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mardi 6 août 2013

Saoul-FifreTous des voleurs

Plus difficile que moi en melons tu meurs. Exigeant sur la qualité. En fait mon père était producteur de melons en Algérie (entre autres). Et puis vous savez ce que c'est, ah non vous êtes presque tous parigots-bouches-de-métro, mais un enfant de cultivateur on attend de lui qu'il finisse les invendus, ça fait partie du contrat qu'on lui a fait signer avec son sang à la maternité.

Ah j'en ai bouffé du melon trop mûr ou bien malade ou bien ligneux, fallait pas gaspiller, tu sais combien on aurait pu le vendre, un beau melon comme ça, ingrat, t'y comprends rien, tu connais pas ton bonheur. Chez nous, on mangeait pas des "tranches" de melon, c'était chacun son melon, voire SES melons, voire SA cagette, quand l'adéquation entre la production et la consommation avait connu un blême dans le prévisionnel.

T'avais intérêt à aimer le melon, quoi ? J'aimais le melon, moi, mais avec leurs histoires comme quoi c'était OBLIGATOIRE d'aimer le melon, ben ça me coupait l'envie. Putain comment ça les choquait, de me voir chipoter sur le melon, c'était leur destin, leur gagne-pain, t'imagines que mes caprices fassent tâche d'huile, se répandent, deviennent à la mode, que les gens me choisissent comme guru de l'antimelonisme, qu'à chaque fois qu'une fille arrive à convaincre un nouvel adepte de la diabolicité du melon, elle obtienne une nuit entière avec moi ? La chair de leur chair qui les mène à la ruine, à la désolation, à la jachère ? Faut aussi se mettre à leur place, merde.

L'amour familial connait des Hoo et des Baah, j'en sais quelque chose, mes enfants crachent par terre et dans ma direction à chaque fois qu'ils ne peuvent faire autrement que de me croiser, et pourtant je ne les ai jamais forcé à bouffer du melon, alors vous imaginez le regard peu amène de mes géniteurs envers le traitre à leur race que j'étais, d'autant que je laissais sadiquement à mon écorce 2 bons centimètres de chair tout à fait délicieuse, mes frères et sœurs plus mieux civilisés que moi la rongeant jusqu'à l'os, couvés énamoureusement des yeux, reconnus comme leurs dignes rejetons, solidaires dans l'adversité économique et fidèles à la mémoire génétique.

Testard comme vous me connaissez, je ne risquais pas de tomber par faiblesse dans aucun chantage affectif et je finis par m'enfermer dans une bulle psychotique d'où le melon était absent.

Et puis, les années passant, 69 en particulier, année érosive, j'acceptai d'y ouvrir quelques brèches, me déclarant à ma propre stupéfaction amateur de BONS melons. Je les sniffais longuement et précautionneusement avant d'y porter une dent méfiante puis d'y puiser un réel plaisir. Mon père aurait enfin connu le soulagement dû aux cœurs justes mais il n'est plus là. Et ma mère le pourrait encore mais si je lui crie au téléphone : "Je remange du melon", j'ai peur qu'elle me réponde : "Quoi ? Alain Delon a un ranch ?".

Tout ça pour vous dire que notre fournisseur de melons est un arabe, et non l'inverse, je la fais d'entrée de jeu pour vous éviter les affres de l'hésitation au seuil de l'atteinte la plus illicite du sacro-saint politiquement correct. Et ses melons sont superbons, 3 pour 2 €, nan je suis vraiment dégueulasse de vous narguer comme ça, ils ont une cabane en planche au bord de la N113 et ils vendent les fruits de pleine saison, soi-disant pour les touristes mais en fait c'est beaucoup les indigènes du coin qui viennent se ravitailler.

L'autre jour j'avais un RV avec mon homéopathe, c'est un vrai docteur mais comme il est pas conventionné, je sais que quand je le paye en liquide sans lui demander de feuille de remboursement il est vachement content, alors j'étais parti avec 2 billets de 50 euros dans ma poche. Ça parait cher comme ça mais j'y vais qu'une fois par an maximum et puis lui, il me guérit au moins, je ressors pas plus malade que je suis rentré, comme j'en connais qui préfèrent aller chez des collègues à lui.

Je m'arrête devant la cahute, je choisis mes melons en leur reniflant le cul, la méthode est universelle et peut être extrapolée à moultes situations où une décision cruciale est nécessaire, je paye et je remonte dans mon carrosse, que je fais démarrer.

