Je l'ai revue quelques années plus tard, je travaillais alors chez "Bourjois", les parfums. Je règlais les machines à conditionner les produits de beauté, elle postulait pour un poste de dactylo.

Je l'ai reconnue, elle m'a reconnu (merci Mr Rezvani), je lui ai décroché mon sourire à 4,95, mais elle est passée fière comme bar-tabac ou comme un p'tit banc (t'as le choix). Voilà bien la rancune féminine, ce qui était pour moi un souvenir charmant, une bluette, était pour elle une infamie, une honte, un camouflet !

J'ai eu comme tout le monde beaucoup de voitures,... Oubliées. Mais j'assure qu'il m'arrive encore aujourd'hui de rêver que je suis sur ma moto, il fait beau, et je suis heureux, heureux...

Hep ! Je vous vois venir : non je n'ai pas de moustiques collés sur les dents !

P-S : je pars AUSSI en vacances, aussi je répondrai à vos commentaires dès mon retour. Bonnes vacances à tous, et revenez nous avec plein de belles photos.




La petite soeur de ma moto



Un cliché qui a longtemps traîné dans mon porte-feuilles, d'où l'état !
A gauche : votre serviteur (on ne rit pas !)

samedi 5 juillet 2008

Saoul-FifreParasites de l'automobile

Je vous ai déjà parlé de Valérie .

Un jour elle me téléphone. Je ne me souviens pas exactement de l'époque, mais elle avait déjà son métier de potière au bout des doigts et elle cherchait à rentabiliser un peu ses connaissances. En fouillant dans les nombreuses revues bio-écolo-politico-je-veux-un-monde-plus-beau des seventies (Actuel, La gueule ouverte, Utovie, Rebrousse-poil, Ecologie et Politique, Le Sauvage...) elle était tombée sur une petite annonce qu'elle a subodoré apte à réamorcer la pompe à phynance.

Le Domaine de la Thomassine, à Manosque, cherchait une animatrice en poterie. Elle avait essayé de savoir ce qu'il en retournait par téléphone, mais il fallait se présenter. Sans doute le genre d'arnaque très répandu à cette époque : en échange d'être nourri (bio et végétarien), logé (dans un cadre idyllique) et blanchi (au ruisseau à 100 m en contrebas), le proprio se trouvait bien bon de ne pas vous faire raquer des sommes folles car nombreux étaient les candidats qui auraient bien aimé être à votre place, à s'essayer au retour aux sources de la plus pure des natures.

Connaissant le caractère de Valérie, j'imaginais d'ici la scène. Elle cherchait un poste de prof de poterie. Les pigeons, c'étaient les élèves, peut-être, mais sûrement pas elle ! Si les clients acceptaient de payer, c'était pour rémunérer son boulot à elle, et donc elle voulait sa part du gâteau, sinon elle allait se mettre à chanter et faire fuir les oiseaux à 3 kms à la ronde.

Sans préjudice d'autres réactions épidermiques, corrections méritées et dégradations de toutes sortes.

Enfin, ça c'était le résultat de nos deux imaginations conjuguées, mais qui s'avérèrent pas si loin que ça de la réalité. Il fallait y aller, de toutes façons.

Bordeaux-Manosque, sans un rond, le stop s'imposait, mais elle toute seule, jeune proie difficile, certes, mais ne tentons pas le diable, si j'acceptais de l'accompagner, elle se sentirait plus en sécurité. Non que je sois taillé comme un garde du corps, à cette époque, j'étais un gringalet maigrichon à tête d'intello, mais l'effet est surtout symbolique chez le dragueur potentiel. Ça fait "couple", le garçon peut monter devant et faire la conversation, si c'est un routier sympa, il y a 3 places à l'avant, il peut faire "tampon" au milieu, etc...

Le fait est, et ça ne date pas d'hier, qu'un mec qui prend une fille seule en stop considère comme tout à fait honnête qu'en échange du service rendu (vous connaissez le prix d'un taxi ?) la petite s'acquitte de son droit de passage en nature. Bien sûr, il ne va pas lui présenter ce deal tel quel avant de la faire monter dans son véhicule, car dans sa tête tout ceci est très flou : il est persuadé que, beau gosse comme il est, il représente une chance inouïe dans la vie sexuelle de cette jeune autostoppeuse. Et de plus, c'est plus fort que lui, sa générosité naturelle le pousse à rendre service à sa prochaine, qui ne pourra mieux faire que de lui témoigner en retour un peu de reconnaissance. L'esprit a priori auto-amnistié de toute culpabilité, il s'attache à interpréter le moindre mot sympa ou sourire comme autant d'appels au viol lancés par cette allumeuse de vraies bell's verges.

