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jeudi 23 février 2012

AndiamoAvoir huit ans en 1947

J’ai huit ans. La guerre s’est terminée il y a tout juste deux ans. Je traîne mes guibolles de flamand rose dans les rues de mon quartier, quand je croise François.

J’aime bien François, c’est un « vieux » : il a au moins douze ans ! Dans deux ans, après son certif', il ira bosser. Il est costaud, il veut être maçon comme son père. François, il en sait des trucs ! Surtout sur les filles. Tiens, l’aut’ jour, il m’a dit que les filles, elles avaient des règles tous les mois. Moi, comme un con, je lui ai répondu : « Ben, elles ont de la chance : moi, faut que j’fasse un an avec ma règle en bois, celle qui est dans mon "carton" ».

- Mais non, t’es bête ! Les règles, chez les filles, c’est quand elles ont du sang qui sort par leur nénette…

- Putain, ça doit faire vachtément mal !

- Ben… ça j’sais pas, faudra que j’me rencarde.

- Pendant les vacances, elles ont aussi des règles ?

- Ouais, j’crois bien.

- Putain, j’suis content d’être un garçon !

Et puis on a continué à parler comme ça. Lui, il est en CM2 : encore le fin d’études 1 et le fin d’études 2 et il ira bosser. Son père le fera engager comme « mousse » sur un chantier, c’est lui qui ira au ravitaillement, principalement des douze trous, du rouge de déménageurs pour les compagnons maçons, ça lichetronnait sévère à l’époque !

Un autre jour, alors qu’on jouait aux billes, il s’est ramené avec sa belle tronche fendue d’un large sourire.

- Hé les mômes, suivez-moi, j’vais vous montrer quéque chose, mais faut la boucler, hein ?

Nous, on l’a suivi jusqu’au terrain du père « la Cerise ». Ce terrain faisait l’angle de deux rues. Il y poussait un magnifique cerisier qui donnait, chaque année et en abondance, des cerises un peu aigrelettes que l’on nomme ici : « Montmorency », ailleurs c’est peut-être bien des guignes. C’est bon la Montmorency quand, après une chaude journée d’été, encore gorgée de soleil, vous la faites craquer sous la dent, puis en faisant la bouche en cul de poule, vous envoyez valdinguer le noyau dans la tronche du copain !

Le proprio, un p’tit vieux, nous autorisait à cueillir des cerises pour notre consommation personnelle, à condition qu’on lui remplisse trois ou quatre paniers auparavant.

On s’approche en catimini de la haie de troènes, servant de clôture, et là on entend des sortes de gloussements.

En écartant un peu les branchages, j’aperçois la mère Sureau en compagnie de Mimile, un veuf qui passait la majorité de ses soirées à l’épicerie buvette, située face au terrain du père la Cerise.

Il lui avait relevé sa jupe à la mère Sureau, dévoilant sous ses bas vachement bien filés et titre-bouchonnés des cuisses énormes dignes des jambons qui sont en vitrine chez la mère Fallard, la charcutière de la route des petits ponts.

Elle gloussait, la mèmère, se trémoussait. Moi, j’avais jamais vu ça, je n’en perdais pas une broque….

- Hein mon Mimile, t’as jamais vu une belle femme comme moi ? disait-elle en frappant sur ses cuisses.

Et l’autre pochtron qui balbutiait : ben non, retire ton corsage que je « voye » tes nichons… Et puis quand ça devenait intéressant, y’a la mère de mon pote Roland qui rentrait de « ses ménages », alors on s’est tirés, rapport à l’avoinée qu’on aurait pris si elle nous avait surpris à mater.

Pour en revenir à la mère Fallard, la charcutière, on aimait bien venir « lécher » sa vitrine au moment de Noël. Son mari le charcutier confectionnait un énorme château en saindoux !

Ah ! Comme il était beau ce château, avec son donjon carré, ses créneaux ornant le chemin de ronde. Il poussait le détail jusqu’à agrémenter son chef-d’œuvre de quelques soldats réquisitionnés sans doute dans le coffre à jouets de son gamin.

On voyait un poilu côtoyer un soldat de l’empire, suivi lui-même d’un centurion Romain… Bonjour les anachronismes, le père Fallard, il en avait rien à secouer !

Un jour, on était restés plus longtemps qu’à l’habitude à contempler et commenter ce trésor de l’architecture médiévale en miniature, quand tout à coup la mère Fallard déboule, nichons ballotants, double menton frémissant :

- Tirez-vous, tas de salopiots !

Salopiots, nous ? Alors on est revenus un moment plus tard et on a glavioté sur sa putain de vitrine, à la mère Fallard. Des cachous mortels, bien gras, qu’on est allé chercher bien profond, ça dégoulinait vilain, et puis on s’est tirés. Elle a bien dû se douter d’où venait la vacherie mais : pas vu, pas pris !

C’est encore François qui nous avait appris qu’en devenant « grand », ben… on aurait du poil à la zézette ! Moi, ça m’avait un peu foutu l’trac : j’me voyais déjà avec la quéquette toute poilue comme la queue de mon chien, les battements en moins quand je serai content !

Je n’avais pas osé poser de questions, j’aurais passé pour un con, mes potes n’en savaient pas plus que moi, chacun restait dans son coin faisant comme si « il savait ». Enfin, à partir de ce jour, j’ai guetté l’apparition des frisottements, et je ne devais pas être le seul !

Et puis y’en a qui disaient : « ben quand les filles elles ont fini de voir pousser leurs nichons, elles sont bonnes à marier ». Déduction faisant office de sentence, alors chacun guettait les nichons de sa ou ses frangines afin de voir si la date du mariage approchait.

Y’avait pas un jeudi sans qu’on organise un concours de : celui qui pisse le plus loin ou le plus haut ! Parfois, en voulant arroser plus haut que le pote, on arrivait à se pisser dessus ! Mais bon, ça nous faisait marrer, y’a pas de petit plaisir.

Et pis t’as vu : y’avait pô d’quilles avec nous ! A l’époque, les gisquettes ne jouaient pas avec les garçons dans la rue, ou pas trop, les Mamans les gardaient à la maison. Les « bandes » de copains étaient composées de cinq ou six galopins, pas plus, et ça suffisait largement à notre bonheur.

jeudi 16 février 2012

Scout toujoursBétisier médical

Ah les gags médicaux, lorsqu'on les voit caricaturés par "les Nuls", on n'y croit pas vraiment, quand même ils exagèrent...