L'arabe lève son index pour me faire signe de l'attendre, je baisse ma vitre, il s'approche et me dit d'un air timide : "Vous aviez de l'argent quand vous êtes arrivés ?". Je réponds : "Ben oui, j'avais 2 billets de 50 € dans la poche...". "Ah ben c'est les vôtres alors, tenez !"

Tous des voleurs !

mercredi 31 juillet 2013

AndiamoL'homme des bois

L’homme des bois…

C’est ainsi qu'on appelait un pote de classe. Son patronyme commençait par « M » : je vais donc l’appeler Maurice…

Maurice était un grand gaillard, la tronche fendue en deux, toujours la banane ! Sapé façon craspouille, pas de chaussettes, tous les matins il devait se filer la tête contre le mur afin de se coiffer, à moins qu’il ne se colle un pétard dans les ronces et qu’il allume la mèche !

Aujourd’hui, il serait à la mode, mais dans les années cinquante pas trop ! C’était la coupe à la « Branlons Mado » qui faisait fureur ! Mécolle, avec mes douilles frisées façon Rital, j’étais dans l’sac !

Donc revenons à Maurice. Ce mec, je ne l’ai jamais vu sortir un cahier ou prendre des notes, toujours le dernier de la classe, je le talonnais, sans toutefois réussir à lui chourer sa place. Il y tenait au Godin, bien chaud l’hiver, dans ces classes hautes de plafond et difficiles à chauffer avec leurs nombreuses fenêtres. Moi, je l’aimais bien, l’homme des bois, gentil, poli avec tout le monde, pas bavard, présent mais glandeur comme c’est pas possible.

En fait, il avait tout compris Maurice : il avait adopté l’attitude du parfait crétin, le sourire, l’amabilité, le silence, incognito, furtif je dirai… Voilà, il avait inventé l’élève furtif bien avant les avions du même type ! Une pointure, ce mec, quand j’y songe…

Les profs aussi l’appelaient « l’homme des bois » : on aurait dit qu’il sortait d’une hutte de charbonnier de l’époque moyenâgeuse ! Non content d’être négligé, le gant de toilette chez lui ne faisait que passer… Ses fringues schmouttaient la vieille sueur. Mais bon, on n’ allait pas en faire un cake. La guerre étaient finie depuis peu et on était habitués à manquer de baveux, de fringues et tout le reste !

Aujourd'hui, ils font la gueule s'ils n'ont pas des niques, des t'as dit l'as, ou des cons verts !

Quelques années plus tard, pris de remords quant au peu d’attention que j’avais porté à mes pauvres études, je m’inscrivais au cours de dessin industriel.

Ces cours étaient dispensés gracieusement le samedi après-midi et le dimanche matin. Au passage, j’allais à la gambille toute la nuit le samedi. Quand j’arrivais après deux ou trois heures de sommeil aux cours, le garenne n’était pas très frais !

Un beau matin (z’avez remarqué ? On dit toujours un beau matin dans les histoires, JAMAIS : un matin pourrave !)... Un beau matin donc, je vois débouler dans la salle un grand mec : costard gris anthracite, cravate, tronche fendue en deux… L’homme des bois, m’écriai-je !

Il vient vers moi me dit bonjour, et moi la mâchoire pendante :

- Putain, KESKITARRIVE Maurice ?

- Rien de particulier, je suis venu saluer Monsieur « X » qui était mon prof. De dessin indus.

- Tu es dessineux ?

- Non, maintenant, je continue mes études afin d’être ingénieur !

- %^¨$£**µ// ; ???

- T’as l’air surpris ?

Moi l’air crétin (naturel en somme) :

- Ben oui ! Écoute, Maurice, à l’école, tu étais franchement nul ! Moi, j’étais pas loin, d’accord, mais comment tu as fait pour intégrer une école d’ingénieur ?

- Facile, je comprenais tout ce que les profs racontaient, mais ça m’emmerdait d’écrire, je suivais parfaitement les cours… Et puis je m’y suis mis, et voilà !

Je ne sais pas si ce Maurice était ce qu’on appelle un « surdoué » mais ça lui ressemblait bougrement ! Mais en matière de « foutage de gueule », c’était une pointure assurément.

mercredi 17 juillet 2013

AndiamoLa rentrée

Je suis passé tout à l’heure chez « Auchclercroisement », mon magasin préféré, nous sommes le premier juillet, les vacances scolaires ne sont pas commencées…

Institutrices , instituteurs, profs et autres, c’est le meilleur moment, ça va bientôt arriver et rien n’est entamé… Le meilleur moment de l’amour c’est quand on monte l’escalier ? Et bien c’est à peu près la même chose, la petite culotte en moins !