L'inverse est possible, bien sûr, mais plus rare. C'est la jolie histoire qui a inspiré "Pour une amourette" à Leny Escudéro. Elle est au milieu du clip mais toute l'interview est adorable.

Très tôt ce matin là, nous prenons la pose sur la bretelle d'accès à l'autoroute A62, sans faire la grossière erreur d'afficher Valérie telle un pub aguicheuse tandis que je ferais semblant de n'être aucunement concerné, un peu plus loin. Non ! Personne n'aime être pris pour un con et il faut que la demande soit claire. Donc, nous avons prévu un gros feutre pour nous faire des cartons indicateurs de direction, au fur et à mesure, et nous ferons le signe magique ensemble, ou à tour de rôle, pour nous reposer, si l'attente se trouve un poil longuette.

Et bien, la première voiture s'arrête assez vite et nous embarque. Très bon pour le moral, la première voiture. Ça veut dire que la chance est là, que nous pouvons adopter comme prénom du jour "Amadeus". Ça veut dire surtout que nous n'avons pas de gueules de tueurs, que nous avons su sourire, que nous étions bien placés, bien visibles à un endroit où les voitures n'allaient pas trop vite, où les conducteurs pouvaient nous dévisager avant de faire leur choix, où ils avaient de la place pour s'arrêter sans déranger personne... Que l'ampleur de nos bagages ne faisait pas trop peur, que notre saleté n'était pas trop repoussante... Ah c'est un métier, stoppeur. Ça va, je devrais pouvoir passer mon permis de stopper haut la main, j'ai dû faire autant de kilomètres en stop qu'en vélo, ce qui fait beaucoup .

La journée se passe assez bien. D'accord, il arrive que la prise en charge tarde un peu et que l'angoisse commence à monter, mais les voitures et les camions s'arrêtent assez volontiers en général, et puis nous sommes deux, on discute, le temps passe quand même plus vite. Tiens je me rappelle d'un routier particulièrement sympa qui, nous ayant à la bonne, nous a expliqué comment les routiers faisaient eux-mêmes du stop pour rejoindre leur camion tombé en panne ou le siège de leur entreprise. Au lieu de lever le pouce, ils levaient le disque en papier de la boite noire qui enregistre leur vitesse et qu'ils doivent montrer aux keufs. Il nous en a donné une poignée, et ce truc m'a servi plein de fois par la suite. Comme je lui faisais remarquer que j'y connaissais rien en camions et que je me ferais piéger à la 1ère question-piège, il m'a donné un petit cours sur un vieux modèle de camion que personne ne connaîtrait, d'après lui...

La nuit tombe, mais Valérie est pressée et nous continuons à lever le pouce. À partir d'Aix en provence, nous attaquons la cambrousse, avec des conducteurs de plus en plus bizarres mais souvent, conscients de notre position inconfortable, ils n'hésitent pas à faire des détours pour nous mettre dans la bonne direction. Des invitations à dormir commencent à arriver, mais nous tenons notre cap et les refusons. Le jour se lève prudemment. Un vieux pépé en 4L me fait une grosse peur : en bas d'une descente, il y a un stop qu'il n'a visiblement pas vu et il trace, imperturbable, à travers une route nationale qui semble assez importante, mais heureusement peu fréquentée à cette heure matinale. Ce sont les risques du métier. Je l'engueule un peu, pour le principe, mais pas trop, car ce sera lui qui nous laissera au centre de Manosque, entre chiens et loups, à l'heure des journaux gratuits que le livreur jette sans vergogne sur les marches des librairies, bien avant que le patron n'ouvre sa boutique pour les récupérer.

Cocagne, il n'y a pas de voleurs, dans la ville de Giono et de Magnan...