Eh bien non, il faut même croire qu'ils sont en dessous de la réalité. Voici quelques exemples, mais qui ne concernent que mon petit vécu. Bien d'autres existent, mais qu'on n'ose pas toujours vous raconter...

Tout d'abord le cas de ce brave homme accompagné de sa fille qui me dit : "Elle a beaucoup de fièvre, touchez son front, voyez comme elle est brûlante !" D'un ton paternaliste, je pose ma main sur le front de l'enfant et réponds au papa : "Mais non, mais non, vous vous inquiétez pour rien, elle est toute froide votre fille !" Par acquis de conscience, je lui glisse un thermomètre sous le bras. A ma grande stupéfaction, l'enfant avait 39,5. Bin merde alors, j'avais tout simplement oublié que j'étais moi-même en pleine crise de paludisme. Tu m'étonnes que je la trouvais froide la petite, j'avais 40. Un docteur ne doit pas avouer son mal, je dus donc soutenir en silence pendant le reste de la consultation le regard accusateur du père qui se demandait quel était ce charlot dont le teint était semblable aux pages de l'annuaire professionnel, et qui ruisselait de sueur sur ses ordonnances. Encore un qui m'a pris pour un alcoolo...

Et pourtant j'étais loin d'être le pire. Un chirurgien que j'ai connu jadis, un artiste, avait voulu s'essayer à l'orthopédie : un jour qu'il avait à fixer des plaques sur un fémur fracturé, il se surpassa en virtuosité. Malheureusement, lorsque l'intervention fut terminée, les infirmiers n'arrivaient plus à soulever le malade. En regardant bien, ils s'aperçurent que le pauvre malheureux avait été vissé à la table d'opération ! Risquait pas de s'échapper celui-là...

Une autre fois, les clients se bousculant dans ma salle d'attente, je fis rentrer un couple. Ils s'assirent tous les deux et la femme m'énonça tous ses symptômes. Visiblement, ça se passait dans le bas-ventre, et un examen plus approfondi s'imposait. Je lui demandai donc de se déshabiller, ce qu'elle fit sans rechigner, lorsque le monsieur qui l'accompagnait m'annonça que lui aussi était malade et qu'il était arrivé avant elle. Je compris soudain qu'ils n'étaient pas ensemble, et avaient cherché chacun à passer l'un devant l'autre. Je reconduisis aussitôt l'indélicat vers la sortie. Le plus cocasse dans l'histoire fut que la femme avait trouvé tout naturel de se déshabiller devant un étranger et l'aurait fait jusqu'au bout si je n'avais rien dit !

Mais que dire de cette femme qui consulta aux urgences, le crâne à moitié décalotté de son cuir chevelu ? Après un interrogatoire serré, j'appris que le coupable était son mari qui lui avait tout simplement jeté le poste de télévision sur la tête, et que la cause en était un simple désaccord sur les programmes. Je tiens à préciser que les écrans plasma n'existaient pas à l'époque, et qu'il s'agissait d'un bon vieux poste à tube cathodique. Eh bien oui, y a des mecs pas fins dans la vie, et nos censeurs du CSA devraient y regarder à deux fois avant de diffuser Dallas à la même heure que Téléfoot...

A propos de mecs pas fins, je fus un jour appelé sur un un navire de la marine marchande pour soigner le cuistot de l'équipage. L'homme était de stature imposante, style Obélix mais sans les tresses, avec de gros tatouages sur les bras, et une paire de bacchantes à la gauloise. Après l'avoir examiné, je descendis dans le séjour pour rédiger mon ordonnance. L'équipage était assis au complet autour de moi, et lorsque je voulus savoir le nom du malade, il me répondit d'une voix menaçante : "Ducon". Je lui fis répéter : "DUCON !", et il me l'épela : "D - U - C - O - N !" Aille ! Surtout, ne pas rigoler ! Lorsqu'on porte un nom pareil, il y a trois solutions : soit on se résigne à être un éternel souffre-douleur, soit on demande à changer de nom, soit on décide d'assumer son nom, ce qui signifie que toute sa vie durant, il va falloir fracasser un par un tous les plaisantins qui s'autorisent la moindre réflexion. Visiblement, ce lascar avait choisi d'assumer. Il était là, planté devant moi, ses bras croisés, guettant la moindre de nos réactions. Je compris au regard fuyant des autres marins qu'il ne fallait surtout pas laisser échapper le moindre sourire, un silence de mort régnait dans la pièce, on eut entendu une mouche voler, ce qui n'est pas habituel chez des marins. L'intensité dramatique se faisait sentir, mais l'envie de rire se faisait de plus en plus pressante chez moi, vous savez bien, dans ces cas là on pense toujours à un copain que la situation aurait fait marrer et qui aurait tout fait pour nous faire exploser, en plus il avait vraiment une gueule à s'appeler Ducon celui-là, mais cette envie de rire restait étouffée par la terreur des conséquences, je tins bon jusqu'au bout et quittai le navire ; cependant, arrivé au niveau de la passerelle, n'y tenant plus, j'explosai d'un fou-rire nerveux impossible à réprimer, me tortillant comme un singe, j'en pleurais presque, lorsque je m'aperçus avec effroi que Ducon m'avait suivi et m'observait depuis le bastingage. Je n'eus que le temps de m'enfuir après avoir frôlé le pire...

A propos de cuistot, comment oublier cette Maïté en herbe, qui avait utilisé la poudre anti-fourmis de chez Baygon en guise de farine pour faire sa tarte aux pommes, et qui après en avoir avalé quelques bouchées, ne la trouvant pas à son goût, s'était débarrassé de son œuvre dans le champ du voisin ? Résultat : la donzelle hospitalisée en soins intensifs et 8 moutons raides morts, dont une brebis qui allait mettre bas. Tu la voudrais pas comme voisine celle-là, Saoul-Fifre ?