Et dans ce magasin, sous mes yeux horrifiés, j’ai vu koitesse ? Des rangées de cartables, des trousses (pas chemise) des cahiers, des grands, des petits, des gros, des tout maigres, des pochettes à dessin, des millimétrés, des calques, des compas, des pas cons (très peu en fait), des pots de colle (ça manque pas par contre), des stylos, des pleins de trucs que je ne sais même pas à quoi ça sert (est-ce que ça servira un jour) ?

Moi ça m’horrifie, ça me pile, ça me déprime ! Si j’étais écolier aujourd’hui, je crois bien que je me tirerais un rouleau de zan (avec la petite bille rouge) dans la tronche ! L’école n’est pas finie que déjà on leur flanque la rentrée prochaine en pleine tronche !

Ah les crevures ! Marchands du Temple, du fric, vite, vite, des fois qu’il y ait une banqueroute commack ! Une révolution inattendue, une Flambite suraiguë, que le p’tit à la cravate tirebouchonnée s’étouffe avec des bulots pas frais !

Mais où va-t-on ? Quand vous achetez un appareil z’électro-ménager, on vous propose sourire carnassier en coin, la garantie supplémentaire de cinq ans !

- Vous êtes vachement sûrs de la saloperie que vous me vendez ! leur dis-je à chaque fois, ainsi vous pensez que cette plaisanterie à X euro, ne fonctionnera pas correctement cinq ans ?

- Noooon, c’est pas ce que j’ai voulu dire, mais enfin vous savez on ne sait jamais…

- Oui, et surtout vous touchez une belle commission sur les assurances quinquennales !

- EUUUUUH !

Dans le même état d’esprit, ne lisez pas ça, Mesdames, si vous êtes sensibles :

Imaginez un peu si la maison « Pompes Funèbres Joyeuses » visitait les maternités, et proposait aux nouvelles accouchées un contrat obsèques en faveur de leur nouveau-né !

Autant prendre les devants puisque fatalement ça arrivera un jour !!! Ça n’est pas si idiot que ça, et le mercantilisme galopant s’installant, ça ne m’étonnera même pas !

En attendant préparez vos p’tits seaux, vos p’tites pelles, et hop à la plage !

jeudi 20 juin 2013

AndiamoEt pour vous une tite côte ?

Non, il ne s’agit pas d’une côte du Rhône, quoique au casse-croûte, le matin, avec un jambonneau…

Non, ce matin, je vous emmène en Picardie, à Mers-les bains, sur la côte d'Albâtre. Une jolie petite ville typique à la frontière de la Normandie : la Bresles, petit fleuve côtier, sert de « frontière ».

Cette charmante ville possède l’architecture typique des villas de la fin du XIXème, début XXème siècle. Elles servaient de résidences secondaires aux riches bourgeois parisiens en mal d’iode et de bains de mer forts à la mode à cette époque.

Les trains de plaisir ainsi nommés, car ils emportaient ces riches bourgeois vers leurs chères « villégiatures » - c’est ainsi qu’on les nommait - venaient tout juste de voir le jour.

La gare du Tréport les accueillait et, de là, un fiacre les conduisait jusque devant leur chère propriété.

Construites en style Picard-Normand, elles avaient fière allure. Dans les années soixante, elles étaient devenues minables , façades lépreuses, colombages aux peintures écaillées, alors la région a décidé de les remettre en valeur !

Tons pastel, mélange subtil des teintes, harmonie des nuances, cette « promenade » est devenue une splendeur, et je n’exagère pas.

Allez, suivez onc’ Andiamo, il vous emmène le long de cette plage… Vous avez vu ? On y pratique le surf ! Ce jour-là, les rouleaux étaient modestes, mais il est des jours où ils sont bien plus importants ! Et tout au bout, Mesdames (et vous aussi Messieurs), la récompense : un bar-restaurant monté chaque année sur la plage et démonté fin septembre, car ici les tempêtes de l’hiver ne lui laisseraient aucune chance. Il vous accueillera, on y sert des glaces… HUMMM !








(et là au fond le bar-restaurant aux gelati golosi)



(Daguerréotypes Andiamo)

lundi 10 juin 2013

celestineVroum Vroum

J’ai toujours pensé, comme Maurice*, que « les idées toutes faites étaient généralement des idées mal faites ». Aussi ai-je mis un point d’honneur, (qui est la version polie du doigt du même nom) pendant des années, à m’intéresser à des sujets que le sens commun réserve habituellement aux garçons, et ce depuis le premier cadeau trouvé au pied du sapin. Juste pour prouver que les filles aussi, ça en a sous le capot. Parmi eux, en bonne place, se trouvent le foot et les bagnoles.

