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vendredi 5 février 2010

Saoul-FifreRas l'blog

Vous me connaissez, je suis pas le genre à cracher dans la soupe, d'abord j'adore la soupe. Je suis pas comme mon second fils qui nous fait une crise de paranoïa aigüe chaque fois qu'il y en a sur la table, c'est à dire tous les soirs en hiver. Ce grand benêt (oui je trouve qu'on n'emploie pas assez le mot de "benêt") est persuadé qu'on le fait exprès pour l'embêter, c'est vous dire son niveau. Il croit qu'un régime à base de macaronis-rapé-beurre c'est équilibré si on fait glisser avec un cocktail de vitamines. Bon je vais arrêter de parler des maniaqueries gastronomiques de mes enfants sinon je vais encore mal digérer ma paella améliorée au restant de couscous.

Et le plus beau, c'est que, quand le sujet vient sur le tapis, toute la famille se retrouve pour dire que c'est de ma faute, que si quand ils étaient bébés je leur avais pas préparé amoureusement de tout mon cœur, des petits pots mixés "maison", à base de poivrons grillés, d'oignons revenus et d'aubergines à l'ail, hé ben ils seraient pas si dégoutés ???

Fouler ainsi au pied mes sentiments pas ternels du tout, qu'y disent, le perfectionnisme de mon projet éducatif, et je ne parlerai même pas de mes talents culinaires qui ont clafi des murs dans la France entière, jusqu'à ceux de notre soigneuse (et regrettée) Manou.

Je sais pas du tout pourquoi je vous parle de ces petits soucis domestiques, ce n'est pas du tout le sujet du jour.

Non je voulais vous dire que je vous aime bien, tous, non mais pas Pascal quand même, il m'angoisse trop avec ses histoires gore de mec qui court avec un pied fracturé, ça me rappelle "On achève bien les chevaux" et moi j'ai un auto-collant avec "Manger Crin-Blanc ou Tornado ... jamais !", ce qui n'a rien à voir, d'ailleurs.

Je vous aime tous, vous, les membres de la blogosphère, voilà mon sujet. J'aime cette grande idée de créer en public, en ayant des retours immédiats, j'aime ces aires de repos au bord des autoroutes de la communication, devant lesquelles des inconnus passent, et quelque fois s'arrêtent, jusqu'à y élire domicile, presque, quelquefois...

Les rencontres que le blog m'a permises, quand on passe de l'autre côté du miroir, quand le commentateur se fait chair, quand le pseudo bascule, fait un roulé-boulé et se relève en prénom, ont toutes un petit côté magique. Sans elles, dorénavant, je ne serais plus le même. Je ne citerai pas toutes les tronches croisées, découvertes, mais Manou, oui, la poète absolue. Je hais son job aux griffes possessives qui nous prive de ses fulgurances hilares et de son humanité rare.

Et plein d'autres, devenus de vrais amis. Mais vous êtes trop nombreux ! Je ne crache pas dans le potage mais qu'est-ce que ce web est chronophage ! En plus, comme une volée de moineaux dans les blés juste germés, venant de Blogspot, ont atterri chez nous plein de nouveaux, pleins de talents et bien polis ! Quand Épamin' et ses copines commentent, on se croirait téléporté dans ce Forum 1926 que nous avait présenté Tant-Bourrin il y a trois ans. C'est rafraichissant.

Alors je sais pas comment vous faites (je parle aux "actifs", là), mais je ne suis pas encore à la retraite, surtout s'ils nous l'annoncent pour nos soixante et dix ans, et j'ai du mal à assurer mon quota de commentaires, de billets, tout ça... Et puis Lundi, on part en congés, je sais pas si je vais prévoir un petit quelque chose. On verra.

Mais même avec des yeux dans le bouillon, je penserai très fort à vous, esclaves, galériens enchainés à vos blogs.

mardi 2 février 2010

Tant-BourrinUne histoire assez space

Une histoire assez space
Un récit podcast de Tant-Bourrin



téléchargeable directement ici


Avec les voix de :

Commandant Somuchnag : Tant-Bourrin
Drunkfife : Tant-Bourrin
Letsgo : Tant-Bourrin
Base terrestre : Tant-Bourrin
Tant-Bourrin : Tant-Bourrin
Tant-Bourriquet : Tant-Bourriquet

... et le concours de :

Ingénieur du son : Tant-Bourrin
Prise de son : Tant-Bourrin
Mixage : Tant-Bourrin
Post-production : Tant-Bourrin
Bruitages : Tant-Bourrin
Production : Tant-Bourrin

samedi 30 janvier 2010

AndiamoNotre Edam est parti

Notre Edam est parti !