Et des gens excentriques, qu'est-ce qu'on en a vu ! Je pense à cette Mamie à l'hôpital de Périgueux, qui avait peur d'attraper froid et que nous entreprîmes de déshabiller. Elle était tellement emmitouflée, qu'au douzième pull-over retiré, les infirmières étaient déjà malades de rire. Elle en avait mis 18 au total, encore une qui ne risquait pas de s'enrhumer.

Sans oublier cette autre originale qui dévorait des savonnettes à longueur de journée comme d'autres dévorent des tablettes de chocolat. "Je sais que c'est mauvais pour ma santé, mais c'est vraiment trop bon, je peux pas m'en empêcher" me disait-elle ; je vous dis pas la gueule de son estomac...

Et que dire de ce père bien intentionné qui m'avait amené sa fille de 5 ans souffrant de vomissements, et à qui j'avais prescrit un vermifuge et des suppositoires de vogalène. Le papa revint mécontent quelques jours après, se plaignant que les vomissements avaient augmenté et qu'elle avait en plus de la diarrhée. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'appris que le gentil papa n'ayant pas bien compris mes explications, avait forcé sa fille à avaler les suppos, et lui avait introduit les énormes comprimés de Zentel dans le derrière ! Pas étonnant qu'elle ait eu la diarrhée après un tel traitement !

Et cet autre monsieur, brûlant de fièvre à qui nous avions voulu prendre la température, mais dont le thermomètre refusait de monter ! Après quatre tentatives, le mercure restait désespérément à 36 alors que son corps bouillait manifestement ! Mais oui, mais c'est bien sûr, aurait dit Souplex, nous avions simplement oublié de lui expliquer qu'un thermomètre s'enfonçait par le petit bout !

Et cette autre innocente qui ignorait que les suppositoires devaient être retirés de leur emballage avant d"être introduits ! !

Sans parler de cette jeune fille complètement paniquée, qui téléphona au centre anti-poison parce qu'elle avait avalé... du sperme. Jusqu'où s'arrêteront-ils aurait dit Coluche !

Mais que dire encore de ce grand couillon qui se pointe aux urgences en imperméable, obligé de nous dévoiler tout penaud, sa zigounette coincée dans le goulot d'une bouteille? Mais que diable était-il allé faire dans cette galère?

Et les corps étranger, qu'est ce qu'on a pu en extraire des corps étrangers : dans l'oreille, dans l'estomac, dans le nez, ce fameux haricot qui avait germé dans le nez d'un enfant, et dont la tige dépassait par les narines, sans compter ce monsieur un peu efféminé qui s'était "malencontreusement" assis sur une barre de fer qui se trouvait être par un hasard lubrique, placée en position verticale sur une chaise, et qui à présent ne parvenait plus à la retirer de son postérieur ! La barre de fer n'est qu'un cas très banal, les objets les plus originaux sont régulièrement retrouvés dans les rectums de nos malades : cela va du pommeau de douche, à la bouteille d'Orangina, le verre à pied, l'ampoule électrique, la brosse à chaussure, et depuis peu, les téléphones portables : "Allo, Allo, c'est toi Bébert ? Parle plus fort, je t'entends pas très bien !"

Et pour finir en beauté, le fameux "Pénis-captivus". Le pénis-captivus, c'est le gars qui se retrouve pris au piège en pleine saillie : une contraction involontaire des muscles vaginaux de sa partenaire l'empêche de se retirer, un peu comme les chiens lors de l'accouplement. La compression des corps caverneux du mâle entraine un œdème du gland qui rend le retrait totalement impossible. Plus on force, et plus le spasme augmente...

La solution ? Elle est simple : faire un toucher rectal à sa partenaire. Encore faut-il connaître le truc. Et quand on ne le connait pas, eh bien on appelle le SAMU ! C'est ce que fit ce couple surpris en plein coït, et qui habitant au 6ème étage dut descendre tout l'immeuble dans cette position honteuse, devant tous les voisins ébahis, pour ouvrir aux ambulanciers du SAMU !

Et ce monsieur de 72 ans, habitué du bois de Boulogne, et qui avait voulu b... mais chuut... Secret médical...



lundi 13 février 2012

AndiamoMes sixties

En 1960, je venais d’avoir 21 ans, ces années soixante ont donc été pour moi, les années : « vingtaine ».

Il est toujours joli le temps passé… Bien sûr, je pourrais le dire comme ça, la jouer façon : c’était mieux d’mon temps !

Eh bien non, tout n’était pas rose, ce qui nous attendait comme cadeau d’anniversaire (au fait, on ne recevait pas de cadeaux pour les anniversaires, ma mère confectionnait une tarte, et plantait une bougie dans le milieu !), ce qui nous attendait disais-je pour nos vingt carats : les Aurès ! Vingt-huit mois avec un superbe costard vert « caca d’oie » ! Et la panoplie qui va avec, comme dans les habits de Zorro, le masque en moins : pas besoin du masque, c’est toi qui l’avais !

Tu gagnais le voyage, même si tu n’avais pas acheté de billet, tout le monde participait au tirage : c’est ça la démocratie.

A dix-sept ans, l’usine pour beaucoup d’entre nous. En tout cas, dans ma banlieue, c’était le lot pour les deux tiers de mes copains, et ma pomme itou ! Cinquante heures (ou plus) par semaine, et trois semaines de congés payés… La belle vie Marie, trois grandes semaines de liberté.

Mais bon, étant donné que tu n’avais pas de douleurs, toutes tes chailles, pas un poil de moins sur le caillou, pour le reste... Tout allait bien Julien !

J’ai choisi la belle musique de Serge Gainsbourg et la voix « craquante » et fragile de Jane Birkin.

Quand je prendrai mon bon de sortie, je voudrais que l’on joue : "l’hymne à la joie", suivi de la "marche de Radetzky" ! J’aurais préféré « les trois orfèvres » mais ça ne se fait pas !

Mes souvenirs, c’est un peu un inventaire à la Prévert, le raton laveur en moins. J’y aurais bien glissé les trois chiens qui m’ont tenu compagnie, ils sont là dans mon cœur et ça ne regarde que moi !

En vrac, dans ces années soixante : Kennedy, De Gaulle, Mai 68 et ses affiches devenues « classiques », élevées au rang d’œuvres d’art au panthéon de la connerie… Bien récupérées en tout cas, comme le mouvement parti du bas, parti des étudiants, et ENSUITE, récupéré par les syndicats… Quelle aubaine ! Un coup de « miror » sur leurs blasons bien ternes.