Ces 24 heures de stop non-stop sont derrière nous et nous terminerons les derniers kilomètres jusqu'à la Thomassine à pieds.

vendredi 13 juin 2008

BofDe l'eau et des photos

J'avais rarement vu ça, rendez-vous compte, il pleut quasiment tous les jours depuis trois semaines par ici.

Heureusement, les orages ont le bon goût d'attendre l'après-midi pour éclater, ça nous laisse un peu de marge pour bricoler. Mais l'orage, lui, quand il pète au secours, c'est pas pour rigoler.

Les cerises apprécient moyennement,



...et je songe à acheter une barque, la vue que j'ai depuis ma cuisine étant bien moins réconfortante que celle qu'on a pu découvrir ici même depuis les chiottes à Saoul-Fifre.



Saoul-Fifre, d'ailleurs, j'ai une pensée émue pour toi, faire du foin dans ces conditions-là, c'est la migraine assurée... Alors la photo qui va bien pour te réconforter.



Vé, dans le même dossier de vacances percheronnes, un autre truc sympa, devrait plaire à Andiamo celle-là : c'est un banc de coupe motorisé. Dans un temps pas si lointain, c'était pas l'arbre qui venait à la scierie, mais l'inverse. Le proprio de la machine se déplaçait de ferme en ferme, et découpait aux mesures demandées. Celle-ci a été restaurée par une scierie locale, juste pour le plaisir de la faire fonctionner les fins de semaine, dans les fêtes locales.



Mardi, j'ai fait un saut en Italie, San Remo c'est pas si loin, et j'avais envie d'étudier le collègue transalpin dans son biotope, histoire de lui piquer quelques idées.



J'ai rien piqué, mais j'ai redécouvert la conduite à l'italienne : grosso modo comme la portugaise, sauf qu'on respecte parfois les stops et un peu les feux rouges. Les deux lascars qui régissaient le parking, ça fleurait bon la chasse au pigeon. J'ai pas eu de remords de partir sans payer.

Y avait déjà des beaux bolets, et j'ai aperçu des pêches toutes plates. Comme les pastèques carrées, je subodore une manipulation pour mieux les empiler, j'enquête et je vous tiens au courant. Le poisson était triste, et y a rien de plus triste que du poisson triste, vendu dans une halle triste. J'ai eu une pensée émue pour celui encore rigide, brillant, l'œil vif, vendu dans la rue à Palerme, enveloppé dans du papier journal.

Tombé aussi sur une sortie d'église, oui, l'Italien est encore croyant, et même le mardi, y a foule à la sortie. Le plus marrant étant le nuage de fumée qui s'élève aussitôt du parvis.

Pour le tabac y a, mais pour la foi je sais pas, on peut y mettre un patch ?

mercredi 28 mai 2008

Saoul-FifreLe jimboura

Je ne me souviens pas de ma famille assassinant de cochon en Algérie. Je crois que de toute façon, la viande de cochon et la chaleur du soleil ne font pas bon ménage, elle tourne très vite et devient dangereuse à consommer, ce qui explique l'ostracisme de l'ancien testament à son encontre, repris sous forme d'interdiction rigoureuse par les religions juive et musulmane. Bon, ça aurait été peut-être un brin provocateur, aussi, encore qu'on arrive toujours à trouver des croyants respectueux des différences

En Périgord non plus, mon père n'a jamais élevé de porc, je ne l'ai d'ailleurs jamais vu tuer une bête pour la manger, il n'était pas chasseur non plus. C'est ma sœur et moi qui nous occupions de faire passer la volaille de vie à trépas. Mais nous étions invités tous les ans chez nos voisins, les parents paysans de nos camarades d'école, pour la "Saint-cochon", et j'en ai le souvenir comme d'une journée magique. En Dordogne, tout ce qui est transformation de viande, foie gras, confits de canard, chapons, pâtés, saucisses, gibiers divers est vraiment vécu comme une religion païenne, avec tout ce qui tourne autour, d'ailleurs : les cèpes, les girolles et autres oronges, le petit vin aigre, son marc, les châtaignes, toutes les glanes de fruits sauvages...