Je me Saoulfifrelise, sans toutefois égaler le maître, mais que voulez-vous ? C’est contagieux, bien plus que la grippe H-hein ?-n’a rien.

Je suis allé voir l’exxxxcellente comédie musicale de Luc Plamendon et Richard Cocciante : Notre Dame de Paris.

A cette époque, les comédiens la jouaient depuis un mois seulement, le spectacle était suffisamment rôdé et les comédiens avaient leur fraîcheur intacte.

Je… Nous nous sommes régalés ! Plus de deux heures assis sans sentir mon cul ! C’est un signe qui ne trompe pas : quand tu ne sens pas tes fesses au cours d’un spectacle, c’est qu’il est bon ! (le spectacle, pas ton cul !)… Quoique.


P.S. : par avance je décline toutes les offres qui me seront faites, tant les "music Awards" que les éventuelles propositions de Patricia Coquatrix en vue d’un passage à l’Olympia.

Idem en ce qui concerne la "Starac" : j’ai passé l’âge de prendre des douches en public !

Croyez bien, cher Monsieur Manouchian, que j'en suis profondément désolé.


Après Sarkmania, voici : Notre Edam est parti.



Le temps des p’tits casse-dalles



Pelle



Ouais, bien sûr, c’est une vieille voix, mais je serais curieux de vous entendre chanter, juste un peu, histoire de me rendre compte…

mercredi 27 janvier 2010

Saoul-FifreLe Monsieur

Le Monsieur, dans mon petit village du Périgord d'une centaine d'habitants, c'était le Maître, l'instituteur, enfin en aucun cas l'enseignant, et nous ses apprenants, selon le langage mammouth actuel ?

Dire le respect qu'il y avait derrière cette appellation est difficile. Le Monsieur, traduction approximative de Lou Moussu, c'était traditionnellement le seigneur ou le bourgeois du village, le seul qui savait lire et écrire dans la commune, le seul à être abonné à un journal, à posséder des livres, le seul qui pouvait défendre ses voisins paysans dans leurs affaires de justice ou d'impôts, celui qui leur lisait les lettres du fils au front, qui répondait aux pudiques, aux allusives lettres d'amour... Il expliquait, il conseillait, négociait, décortiquait les nouvelles lois.

Il était l'indispensable rouage de la communauté. Sans lui, les habitants auraient été des serfs, des animaux.

Alors bien sûr, fallait quand même pas exagérer non plus, l'ancien château ou gentilhommière construit en sentinelle en haut de la petite colline a été démoli, sans doute à la révolution, et fut érigée à sa place la mairie accolée à son école obligatoire, laïque et républicaine. Jules Ferry leur envoya un de ses hussards chargé d'unifier la France par l'apprentissage en force du français, et Lou Moussu devint Le Monsieur, objet de toutes les admirations, qui reprit le rôle.

Quand je vois les parents actuels demander RV aux "professeurs des écoles" pour rouspéter contre la faiblesse des notes de leur petit génie incompris ou contre la dureté des exercices, voire pour leur casser la gueule ou se plaindre à l'inspecteur d'Académie, je me dis que j'ai dû passer le mur du con sans m'en apercevoir et que je vis désormais dans un monde parallèle aux valeurs symétriquement inversées.

Dans les années soixante, au simple évoqué de Monsieur Mesnard, tous les présents se mettaient à baver et leurs yeux à briller, extasiés. Le Monsieur, c'était le Bon Dieu descendu sur terre, c'était un fait acquis. Quand mes parents, ou ceux de mes copains, le rencontraient, ils le saoulaient de félicitations et la conversation finissait toujours par "Et n'ayez pas peur de le visser, il a tendance à se laisser aller".

C'était juste histoire de garder la corde tendue, car la moyenne de la classe tournait autour de 18/20. Nous nous battions comme des lions pour obtenir et conserver l'estime du Monsieur. C'était une classe unique, de la maternelle au certificat d'études dans la même pièce, avec le même Monsieur, alors il fallait respecter le travail des autres. On entendait les mouches voler et ronfler le poêle Godin. Nous étions suspendus aux lèvres du Monsieur, d'où sortait une voix calme et bien timbrée. Si nous voulions poser une question, nous levions le doigt et nous attendions d'être désignés par la longue règle. Seul le crissement de la craie troublait le silence lors du calcul mental : le Monsieur écrivait l'opération au tableau, nous nous jetions frénétiquement sur nos ardoises pour être le premier à la lever à bout de bras, revêtue du résultat exact, jamais faux. Notre but était bien de lever l'ardoise le premier. Nous recensions nous-mêmes nos points, le Monsieur nous faisait confiance. Pour pouvoir s'occuper des autres niveaux, il nous donnait des devoirs, ce qui fait que le soir, nous étions entièrement libres dès le portail de l'école franchi. Si nous avions fini avant les autres, nous pouvions aller silencieusement au fond de la classe emprunter un livre sur les rayonnages. Ou bien il nous embauchait pour faire lire des plus petits. Ou bien on aidait les moins rapides. En chuchotant, on avait le droit.