Et voici la « Gord » cette bagnole que rien n’arrêtait, surtout pas ses freins !

Le Concorde, grand albatros majestueux, une œuvre d’art volante.

Le « France », quelle gueule là aussi ! Faire du beau pour le plaisir, je ne sais pas pour vous, mais personnellement quand je vois la tronche des voitures aujourd’hui… Elles ne donnent pas envie !

Les Shadocks, sublimés par la voix si particulière de Claude Piéplu, parti pomper le cosmogol quelque part entre Shadocks et Gibis…

Il y a aussi LA PILULE ! Ça vous paraît évident aujourd’hui, mais combien de générations se sont senties frustrées de ne pas pouvoir aller au bout de leur plaisir, s’abandonner totalement, à cause de : « l’épée de la Dame au clebs » comme disait ma bignole d’Aubervilliers ! Quand le Monsieur ne faisait pas « attention » !

Et la mini jupe ? Les Messieurs l’ont beaucoup appréciée ! Quand je vois aujourd’hui certaines femmes entorchonnées dans des trucs qui leur couvrent même les pompes… Enfin !

Un film culte (pour moi en tout cas) "2001 odyssée de l’espace" de Monsieur Stanley Kubrick. Un détail, mais sans doute le connaissez-vous : dans ce film, l’ordinateur de bord s’appelle H A L , or en y regardant d’un peu plus près, on s’aperçoit qu’en prenant le première lettre qui suit ces trois-là on lit : I B M… Étonnant, n’est-ce pas ?

Mes années soixante c’est le premier pas sur la Lune, et depuis… Pas grand-chose !

J’ai saupoudré d’un Beatles ou deux, un portrait de Sharon Tate, un autre du Che (pardon Monsieur Andy Warhol) et servi SHOW… Un coup d’mou ?… Même pas : vivent les années 2000 !


Un grand merci à Môôsieur Tant-Bourrin que j'ai mis une fois de plus à contribution, afin de réaliser le montage vidéo... Encore MERCI.''

Maintenant, on clique...

samedi 4 février 2012

Scout toujoursJennifer

Jennifer est une jeune antillaise plutôt jolie. Je l'ai rencontrée pour la première fois il y a un peu moins d'un an. Sa voix était tellement entrecoupée de sanglots qu'elle ne parvenait pas à terminer ses phrases. J'ai dû lui demander d'arrêter de parler, de s'étendre sur le divan et de fermer les yeux pour reprendre son souffle. Je lui ai dit de parler calmement, sans se précipiter, prenant le soin de l'interrompre à chaque fois que les sanglots la submergeaient. Elle m'a raconté son histoire : son enfance passée à Paris, sa mère dépressive qui l'emmenait tous les jours se promener au bord de la Seine, les bras chargés d'énormes sacs. Chaque jour la petite Jennifer aidait sa maman à remplir ces sacs d'objets lourds, bouteilles, statues en pierre, etc., et partait avec elle, portant héroïquement ces énormes fardeaux, pour la bonne cause, telle Cosette allant puiser son eau. Ces sacs, elle l'a compris au fil du temps n'étaient en fait destinés qu'à les maintenir toutes deux dans les profondeurs du fleuve lors de l'ultime plongeon. La pauvre enfant espérait que son calvaire allait finir, lorsque, à l'aube de ses dix ans, après s'être magnifiquement habillée et maquillée, sa maman lui apparut plus belle que jamais. Elle embrassa une dernière fois sa fille et se défenestra sous ses yeux.

Le choc émotionnel et l'immense déflagration qui s'en suivit déclencha chez l'enfant un diabète grave accompagné d'une maladie inflammatoire appelée sarcoïdose et qui atteignit son foie, ses poumons et son estomac. Ajoutée à cela une grande instabilité émotionnelle qui la faisait fondre en larmes à la moindre émotion. Elle me raconta son parcours, la suite de son enfance passée chez une horrible grand-mère qui prenait plaisir à la torturer, l'accusant de la responsabilité de la mort de sa mère. Le viol qu'elle subit en voulant protéger une amie, l'enfant qu'elle perdit à cause de son diabète, ses quatre injections d'insuline qu'elle effectuait chaque jour elle-même, puis sa grande fierté, son diplôme de préparatrice en pharmacie, les problèmes qu'elle avait avec ses collègues de travail qui lui rendaient la vie impossible, puis sa brouille avec sa meilleure amie qui repoussait toutes ses tentatives de réconciliation, sa logeuse qui la mettait à la rue, et surtout son ex-compagnon, un parasite vivant à ses crochets dont elle avait dû se séparer après qu'il lui ait mis en pièces une voiture qu'elle n'avait même pas fini de payer, mais qui continuait quand même à la harceler.

Cette extraordinaire cascade de catastrophes l'avait réduite au point de ne plus pouvoir travailler, elle craignait à présent pour son emploi. Je la voyais chaque semaine, et la redécouvrais chaque jour encore un peu plus mal en point qu'avant.

Ce jour-là, Jennifer était seule, et véritablement au bout du rouleau. Ses petits yeux d'oiseau blessé et ses paroles suppliantes m'indiquaient qu'un geste sans cesse repoussé s'imposait à moi à présent ; geste sans lequel il y aurait eu véritablement non assistance à personne en danger. N'y tenant plus, et au risque des conséquences, je la pris dans mes bras comme on prend un enfant. Elle me serra convulsivement. Ses sanglots étaient entrecoupés de "Merci". L'étreinte était intense, j'en restai totalement pétrifié, comme si cette extraordinaire accumulation de souffrances qu'elle portait en elle, me traversait le corps, j'étais dans un état de compassion extrême, le moment était très fort. Nous restâmes enlacés elle et moi plusieurs minutes jusqu'à ce que je sente son étreinte se relâcher. Elle avait enfin retrouvé son sourire et se mit à me parler à nouveau. Mais rapidement son émotion l'envahit et je vis qu'elle avait à nouveau besoin d'une accolade. Je tiens à préciser que ces étreintes, même si elles n'étaient pas très conventionnelles, n'avaient absolument rien d'embrassades amoureuses.