La vie a fait fortuitement que je sois l’aînée d’une famille de quatre garçons (dans le vent) et que très tôt, il m’ait fallu partager leurs jeux si je ne voulais pas me retrouver toute seule dans ma chambre à enfiler des perles. Ma petite sœur-miracle est venue bien trop tard… J’étais déjà presque partie du nid.

Les parties de billes ou de ballon, dans le long couloir du F5 que louaient mes parents, m’ont laissé des souvenirs impérissables. Du coup, il me fut quasiment impossible d’intéresser mes frangins à mes premières poupées mannequin (on ne l’appelait pas encore par son prénom aux consonances homophoniques et germaniques de triste mémoire). Moman et moi étions en infériorité numérique.

Et puis, ce n’était pas l’époque, en plus… Il était clairement établi que la layette était rose bonbon sucé pour les filles et bleu fadasse pour les garçons. Dans cette joyeuse ambiance, mon père croyait me faire plaisir en m’achetant des voitures NOREV dont l’odeur de plastique est restée à tout jamais gravée dans ma mémoire olfactive. Et le premier jour où je suis arrivée à table maquillée et en robe, mon père s’est aperçu avec une surprise non feinte que j’étais une fille. Pis que ça, que je devenais une femme et que personne ne l’en avait informé dans cette baraque !

Il est d’ailleurs étonnant de constater une fois de plus la remarquable supériorité des filles sur les garçons. Personne, même encore de nos jours, ne trouve à redire au fait que les filles jouent aux petites voitures ou aux indiens. Personne ne se dit que ce n’est pas normal. Ma féminité n’a jamais souffert d’avoir monté des châteaux en Légo ou joué aux fléchettes. Mais qu’un garçon montre de manière un peu trop appuyée son goût pour la dînette ou les poupées, et aussitôt l’on s’inquiète de sa future identité sexuelle, et on envisage déjà une thérapie au CMPP** tout en imaginant avec dépit une vie entière de lazzi et de quolibets, et la fin du patronyme par un tarissement inéluctable de la descendance.

Le foot était une seconde religion à la maison. Ma pauvre mère aurait bien aimé suivre son feuilleton favori, mais par malheur, si un épisode tombait un soir de foot, c’en était fini du suspense. Il y aurait à tout jamais un trou noir dans le destin de la Dame de Montsoreau… car évidemment, il n’y avait que trois chaînes, nationales, un seul poste de TV pour sept, et pas d’internet, d’ordi, de tablette, de smartphone, de replay, de mp3, de mp4, de dvd, de streaming et de vidéo à la demande…

- Maman, tu vivais vraiment comme ça ?
- Eh oui, mon fils. C’était la préhistoire du numérique, à tel point que je me demande toujours avec inquiétude si mon dos ne se recouvre pas subrepticement d’écailles quand j’en parle…

C’était la grande époque des Verts, (qui c’est les champions évidemment c’est les Verts) qui a laissé une empreinte tenace dans ma mémoire, et je suis capable d’énumérer quasiment toute l’équipe, en commençant par Rocheteau et Bathenay, que je trouvais craquants, l’un avec ses bouclettes et l’autre avec sa petite gueule d’ange. Mon père nous emmenait dans le Chaudron, et nous revenions des soirées de match enhardis et joyeux. Et même pas bourrés. Et on pouvait encore se risquer à aller en famille voir un derby Saint-Etienne-Lyon, sans risquer de se retrouver aux urgences avec dix points de suture à l’arcade, ou la bagnole défoncée à la barre à mines. Parallèlement, les voitures nous permettaient de passer de bons moments de jeu sur le chemin du retour. On jouait « aux départements » (impossible de nos jours avec les nouvelles plaques) Et on jouait « aux marques ». Je connaissais les modèles par cœur, et je pouvais rivaliser avec mes frérots sur n’importe quelle marque. Les bagnoles avaient de la gueule, mieux que ça, elles avaient « une » gueule. La deuche, cultissime avatar d’une société libre et insouciante, parenthèse enchantée, baise et union libre à tous les étages, haschich, hippies et peace and love, à égalité avec le minibus Volkswagen orange à fleurs. Ah la la ! pffioouuu, j’aurais presque un début de petit semblant d’orgasme à cette pensée.