Un des rôles que la petite communauté villageoise attendait de lui était la préparation du spectacle de fin d'année. Nous faisions tout, décors, costumes, aidés par les mamans, il fallait apprendre des saynètes, des danses, des poèmes. Il fallait faire le tour des fermes pour recueillir des lots pour la tombola, c'était toute une histoire. Le jour dit, tout le village était là dans la salle des fêtes, payait son entrée, et à l'entracte buvait un coup en mangeant les gâteaux faits maison. Le bénéfice de la soirée payait à toute l'école un voyage touristique en car. Nous, petits ploucs sans même la télé, avons visité ainsi Banyuls, Carcassonne, l'île de Ré...

Je me souviens aussi que, tout pilier laïque et athée de la société que le Monsieur était, son attitude envers son "adversaire" le curé était neutre et respectueuse. Il laissait filer en avance ceux qui devaient aller au catéchisme ou aux "retraites", sans petit sourire ni la moindre remarque.

Un jour, Monsieur Mesnard tomba malade et l'on vit arriver un jeune remplaçant, frais émoulu de l'Ecole Normale, à qui il nous fallut tout expliquer les règles, bien comme il faut, comme les appliquait le Monsieur. L'apprenti instituteur fut très sage et nous obéit en tous points. Et nous n'eûmes pas la cruauté de relever ses évidentes lacunes en matière de pédagogie. À l'impossible, remplacer le Monsieur, nul ne peut être tenu.

Il ne s'agissait pas d'un de ces arrêts-maladie de complaisance puisque nous enterrâmes notre Monsieur peu après.

Monsieur Marsac, au caractère au moins aussi bien trempé, mais à la santé meilleure, réussit à se faire titulariser dans nos cœurs, à la satisfaction générale de toute la commune, qui l'adopta comme nouveau Monsieur.

Si le hasard fait que vous tombiez sur ces lignes, Monsieur Marsac, je serais ravi que vous vous manifestiez.

dimanche 24 janvier 2010

Tant-BourrinBrouillon de culture (7)

Les six premiers numéros de "Brouillon de culture" (que vous pouvez revoir sur BlogboReplay ici : 1, 2, 3, 4, 5 et 6) ayant méchamment cartonné au Bloguimat (62% de part de marché chez les ménagères de moins de 50 ans), nous ne pouvions rester longtemps sans vous dispenser un septième opus de l'émission qui rend les blogueurs (un tout petit peu) moins cons !

Je me suis donc de nouveau précipité vers ma bibliothèque pour en extraire quelques-uns des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature mondiale, que tout être humain digne de ce nom doit avoir lu au moins une fois dans sa vie.

Non, ne me remerciez pas, c'est naturel chez moi que de chercher à semer à tout vent !





Hélice ou la vraie vis - Claire Ecce-Lhélice

A l'époque de la guerre d'Algérie, Hélice, jeune fille éprise de technique, rêve de concevoir une vis autrement plus solide et facile d'utilisation que celles du commerce. Pour cela, elle monte à Paris et trouve un travail dans une usine qui produit des articles de quincaillerie. Hélice se prend d'amitié pour Areski, un Algérien en butte à des manifestations de racisme de la part des contremaîtres. Ledit Areski s'intéresse lui-même soudainement beaucoup à Hélice quand celle-ci lui avoue que, le soir, seule dans son lit, elle ne rêve que de vis. Malheureusement, leur amour naissant prend brutalement fin quand Areski est pris dans une rafle et est mis sous écrou.





L'effrangé - Amer Calbut

"Hier, ma frange est morte". C'est ainsi que commence ce roman, narré par un dénommé Morsault. Celui-ci est en effet allé récemment chez le coiffeur, mais ce dernier n'a pas tenu compte des indications de Morsault : il lui a coupé les cheveux beaucoup trop courts et a notamment complètement rasé sa belle frange qui lui donnait un air si délicieusement eighties. Morsault en est tout perturbé et ne sait plus quelle attitude adopter, il en perd sa libido. Plus tard, alors que Morsault marche seul sur la plage, accablé par la chaleur et le soleil, il aperçoit son coiffeur, couché à l'ombre d'une source, qui à sa vue montre ses ciseaux et son peigne. Morsault sort alors de sa poche un revolver et, comme dans un mauvais rêve, il tire et tue le coiffeur. Dans la seconde moitié du roman, Morsault est en prison, puis est condamné à la guillotine. Il espère juste que cette fois-ci, la coupe sera de meilleure qualité.