Plus tard, Jennifer a rencontré un compagnon plus digne d'elle et a pu retrouver un peu plus d'autonomie, au moins sur le plan affectif. Notre dernière rencontre a eu lieu lorsqu'elle est venue m'annoncer éplorée que la Sécurité Sociale venait de refuser la prise en charge de son billet d'avion pour Paris. Un geste vital devait être fait d'urgence sur son estomac qui saignait. La pauvre malheureuse, se vidait de son sang et avait déjà reçu deux transfusions sanguines. Deux solutions s'offraient à elle pour survivre : soit l'ablation de l'estomac, soit une électrocoagulation qui ne pouvait s'effectuer en Guyane. J'ai dû la faire hospitaliser d'urgence et donner de la voix dans les bureaux des ronds de cuir de la sécu pour qu'elle obtienne gain de cause.

Aujourd'hui Jennifer a enfin pu prendre son avion. Elle est en ce moment hospitalisée à Paris, près de chez vous, et se débat corps et âme pour sauver son estomac.

Prions pour qu'elle puisse y parvenir.

mercredi 1 février 2012

AndiamoVacances de gamin

J’avais neuf ans, la guerre était finie depuis trois ans. Les « vieux » en parlaient encore, pour moi ça remontait à Mathusalem !

Vous l’avez sans doute remarqué : le temps ne s’écoule pas de la même manière quand on a neuf ans et quand on en a quarante. Ouais, je vous vois venir, tas d’hypocrites : le doyen, avec ses soixante-douze balais, qu’est-ce que ça doit filer… Ben oui : ça file !

Donc j’avais neuf ans et, après une année scolaire brillante (hi hi), ma mère nous dégotte par l’intermédiaire d’une grand-tante religieuse (vous marrez pas, elle était ADORABLE, ma tata !) une pension pour les vacances.

Elle servait (et le terme convient parfaitement) chez les filles de la charité. Mais oui, les sœurs en cornettes ! L’ordre de Saint Vincent de Paul. Elle faisait partie de la communauté basée à Clermont-Ferrand et comme la tantine était issue d’un milieu plus que modeste, n’ayant pas apporté de dot… qu’est-ce qu’elle a gratté ! D’ailleurs elle répétait souvent à ma mère : " la plus grande peine que me ferait ta fille serait qu’elle entre en religion !" C’est dire….

Donc ma brave tantine nous avait dégotté une pension pour ma mère, mon frère (12 ans), ma sœur (10 ans) et moi, un hébergement dans un hospice pour vieillards, tenu par des religieuses bien sûr, à Cunlhat (prononcez KIN YA), petite bourgade Auvergnate située non loin de Clermont-Ferrand.

Il s’agissait d’une grande chambre dans laquelle avait été dressés deux grands lits. Ma mère occupait l’un d’eux avec ma sœur, et moi je partageais l’autre avec le frangin, ça ne nous changeait pas, vu qu’à la maison nous partagions déjà le même pieu… Je ne te raconte pas les bagarres, mais j’en garde un excellent souvenir !

Mon père, lui, était resté à Paris, il travaillait durant ses vacances afin de nous permettre de partir. Pas riches certes, mais nous n’avons jamais manqué de quoi que ce soit.

Tous quatre nous prenons le train à la gare d’Austerlitz. Mon père nous conduisait toujours jusqu’à l’avant du convoi, afin de nous faire admirer la locomotive : une énorme machine noire, fumant de toutes parts, laissant échapper des jets de vapeur, des roues énormes, les immenses bielles et contre-bielles. La noble race des trains qui fument !

C’était sans doute, je l’ai appris plus tard, une « Pacific », ces locos vendues par les Américains après la guerre, dans le cadre du plan Marshall.

Les compartiments desservis par un couloir, nous voyagions en troisième classe (elles n’existent plus), huit personnes par compartiment, des sièges de moleskine… Verte la moleskine, les filets à bagages tendus au-dessus des places assises et, juste en dessous, des photos en noir et blanc, représentant des paysages de notre beau pays de France !

Bien sûr, nous avions emporté un peu de lecture, quelques illustrés, ou un livre ou deux de la comtesse de Ségur (née Rostopchine… t’as vu je m’en souviens encore !).

Pas le droit de parcourir le couloir, nous devions rester bien en vue quand nous nous y rendions, histoire de se dégourdir les guibolles !

Pour le casse-croûte, point de wagon-restaurant pour nous, le budget maternel ne le permettait pas. Le préposé passait avec sa clochette qu’il faisait allégrement carillonner, afin d’annoncer les différents services.

Ma mère déballait quand il était l’heure : sandwichs au pâté, au fromage, des œufs durs, sans oublier le dessert, quelques biscuits secs. En guise de boisson : de l’eau, précieusement contenue dans une bouteille de verre soigneusement « entortillée » dans un torchon humide, pour la conservation de la fraîcheur !

Tout le monde faisait de même, les conversations allaient bon train, les langues se déliaient au bout d’un moment, les trajets étaient longs. Après guerre, certains ponts et viaducs étaient encore en réfection. Ils avaient souffert des bombardements, le convoi roulait au pas au moment de la traversée et, j’avoue, mais je n’étais pas le seul… nous n’en menions pas large !

Enfin après mille tortures et de longues heures à se chamailler, rire aussi, nous arrivions en gare de Clermont. Tantine nous attendait, embrassades (pas fastoche avec la cornette !) et larmes de joie pour elle, qui ne nous voyait pas souvent :

- Comme ils ont grandi ! Toi, tu n’es toujours pas très gros ! Si tu avais autant de kilos que de frisettes !

Elle nous accompagnait jusqu’à la gare routière, et là nous prenions après mille embrassades un antique autocar ! J’ai revu les mêmes dans le film de Pierre Granier Deferre, "la veuve Couderc", et aussi dans celui de Jean-Loup Hubert, "le grand chemin"… Tu vois ?

Alors là, je ne me souviens plus si le trajet était long ou pas, nous arrivions épuisés, c’est sûr !

Repas pris dans un grand réfectoire en compagnie de quelques pensionnaires comme nous, puis dodo !

Le lendemain, un copieux petit déjeuner : chocolat et gros pain de campagne frais, beurre et confitures maison, la bouffe était bonne, j’en garde un bon souvenir.