L’Ami 6 et sa tête d’ahurie, la DS au long museau de requin, L’aronde… la Simca 1000, le pou du ciel (la fiat 500), la Coccinelle…la traction avant (avant quoi, je me suis toujours posé la question !) J’en oublie, bien sûr !

Je ne me trompais jamais dans la série des « R ». Elles étaient toutes mythiques ! la R4 ou 4L (dans ma tête, je disais 4 ailes, déjà poète à mes heures) avec son levier de vitesse perpendiculaire au tableau de bord; la R 8, surtout la Gordini, bleue avec des bandes blanches et les roues légèrement penchées pour la tenue de route (J’ai d’ailleurs compris plus tard pourquoi mon père disait que le chien avait les pattes « gordini ») …Et la R 14 et sa forme en poire…

Mon père, lui, ne jurait que par Peugeot, il avait possédé successivement la 203, la 403, (celle de Columbo) la 404 et la 504…avec le zéro qui symbolisait soi-disant le trou de la manivelle… On installait aussi de temps en temps le circuit avec les manettes et les petites voitures qui avançaient dessus grâce à des patins de cuivre qui faisaient contact dans des gerbes d’étincelles. Les sorties de route étaient nombreuses, et les disputes fournies ! On revivait les 24 heures, et le couloir prenait alors toute sa dimension de ligne droite des Hunaudières…

Et puis je ne sais pas ce qui s’est passé. Je me suis laissé déborder, à l’époque des premières expériences de flirt où ce qui importait était surtout d’avoir assez de place dans les voitures pour s’embrasser sans être gênés aux entournures. La vie m’a embarquée, études, boulot, enfants… Profitant de mon inadvertance, le foot et les bagnoles sont partis dans tous les sens. Je suis donc obligée, moult années plus tard, d’avouer ma crassitude ignorantissime dans ces deux matières qui permettent pourtant tellement de briller en société !

Le foot est devenu la jungle que l’on sait : un immense lupanar du ballon rond dédié au dieu Argent. Une entreprise lucrative pour les annonceurs et les Princes du Qatar avides de se la faire briller à coups de pétro-dollars. L’idole du moment, Zlatan Trucmuchovitch, a la grâce singulière d’un videur de boîte décérébré. Même pas j’en voudrais après deux ans de disette.

Les bagnoles, elles, se ressemblent toutes, maintenant, les Renault se sont mises à porter des noms de filles, les Peugeot je ne sais plus du tout à quel numéro elles en sont, et puis l’invasion des japonaises, des allemandes, des slaves a multiplié les occurrences et la concurrence…les « petites gueules » ont été sacrifiées sur l’autel de la pénétration dans l’air et de la ligne épurée. Les 4x4, les hummer, les pick-up ressemblent à d’énormes signes extérieurs de puissance écrasant sur leur passage les petites berlines de monsieur tout le monde. Les breaks ont été supplantés par des monospaces monomaniaques faisant le pari de trimballer sans encombre 7 gosses, 14 valises et une table de ping-pong. Je suis incapable de distinguer une marque ou un modèle.

Non, il y a quand même une exception. Grâce à ma mémoire visuelle, je reconnais encore les symboles éternels, chevaux cabrés, ailes déployées, taureaux furieux, fauves bondissants, RR entrelacés, des voitures que même de prononcer leur nom déjà tu as mal au portefeuille…A croire que la constance soit réservée aux produits de luxe.

Bref, voilà où j’en suis. Je ne parviens plus, malgré tous mes efforts, à soutenir une conversation correcte sur ces deux sujets, au grand dam de mon unique collègue masculin pour lequel je tente, ponctuellement, de faire quelque effort, mais ça se résume souvent à : « Qui a gagné le match hier soir ? » Ce qui me donne droit à un résumé circonstancié que je ponctue de « Ah ! » et de « Oh » bigrement intéressés.

Ou bien « Alors, c’était comment, le Monte-Carlo au Burzet ? » A l’énoncé de cette simple question, son regard s’illumine, et le voilà parti à me raconter l’étape, comme si j’étais à même de saisir les finesses de la conduite sur neige ou sur gravier, et les difficultés techniques de la spéciale ardéchoise. Mais je n’ose lui dire que si par miracle je peux citer Sébastien Loeb, c’est qu’il porte le même nom qu’une chanteuse des années 80 qui se vautrait dans le coton. Ben quoi, on a les procédés mnémotechniques qu’on peut…



* Maurice Druon in "Tistou les pouces verts"
**Centre Médico-Psycho-Pédagogique


lundi 27 mai 2013

AndiamoJ'ai vu pleurer un homme

C’était il y a peu… Cet homme avait été pêcheur.