L'eau pissée - Homerde

Cette grande fresque homerdique est ancrée profondément dans la mémoire de l'humanité. Elle conte les aventures d'Upysse qui, après avoir guerroyé contre les Troyens, cherche à revenir chez lui, en Ithaque. Hélas, Upysse réalise que le GPS n'a pas encore été inventé dans l'Antiquité et son voyage de retour prend un peu plus de temps que prévu. Ayant picolé pas mal de nectar chez la nymphe Calypso, Upysse est bientôt pris d'une violente envie de soulager sa vessie.

Malheureusement pour lui, les Dieux de l'Olympe semblent en avoir décidé autrement. Il passe chez Polyphème le cyclope pour lui demander s'il peut utiliser ses WC. Hélas, ceux-ci sont bouchés et Upysse, de dépit, crève l'oeil de son hôte imprévoyant.

Upysse arrive ensuite chez Éole, qui lui donne une outre dans laquelle il a enfermé tous les vents défavorables. Hélas, au moment où Upysse déboutonne sa braguette, ses compagnons ouvrent l'outre et déclenchent une tempête. Upysse doit renoncer à uriner, car il connaît le danger de le faire par vents contraires.

Arrivée dans l'ile de Circée, les compagnons d'Upysse, qui avaient eux-même une forte envie de miction, se soulagent sur la plage. Circée, furieuse de voir que l'on prend son île pour une porcherie, les transforme immédiatement en cochons. Voyant cela, Upysse se retient encore, bien que sa vessie soit terriblement douloureuse. Upysse réussit à les sauver avec l'aide d'Hermès qui lui donne un de ses célèbres sacs pour qu'il en fasse cadeau à Circée pour l'attendrir.

Repartis sur les flots, les Sirènes tentent de les envoûter par leur chant. Mais vessie enflammée n'ayant pas d'oreilles, ça ne fait ni chaud ni froid à Upysse qui ne rêve que d'une chose : trouver enfin des toilettes pour se délester des trois hectolitres d'urine qui compriment sa vessie.

Bref, après bien des péripéties, Upysse finit par accoster seul sur les côtes d'Ithaque. Il se précipite chez lui, hilare à l'idée de pouvoir enfin pisser après s'être retenu pendant vingt ans. Hélas, son logement - et ses propres toilettes ! - sont squattés par une flopée de prétendants qui veulent se taper sa femme Pénélope.

Sous le coup de l'émotion, Upysse en oublie de se contenir et un gigantesque jet d'urine sous haute pression jaillit de son entrejambe, karchérisant en un instant tous les prétendants.

Upysse a ainsi réalisé sa vengeance, soulagé sa vessie et rétabli son autorité. La paix peut de nouveau régner sur Ithaque.

jeudi 21 janvier 2010

AndiamoChez Nine

Octobre 1952, dans le petit cimetière qui surplombe un méandre de la Marne, la pluie fine et glacée tombe sur les visages tristes de la plupart des habitants de ce petit village de Seine-et-Marne, perdu au milieu des champs de betteraves, entre Meaux et la Ferté-sous-Jouarre.

Nine a regardé Sophie descendre dans le trou creusé.

- "Bien comme il faut", a déclaré Julien, le fossoyeur.

La dernière pelletée de terre lourde, jetée sur le petit cercueil blanc, la dernière rose blanche recouverte de mottes ruisselantes. Nine, que la pluie inonde maintenant, n’a même pas songé à ouvrir son parapluie.

Elle s’appuie sur le manche si fin qu’il se courbe sous le poids de la jeune femme. Aucune larme ne mouille ses yeux, seule la pluie ruisselle sur ses joues creusées, un léger tremblement agite sa lèvre inférieure.

Un peu à l’écart, le commissaire Dangard, flanqué de l’inspecteur Marcheuille, observe la scène.

C’est la procédure lors des obsèques de la victime d’un crime. Et ce crime-là a été particulièrement odieux.

La petite Sophie a été retrouvée dans le bois situé derrière le café "chez Nine", tenu par sa maman, après deux jours de recherches. Le corps grossièrement recouvert de feuilles et de branchages.