Nous descendions au village, le vrai patelin auvergnat années quarante, les bouses de vaches partout, la grand’rue pavée, les autres remblayées avec de la caillasse, ça ne nous gênait pas, à Drancy dans ma rue c’était kif-kif !

Une grande place accueillait une foire toutes les semaines, un peu marché aux bestiaux et marché tout court.

Mais ce qui nous attirait le plus, c’était l’échoppe du sabotier située juste au pied de l’hospice.

Un tout petit atelier partagé par un père et son fils, un grand et fort gaillard le fiston !

Il était « monté » à Paris pour faire son régiment, et il en parlait ! A l’entendre, toutes les gonzesses de Pigalle portaient le deuil depuis son départ !

Nous le regardions tailler la bûche de bois, d’abord à l’aide d’un genre de massicot, puis avec des tarières, gouges et autres engins tranchants forts impressionnants pour un gamin, nous voyions les copeaux odorants voler sous ses mains habiles, et le bois informe prenait petit à petit l’allure d’un « esclop » !

Et je vous assure que cela allait très vite, il devait fabriquer si ma mémoire est bonne au moins une paire de sabots par jour, si ce n’est plus.

Il coulait en contrebas du village un ruisseau. Dans mes souvenirs de gamin, il était large, mais lorsque je l’ai revu une vingtaine d’années plus tard, il ne mesurait en fait que trois mètres de large à tout casser !

Nous nous y baignions, ou plutôt nous y pataugions, dans nos maillots de bains « tricotés main » par ma mère, ça ne sèche jamais ces saloperies de maillots !

Presque tous les jours, nous pêchions des vairons, que les sœurs nous faisaient cuire ! C’est amer comme tout, mais nous ne l’avouions pas, trop fiers de déguster notre pêche ! Parfois, nous allions tenter d'attraper des écrevisses, et là... c’était une autre affaire !

Tout d’abord, nous demandions bien poliment, tu penses, au boucher de nous mettre de coté quelques têtes de moutons. Dans ces villages, à l’époque, les petits commerces étaient encore bien présents : boucherie, boulangerie, mercerie, et même un casino, ou familistère je ne sais plus très bien.

Nous laissions dans un coin du grand jardin "faisander" les têtes de moutons, puis armés de balances toutes neuves nous partions à la pêche !

Les têtes disposées au fond des balances que nous mettions à l’eau. Il faut attendre deux bonnes heures au moins, nous recommandait notre mère, mais va faire comprendre la patience à des gamins !

Toutes les cinq minutes, nous relevions les balances, faisant fuir les bestiaux ! Le soir, c’est avec quelques dépressives écrevisses candidates au suicide que nous rentrions, priant les sœurs de bien vouloir nous les passer au court-bouillon !

Cette campagne était truffée de petits chemins coupant la route en plusieurs endroits. Point de tracteurs en 48, tu penses, en Auvergne les vaches servaient de bêtes de trait. Les paysans n’étaient pas bien riches, ils tenaient des fermes et non des exploitations agricoles ! Ils étaient paysans et non exploitants !

Quel noble mot que : paysan. Nous avons TOUS, j’en suis certain un paysan accroché à la boue de nos chaussures, et ça nous l’avons oublié.

Quand je suis retourné plus de vingt ans plus tard dans ce joli village, le casino avait disparu, le boucher aussi, les chemins sont envahis par les ronces, les tracteurs empruntent la route, laissant les vaches profiter, et donner beaucoup de bon lait que l’on ne pourra pas vendre ou alors à des prix…

Ah oui, l’échoppe du sabotier ? Fermée bien entendu, mais qui porterait des sabots aujourd’hui ?

Allez, on s’est bien fait NIKER !

Cette photo je l'ai chopé sur le net.

mercredi 18 janvier 2012

Scout toujoursBelote et re-belote

Ah ce trajet entre Paramaribo et Cayenne, j'ai dû le parcourir plus de cent fois. Deux fleuves à traverser sur des raffiots en ruine, et cette route à travers brousse, parsemée de ces énormes trous, propres à pulvériser le plus costaud des 4x4, et qui ne sont que les restes de la guerre des Jungle-commandos qui, après avoir trop forcé sur la beu avaient fait joujou avec la dynamite. Ces trous qui jadis avaient servi pour ralentir les convois militaires et les attaquer, leur servaient à présent à ralentir les voyageurs pour les braquer. J'ai encore le souvenir qu'un seul d'entre eux m'avait coûté la bagatelle de deux rotules, une crémaillère, un pneu, une jante, un roulement, et en guise de numéro complémentaire, un pot d'échappement.

Six d'un coup, un loto gagnant !

Arrivé à destination après huit heures de route, mazette, huit heures, aussi long que pour aller à Paris : c'est pas qu'on soit vraiment fatigué, mais on sent flageoler un peu ses rotules (ici les vraies). Cette fois-là, mon séjour à Cayenne s'était plutôt bien passé, mais je finissais ma semaine quelque peu éprouvé. Le dernier jour, mon voisin m'invite à prendre l'apéro. C'est un baroudeur, il a fait Madagascar lui aussi. J'ai pas trop de temps, un fax à envoyer à un fournisseur Italien, j'ai l'estomac qui crie famine, mais je peux rien lui refuser, j'accepte. Il me sert des bières de la taille d'un obus de 75, j'en bois trois, quatre, je sais plus, il est déjà presque minuit, je m'enfuis en titubant pour envoyer ce fax malencontreux.