Pêcheur, un vrai, un mec qui se lève au gré des marées, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente…

Pêcheur sur une mer pas facile, toujours froide toujours houleuse, avec des courants entre mer du Nord et Manche, du vent, toujours du vent, ce vent glacial que l’on nomme Noroît.

Il faut bien gagner sa croûte, alors tous les jours on désamarre les haussières, on quitte le quai, on emprunte le sas qui vous mettra à niveau avec l’avant-port, un petit bonjour à l’éclusier et on embarque, le patron pécheur et un matelot à bord, pas plus.

Ce sont des petits bateaux, pas des navires usines qui saccagent tout. Ces bateaux-là pratiquent une pêche respectueuse le long de la frange côtière, ramenant selon l’époque de l’année, harengs, coquilles Saint-Jacques, lottes, cabillauds ou tourteaux…

Aussitôt débarqué, le poisson est vendu par leurs épouses sur le quai ! Soles, carrelets, harengs frétillent encore ! D’autres s’en vont pour Rungis où ils seront dispatchés, et enfin quelques-uns alimentent les restaurants de la ville.

Entre les pêcheurs et leur bateau, c’est une histoire d’amour, je n’exagère pas. Quand ils passent plus de vingt ans sur un barlu, ils en connaissent les moindres recoins, ils se souviennent de toutes ses avaries. Ils connaissent ses faiblesses, ses points forts. Parfois ils l’ont poussé dans ses derniers retranchements afin d’affronter une tempête et rentrer sains et saufs au port.

Il faut sauver les hommes mais aussi le bateau, c’est leur vie, leur survie même, c’est le ch’tiot Pierre, la Maryse, l’Etoile du matin, la Fée des mers : tous ces jolis noms qu’ils donnent à leur bateau, le cajolant comme ils le feraient avec une jolie femme.

Et puis, un jour, c’est la catastrophe, pour une raison inconnue se déclare une voie d’eau !

Que s’est-il passé ? Le presse-étoupe de l’arbre d’étambeau qui a lâché ? A-t-on heurté quelque chose qui aurait occasionné une déchirure dans la coque ? On ne le saura jamais.

C’est le naufrage, on jette le « Bombard » à la mer, le patron pêcheur veille avant tout à sauver son matelot, c’est son devoir, il y parvient, le temps de déclencher la balise de détresse, les secours arrivent rapidement.

Les hommes sont saufs, c’est l’essentiel direz-vous ? Bien sûr, mais lorsque le père apprend que le bateau qu’il avait offert à son fils quand il a pris sa retraite est au fond… Il n’a pu retenir ses larmes !

J’ai vu pleurer un homme…

(Ch'tiots crobards Andiamo, photos itou )

jeudi 16 mai 2013

Tant-BourrinHuit ans et déjà bouffé par les vers

J’aurais pu l’annoncer, il est vrai, en twittant
Plutôt que de fienter quelques strophes verbeuses,
Mais cela n’aurait pas, je le crains, fait le buzz :
En ce laid jour de mai, notre blog a huit ans !

Un tel âge avancé ne doit pas se fêter :
Point ne faut vénérer ce qui est vénérable !
Les années sont un bât qui pèse sur le râble
Et notre corbillard est déjà affrété.

Sur un morne océan, privés d'inspiration,
Sans cesse nous ramons sur notre frêle esquif
Pour tirer au lecteur un maigrelet "je kiffe"
En guise de frichti : quelle maigre ration !

Le cerveau de Saoul-Fifre est déjà tout cramé
Tel un steak oublié dans une poêle à frire,
Et tout donne à penser qu'il ne sait plus écrire :
Il préfère à coup sûr faire du macramé.

L'allant de Tant-Bourrin est tel Chantal Goya :
Il s’avachit à donf. Il faudrait un grand gite
Pour pouvoir y loger sa méga-flemmingite
Et son poil dans la main ressemble au séquoia.

Andiamo reste seul, notre dernier gratteur.
Son visage est flapi, que les rides décorent,
Oui, mais il n'est pas mort car il avance encore,
Même s'il a besoin d'un déambulateur.

Et ainsi va Blogbo dans sa neuvième année :
Ça sent plus le sapin que l'odeur de la rose,
Et si vous désirez lire encor notre prose,
Pour trouver des idées, il faut nous trépaner.

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