Le Périgord est le centre de la gastronomie s'il en est un. Ce patchwork de petites seigneuries, ces grands bois inextricables, cette multitude d'étangs naturels, de trous d'eau ont favorisé de tout temps le gibier, le braconnage et bien entendu, il a bien fallu mettre au point des techniques efficaces de conservation. Je vous parle d'un temps où le congélateur n'existait pas et où il fallait saler, sécher les jambons, lards, saucisses et saucissons, les fumer si l'on aimait ça, ou bien stériliser des bocaux et des bocaux de confits, de pâtés, de confitures, de haricots et de légumes divers. On tassait aussi les rillettes au fond de pots en terre et on les recouvrait d'une épaisse couche de saindoux.

Tous ces bons produits vous formaient le goût, milladiou de milladiou !

Mais le truc qui m'est vraiment resté incrusté dans les narines et les papilles, c'est le jimboura. Alors pour partir sur les traces de ce souvenir d'enfance, je me suis associé avec 2 voisins (à moi la direction des opérations, à eux la main-d'œuvre et le financement ;-), nous avons acheté un grand congélateur-bahut de 2 mètres de long, trouvé le cochon a l'œil malicieux adéquat, le charcutier de luxe capable de nous supporter, et un vendredi soir, celui-ci plongea une longue lame dans la jugulaire de Porcinet le pôte à Winnie l'ourson, tandis qu'un aide tendait avidement la bassine pour recueillir l'ingrédient indispensable à la confection du plat convoité : du sang frais.

Sang qu'il convient de remuer aussitôt avec les mains pour en retirer la fibranne coagulée. Il restera alors liquide jusqu'au lendemain.

Nous avons bien sûr aidé notre charcutier à nous préparer rôtis, escalopes, côtes, rouelles, filet mignon, pâtés de tête, rillettes, saucisses, andouillettes, mais j'ai plus particulièrement supervisé la fabrication de l'incontournable boudin. Il a fallu éplucher puis hacher 8 kilos d'oignons mouillés de larmes puis les faire revenir longuement avec quelques rogatons gras, hachés eux aussi, dans une grande gamatte en aluminium massif. Et y verser presque tout un pot de quatre épices et puis bien du sel et du poivre, aussi. Goûter. Et remuer, remuer pour pas que ça attrape.

Au bout de 2 heures, la couleur de l'ensemble paru sympathique à notre maître-queux et il nous autorisa à faire couler le sang dans le plat après l'avoir une dernière fois filtré dans un grand chinois. Après un bon remue-mélange, le truc obtint une consistance semi-liquide qui permettait de le verser dans une bouteille d'eau minérale découpée en forme d'entonnoir, et embouchée sur un boyau d'intestin grêle préparé et nettoyé à l'avance.

Le boudin proprement dit et comme l'apprécie La poule commence à prendre sa forme de spirale d'Archimède. Nous le plongerons avec précaution dans son eau maintenue à peine frémissante pour ne pas que sa peau se fende. Le piquer régulièrement avec une épingle pour contrôler son niveau de cuisson.



Bon, d'un autre côté, si le boudin explose, le jimboura sera meilleur.

Égoutter et mettre à refroidir les chapelets de boudins.

Faire réduire l'eau de cuisson du boudin, y jeter des os cassés, de la couenne, et une heure avant de servir, les légumes et des boudins ouverts que vous aurez rajouté si ils n'ont pas explosé tout seuls.

Vous aurez pelé et découpé en morceaux quelques patates, navets, carottes, oignons, aulx, un chou et les aurez fait revenir dans de la graisse d'oie ou de canard. Chaque cuisinière avait sa recette perso. Je me souviens que notre plus proche voisine profitait de la cuisson des boudins pour y faire cuire des fayots blancs secs. Ça donne de l'ampleur.

Voilà. Vous mélangez, vous faites cuire une heure ou plus, ce n'est pas grave : cette soupe cuisait et recuisait dans un coin de la cheminée. Vous goûtez pour corriger un peu une petite imperfection d'assaisonnement. Et vous servez sous les hourras de l'assemblée excitée.

Le jimboura, c'était la récompense des travailleurs après un jour ou deux d'efforts tendus vers la perfection.

C'était le symbole de l'entraide et de l'amitié entre voisins, alliés, membres de la famille.

C'était une ode poivrée au génie de la cuisine périgourdine.

C'était une bulle de chaleur humaine au cœur de l'hiver.

Mais c'était surtout du bon liquide brûlant pour diluer toute cette gnole et ce pinard qui avaient coulés à flots dans ces dizaines de gosiers assoiffés.