En revenant du centre-ville, je vais au plus court et traverse le vieux Chicago (quartier mal famé de Cayenne). Au détour d'une rue, j'aperçois deux magnifiques blacks dont la plus belle me sourit. Elle m'appelle, et me baragouine quelques mots que je n'entends pas. Je ralentis, je m'arrête, et Boum ! Le piège : deux grands escogriffes noirs me sautent à la gorge. J'essaie de redémarrer, mais je suis arraché de la voiture. Je prends des coups, celui de droite est armé d'une bouteille de Kro. Il s'approche, je le cueille d'un crochet du droit en pleine poire. Je sens le choc, j'ai fait mal. Il fait une vilaine grimace, Aille, là ça va être ma fête ! L'autre s'approche, je le reçois d'un coup de pied dans le bas-ventre. Là, j'ai pas fait mal mais je parviens à le repousser. Ils hésitent, je les entends parler anglais, j'entends le mot "money". Ce sont des Georgetowniens ! Je profite de cet intermède pour me relever. Celui de droite a fui, je suis seul face à l'autre : "alors tu fais moins le fier maintenant que t'es tout seul !". Je l'insulte, le menace et lui hurle les pires insanités, il hésite puis fuit à son tour. Je ramasse la bière que l'autre a laissée et la lui jette en pleine poire. Il l'évite de justesse et prend la poudre d'escampette. Elle explose par terre. Rendu fou-furieux, je retourne à ma voiture et m'arme du gourdin que je garde toujours sur ma banquette arrière, je les poursuis à travers les ruelles, mais en vain. Ils se sont volatilisés.

A ce moment, j'aperçois une énorme flaque de sang sur ma chemise. Je la soulève : j'ai une entaille dans le lard ; ils m'ont troué la peau, ces vaches, et moi j'ai rien senti, même pas vu le couteau... Que faire, où me faire soigner?

Si je vais à l'hosto, avec mon taux d'alcoolémie, les pandores vont pas manquer de rappliquer pour me faire souffler dans leur baudruche. J'ai encore à l'esprit l'histoire du copain Jean-Luc qui comme moi s'était fait suriner pendant le carnaval de Saint-Laurent. Pour tout dédommagement il avait été gratifié d'une amende pour ébriété, alors que l'agresseur avait été relâché. Je retourne chez moi. J'appelle le chirurgien de garde. C'est Diouf. Il ne peut pas quitter son poste mais m'envoie chez sa collègue, Africaine elle aussi. En l'attendant devant chez elle, un brésilien ivre-bourré vient m'aborder. Il tombe bien celui-là, pour toute réponse, je lui montre ma chemise ensanglantée, il s'enfuit épouvanté. La chirurgienne m'examine. J'ai deux entailles dans le gras du bide, dont une de 2 cm juste au dessous du cœur et qui a l'air profonde (6 centimètres, peut-être plus). Elle n'a pas l'habitude, ça se voit. Bien gentiment, elle m'explique qu'elle va m'ouvrir le ventre, me dérouler l'intestin-grêle, me promettant, juré-craché, de tout me remettre en place si toutefois rien n'est endommagé ! J'ignore par quel divin miracle, mais subitement je me suis senti beaucoup mieux. La blessure que j'avais crue si grave, me semblait soudain insignifiante. "Non, Non! je vais très bien vous dis-je, allez soyez mignonne, refermez-moi tout ça et on n'en parle plus". J'ai du être bien convaincant car c'est exactement ce qu'elle a fait.

Le lendemain, je reprenais la route et racontai mes aventures à mes amis Surinamiens. Qu'est-ce qu'ils ont pu rigoler en regardant ma chemise, faut dire qu'elle était belle cette chemise, belle à encadrer : deux énormes entailles devant, les deux mêmes derrière avec la flaque de sang, comme si la lame m'avait traversé deux fois de part en part, sans compter deux entailles supplémentaires sur les côtés, six au total, j'avais certainement eu beaucoup de chance...

Quinze jours après, je suis à nouveau appelé à Cayenne. C'est samedi, la semaine a été rude, il fait chaud, je rentre épuisé du travail. Il est 15 heures, j'ai pas encore bouffé. Mon linge est sale et je veux le laver, mais pas l'ombre d'un lave-linge dans cette foutue maison qu'on m'a prêtée. J'aperçois une cabane dans le fond du jardin, ça doit être là-bas. J'y vais mais je dois traverser l'enclos dans lequel pataugent deux méchants pécaris [1] (sortes de sangliers aux canines longues comme le doigt). Je suis en short, ils s'approchent, leurs groins me reniflent les mollets, leur poil se hérisse. Là, je sens le danger, ces animaux sont dangereux, je le sais, mais trop tard ! L'un d'eux me mord la jambe à pleines dents. Je pousse un cri à la Coluche en secouant la patte, et miracle, il me lâche. Le sang gicle, mon mollet double de volume en quelques secondes, j'ai juste le temps de faire un garrot avec ma chemise, ça fait très mal. Je cours à nouveau téléphoner à l'hôpital. Et devinez sur qui je tombe ? Encore Diouf. Décidément il doit croire que je fais exprès, mon histoire le fait marrer. Quand j'arrive à l'hosto, la doctoresse qui m'examine pousse des cris horrifiés. Elle n'a jamais vu pareille jambe. C'est vrai qu'elle avait une drôle de bobine ma gambette, toute déformée qu'elle était : la chair meurtrie et les deux hématomes lui avaient donné la forme d'un énorme S boursouflé. Elle appelle son chef et me prescrit des pansements alcoolisés et un antibiotique, "ça s'ra tout pour aujourd'hui monsieur, rentrez chez vous, tout se passera bien".

De retour chez moi, je pisse le sang, la douleur est intolérable. J'ai peur pour ma jambe, ce truc va s'infecter c'est sûr ; pas envie de finir estropié. Je file à Kourou pour me faire soigner par un chirurgien que je connais : j'ai 70 kilomètres à faire, mais c'est le prix à payer pour sauver ma guibole, faut que j'y arrive. La route est longue, je roule, j'ai de la fièvre, la tête commence à me tourner; encore un effort, et j'y arrive enfin. Le chirurgien m'annonce non sans humour que je suis un sacré veinard : il vient d'en soigner un autre qui lui s'est fait totalement dévorer le bras par ce genre de bestiole. On évacue l'hématome, on pare les plaies, nettoyage au karcher : la bétadine sous pression rentre par une plaie et ressort par l'autre, ça me fait un mal de chien, mais c'est bon. Pour finir on m'enlève quatre tiques que le bestiau m'avait laissées en souvenir. Les deux plaies qu'ont laissées les canines sont énormes et très délabrées, de la taille d'une pièce de 2 euros. Elles me feront souffrir horriblement pendant près de trois semaines durant lesquelles la station debout me sera insupportable. J'examinerai donc mes patients sur une seule patte, la jambe repliée comme une grue. Qu'est-ce qu'ils ont pu rigoler de moi, tous mes malades... Eux aussi m'ont fait marrer, certains d'entre eux m'assuraient que si je voulais guérir, il me fallait tuer la bête et la manger...et j'ai failli le faire...