Même les enfants que nous étions avaient la permission de "faire chabrol", c'est à dire de verser un peu de vin dans l'assiette où il ne reste qu'un peu de soupe, de remuer en tournant pour rincer, et de boire le tout cul sec.

lundi 26 mai 2008

AndiamoMon frère

Quand tu es minot et que tu as la chance d'avoir un grand frère, c'est fabuleux. Le mien, âgé de trois ans de plus que moi, et entre nous deux la frangine, joli tir groupé : bravo Maman, bravo Papa !

Fabuleux le frangin, trois idées fumantes par jeudi... Des putains d'inventions. Quand je raconte ça à mes mômes, ils hochent la tête, et déclarent : "ben dis donc, on en aurait fait le quart, qu'est-ce-qu'on aurait entendu !"

Un jeudi, en rentrant du ciné de quartier le "Moulin Rouge", dont je vous ai déjà parlé, et après avoir vu un "Charlot" ou un "Harold Lloyd", dans lequel le héros saute depuis une fenêtre, tenant dans la main un parapluie largement ouvert (Mary Poppins n' a rien inventé !), mon frère a voulu mettre illico en application les lois de l'attraction universelle.

Etant donné qu'un corps dont la chute, freinée par un parachute, atterrit moins vite qu'un corps non ralenti par tout moyen artificiel... D'autor, il a désigné ma soeur, testeuse en chef de sa théorie du ralentissement des corps en milieu atmosphérique, situé pratiquement au niveau de la mer !

La frangine, debout, après avoir enjambé la rampe du perron, deux mètres environ au-dessus du sol, parapluie maternel grand ouvert, se lance dans le vide, encouragée par les deux mâles, qui l'avaient copieusement traitée de froussarde, foireuse, chiasseuse, déballonnée, j'en passe et des meilleures, puis atterrit un peu brutalement, le genou percute le menton... CLAC !

Aussitôt le résiné jaillit, la frangine se passe la main sous le menton, constate les dégâts et se met à brailler. La voisine - tu sais l'harengère, décrite dans un billet précédent - se met à nous engueuler copieusement, disposant pour la circonstance d'un vocabulaire n'ayant rien à envier à celui des vendeuses de quat' saisons : ah mon fumier d'lapin ! Tu l'as bien arrangée, ta pôv soeur ! Saloperie, brigand, j'vas t'couper ta bézette en rondelles, si j't'harponne ! Gad' donc, elle saigne comme un goret !

Et la voilà qui se met à appeler ma mère. Imagine la scène : ma soeur qui pisse le sang, son tablier qui commence à rougir, mon frère qui éponge avec son mouchoir, et la mère gueule-fort, vociférant, et gesticulant, autant que pouvaient le lui permettre ses deux cents livres !

Un peu affolée, ma mère descend les marches du perron et examine la blessée, comment est-ce arrivé ? Entre deux sanglots, ma soeur explique, appuyée par la gravosse... Et PAN, une mornifle sur le museau du frangin, dans la foulée j'en ramasse une aussi, un partout... La balle au centre ! Puis, pansement compressif, Tricostéril, petit câlin,... La moribonde est guérie.

Un autre magnifique jeudi, mon idole a encore eu une idée prodigieuse : on va faire un campement de Bédouins ! Il faut dire que ma mère s'était absentée pour l'après-midi. Branle-bas de combat, on sort un tapis, le plus grand, celui du salon, des piquets assez longs, ceux des haricots à rames : magnifiques. Et puis on ne se déballonne pas, les draps de notre lit pour dresser la tente !

On remettra tout en place, avant que M'man rentre, bien sûr.... Le caïd c'était lui, le fils du Cheik, et tout l'bazar, nous, nous étions les esclaves, les porteurs d'eau, fallait lui apporter du chocolat, de la confiture, tous les potes du quartier étaient là, on s'marrait tellement, qu'on en oubliait l'heure !

Soudain un "kès cé ksa" ? Bien indigné... Merdum, le temps passe si vite quand on s'amuse, ma mère qui rentre, elle constate les dégâts, le Cheik assis en tailleur, sur le tapis posé à même la terre, les draps du lit érigés en tente, cinq ou six copains piétinant à qui mieux mieux les Gobelins.