Notes

[1] Le pécari est l'animal le plus agressif de Guyane, surtout quand il est en troupeau, car il est le seul à attaquer l'homme. Les Jaguars, pumas, caïmans, anacondas et autres animaux n'attaquent jamais l'homme, contrairement aux idées reçues.

samedi 14 janvier 2012

AndiamoLe temps du tango




Léo Ferré l’a chanté :

Moi je suis du temps du tango
Où même les durs étaient dingos
De cette fleur du guinche exotique.


A dix-huit ans… Non, je n’ai pas quitté ma province, je suis Parisien. A dix-huit ans, un choix crucial et déterminant s’est offert à moi :

- Ou je persévérais dans les études…

- Ou j’allais à la gambille…

Car rentrer à trois plombes du mat et aller aux cours du soir le lendemain après le dîner… Tu vois ?

Alors j’ai choisi, et je ne danse pas trop mal !

Ça commençait le vendredi soir, avec mon pote Pierrot nous allions à Vespa rue de Clichy, dans un bouiboui appelé : "le petit jardin". Cherche pas, il n’existe sûrement plus !

Une salle bien sombre, un orchestre situé sur un petit balcon surplombant la piste, un peu comme au « Balajo » rue de Lapp. Et là-dedans des rombières bien plus âgées que nous à l’époque, nous avions dix-neuf ans, des chailles rangées comme à la parade et… et puis c’est tout, je ne vous ferai pas de confidences !

Elles dansaient bien les rombières, nous ça nous apprenait, elles étaient contentes de gambiller avec des jeunots, et pas trop regardantes si on leur écrabouillait les ribouis !

Le samedi, je préférais aller à la cambrousse, des petits guinches sous une sorte de marabout, comme dans la chanson de Sardou « les bals populaires », un plancher de guingois... L’orchestre ? Un accordéon, tu penses, une guitare, un batteur et un saxo… Et voilà : roule ma poule !

C’était quand même bien chouette, les jolies fiancées en robe juponnées à carreaux vichy, le bandeau à la Janique aimée, les ballerines aux pieds. On ne frimait pas, elles étaient là, on était là pour la roucoulade, le petit flirt du samedi soir, le mimi humide, la bise dans l’axe, parfois la main s’égarait….

Avec un peu de chance, un p’tit rancard pour le dimanche, le retour l’hiver sur la Vespa quand il fait bien froid… BRRR !

Et le dimanche c’était : remettez-nous ça la patronne, la promesse du week-end à venir, les jolis souvenirs pour la semaine en usine, vivement samedi !

Parfois, j’aimais aussi aller à Paris dans les « dancings ». L’un d’eux me bottait particulièrement : c’était le « Royal lieu » sur le boulevard des Italiens. Que de la frangine mariée ou divorcée, en goguette, venant se faire reluire, un coup de jeune, histoire de tester, de voir si elle pouvait encore emballer un mec plus jeune, histoire de se rassurer sans doute !

Moi, ça m’allait bien et comme le chantait Georges Brassens :

A vingt ans l'coeur se pose
Là où l'oeil se pose
Le premier cotillon venu vous en impose
La plus humble bergère est un morceau de roi


"Le moulin de la galette" les dimanches après-midi, une moto c’est facile à garer… Tiens, essaie aujourd’hui de placarder ta chignole !

Certains samedis soirs, je montais place du tertre, on arrivait à grand peine à garer la pompe, c'était duraille, mais pas impossible. Les cars de touristes y débarquaient, avec leur lot de jolies Demoiselles, Tony le chanteur qui nous goualait des chansons de Bruant. Le Paris by night de ces jolies touristes ? Flirter (pas plus hélas) avec un parisien, peut-être histoire d'amortir le voyage ? En tout cas ça nous profitait aux copains et à moi... Comme c'est loin !

« La grande roue », « le tourbillon » rue de Tanger dans le XIXème (ne cherchez pas, il a été rasé), des guinches « musettes », avec encore des vrais marlous ! Je n’y allais pas trop pour la gambille, mais plutôt pour le folklore !

Plus tard, j’ai testé « les boîtes » : quelle horreur ! J’allais au « kilt », un truc situé au rond point des champs Elysées, d’ailleurs les loufiats qui servaient la bibine, faisaient la saison l’été à Cannes au whisky à gogo, près du Palm Beach, je les connaissais.

Je préférais décidément les danses que j’appelais « de contact » plutôt que de faire le singe devant une fille qui elle aussi dansait seule !

Mais attends, la danse « contact », c’est le pied ! Tu te rends compte :

Tu invites une nana que tu n’as jamais vue, et d’autor tu la tiens dans tes bras, ta bouche contre son oreille, le bandonéon guimauve, la boule à facettes...

Qui balance aux quatre coins du bal
Tout un manège d'étoiles filantes.

Et puis... Et puis après la fricassée de museaux, on allait se taper une petite soupe à l'oignon, aux halles. Les halles les vraies, celles qui subsistaient encore près de Saint Eustache, la cambrousse à Pantruche !

Par dessus la "gratinée", le muscadet sur lie, point de ballons ni d'alcootests, un peu craignos ? Sans doute, mais bon : c'était comme ça !

Et bien sûr le « Balajan » à Montfermeil : je lui avais consacré un p’tit billet il y a un moment. Le « Balajan », c'était encore la guinguette, avec juste à côté l'étang, parsemé d'îlots, sept en tout. On louait une barque, puis on emmenait la jolie fiancée : l'embarquement pour Cythère... ou presque !

Que j'ai passé de beaux dimanches
Les belles venaient en avalanche
Et vous offraient comme un cadeau
Rondeur du sein et de la hanche
Pour qu'on leur fasse danser l'tango

(Jean Roger Caussimon, pour les paroles, bien sûr !)


Le Mikado était un guinche situé pas très loin du boulevard Rochechouart entre Anvers et Pigalle, j'y suis allé une fois, le dancing était situé en sous-sol, à l'époque un vrai coupe-gorge ! Il ne m'a pas inspiré plus que ça, alors j'ai fait demi-tour et basta...

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