Les potes, faux-derches, qui se cassent en bredouillant des "au r' voir, M' Dame". Et nous qui restons tous trois les bras ballants, ceux de ma mère ne le sont pas restés longtemps ballants, eux ! PIF, PAF, chacun la sienne, pas de jaloux, mais bon, c'était mérité non ?

Une autre fois, il faisait beau, et soudain l'idée du siècle ! On va construire un barrage, rien de moins.

Il y avait chez nous, une allée cimentée, une petite évacuation, au bout, pour les eaux de pluie, alors nous bouchons cet orifice, érigeons un "mur" en terre, deux mètres plus loin, tuyau d'arrosage branché, mise en eau de l'ouvrage... Pas mal de litres de flotte avant d'atteindre un niveau acceptable.

Enfin, on se bricole des bateaux en bois, à coups de scie et de clous en guise de mâts. Mon petit voisin, fils unique, généreux au possible, à qui je dois d'avoir lu tous les "Tintin" - merci Daniel ! - nous regardait au travers du grillage. Il n'avait pas le droit de venir déconner avec nous, car nous n'étions pas des modèles d'obéissance, ni de sagesse ! Bien plus tard, il m'a avoué qu'il aurait bien aimé être à notre place. Pourtant, il était couvert de jouets et de beaux albums, qu'il partageait volontiers d'ailleurs.

Donc, nous voilà passant l'après-midi à barboter dans notre lac magnifique, qui devenait de plus en plus gadouilleux, quand soudain, la digue se rompt !

Voilà la flotte bien crade qui s'échappe et s'engouffre dans l'escalier de la cave, en passant sous la porte (cette porte était située sous le perron). Trop tard ! Il ne nous restait plus qu'à nettoyer la cour, à grands renforts de jet d'eau, les escaliers menant à la cave itou, mais la flotte stagnait en bas, sur la terre battue, elle épongeait lentement, mais se ramollissait rapidement... Waouh, la gadoue dans cette pauvre cave...

Mais vous ne faîtes que des bêtises, regardez-moi cette cave, dans quel état vous l'avez mise ! Attendez, quand Papa va rentrer....

Le soir : dis M'man, tu l'diras pas, hein ? On recommencera plus, hein, dis ? Super gentille, elle ne l'a pas dit, alors on se tenait peinards un moment, un court moment.

Jusqu'au jour où mon frère eut ENCORE une idée formidable ! On va faire des parachutes ! Des parachutes... Quelle idée magnifique ! Pour le tissu, pas de problême, armé d'une paire de ciseaux, le voilà qui attaque le bas des rideaux du salon, notre pièce favorite décidément, on y allait peu, elle servait de chambre pour ma soeur.

Un parachute, dans le rideau gauche et, pour la symétrie, un autre dans celui de droite, hein, tant qu'à faire ? Du fil de couturière pour les suspentes, un vieux soldat de plomb unijambiste, le nouveau John Steele de Sainte-Mère-Eglise ! Et nous voici à l'étage, dans la piaule des garçons, testant encore une fois les lois de l'attraction universelle freinée par un moyen artificiel, en milieu... etc., etc.

Notre brave Maman ne s'est pas aperçue immédiatement de la dîme prélevée sur ses voilages, mais lorsqu'elle a voulu laver les rideaux... AÏE, AÏE, AÏE, putain de Manon ! L'engueulade, et là nous n'y avons pas coupé : rapport au Paternel, le cul m'a chauffé un bon moment, pas de gifles, mais la fessée, oui ! Je pense avec le recul que nous ne l'avions pas volée !

Et puis, je dois à mon frère, ma passion pour les avions, les modèles réduits, ça l'a pris alors qu'il avait une douzaine d'années et ne l'a plus lâché, je lui ai emboîté le pas, bien sûr, la poussière de balsa étant une drogue très puissante, j'y suis toujours accro !

Bernard et Monique, mon frère et ma soeur, m'ont quitté. J'ai ressorti ces petits souvenirs, qui, je tiens à le préciser sont authentiques, enjolivés bien sûr, car l'important ça n'est pas l'histoire, mais ce sont les petites dentelles que nous tentons d'accrocher autour, enfin je l'espère.

Il y a eu bien d'autres aventures du même acabit, mais elles feront l'objet d'un autre billet.

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