Après autopsie, les conclusions sont effroyables : Sophie violée, puis étouffée sans doute à l’aide d’un chiffon ou, plus vraisemblablement, contre la poitrine de son assassin. En témoignent les contusions relevées sur le visage de la fillette.

Dans ces années-là, on ne savait pas extraire l’A.D.N. La seule chose dont on était sûr, c’est que le groupe sanguin de l’assassin était : O+. Autrement dit, le plus courant des groupes sanguins !

Le curé a tout fait pour convaincre Nine de faire au moins bénir le corps de Sophie, alors elle s’est emportée comme jamais elle n’en se serait crûe capable :

- Ton bon Dieu, curé, tu sais où tu peux te le mettre ?

- Mais… Mais enfin, Janine, tu déraisonnes, la douleur t’emporte, on se connaît depuis l’école primaire, tu as toujours fait tout comme il faut.

- Ah oui ? Et Dieu, il a tout fait comme il faut ? Hein, curé ? Mon Pierre tué en 40, il n’aura même pas connu sa fille, les balles des boches lui ont fermé les yeux avant qu’il ne la voit ! L’an dernier ma Sophie elle avait fait tout comme il faut : une jolie première communion, comme elle était jolie… AVE, AVE, AVE MARIA… Elle a hurlé plus que chanté. Et Marie elle s’est vengée parce qu’on lui a tué son fils ?

- Arrête Janine, tu blasphèmes !

- Rien à foutre, Michel, casse-toi… Casse-toi !

La dernière phrase, Nine l’a hurlée, les rares buveurs sont partis, laissant sur le comptoir le prix de leur verre de rouge.

Nine est rentrée seule, elle n’a pas voulue qu’on la raccompagne. Seule avec ces griffes qui lui rongent le ventre, seule avec cette grosse boule dans le fond de la gorge, seule avec ces mains qui ne caresseront plus les longs cheveux bouclés, seule avec l’image d’un immonde entraînant Sophie à la sortie de l’école. Un familier sans doute, ont dit les policiers, venus de Meaux. La pauvre petite l’aura suivit sans se méfier.

Elle a tourné la clé dans la serrure du petit café gris, à l’enseigne écrite en lettres rouges, "CHEZ NINE", baissé le bec de cane et elle est entrée dans la salle aux rideaux à carreaux vichy. L’odeur du tabac froid flotte dans la pièce. Il fait un peu frisquet, ce matin, elle n’a pas allumé le Godin en fonte trônant au milieu de la grande salle. Elle a tiré une chaise au bois lustré à force d’accueillir les corps fatigués par les rudes journées aux champs.

Beaucoup de Polonais venus en France, le pays de l’égalité. Venus s’user les mains et se casser le dos à "démarier" les betteraves !

Et tout à coup, elle s’est effondrée, loin des regards, seule dans son horreur, seule dans ce deuil qui ne finira jamais.

Elle est là, le dos agité de soubresauts, quand elle entend la porte s’ouvrir.

- C’est FERMÉ ! hurle-t-elle.

Je suis le commissaire, Madame, mon adjoint et moi sommes venus vous présenter nos condoléances. Vous savez, ça n’est pas une simple politesse, je suis… Nous sommes très sincèrement affectés par ce qui est arrivé. Les meurtres d’enfants, ça ne passera jamais, Madame, jamais.

- Asseyez-vous. Je vous sers quelque chose ? Je vous l’offre.

- Non merci.

Marcheuille allait l’ouvrir, un seul regard du commissaire… Et il admire ses pompes.

- Voilà, Madame Langlois, il y a une petite chose qui nous gêne : vous nous avez signalé que votre fillette portait un petit appareil dentaire destiné à contraindre les incisives à s’aligner avec les autres dents ?

- Oui commissaire….

- C’était un genre de petit appareil en fil d’inox ?

- Oui.

- Voyez-vous, ce qui me gêne, Madame Langlois, c’est qu’on ne l’a pas retrouvé. Cependant nous avons fouillé minutieusement l’endroit où on a retrouvé votre fillette.

A l’énoncé du mot fillette, Nine a éclaté en sanglots. Paternellement, Dangard a posé sa main sur l’épaule de la femme, la berçant calmement.

- Pleurez, Madame, ça soulage… un peu. Vous connaissez le nom et l’adresse du dentiste, Madame Langlois ?

- Oui, bien sûr, hoquète Nine : le Docteur Lannet à Meaux.

Marcheuille a noté, les deux hommes ont pris congé, tentant de réconforter la femme une dernière fois.

Le docteur Lannet a confirmé, il s’agissait bien d’un petit appareil en métal, un genre de fil d’inox, prenant appui sur les canines, et contraignant les incisives à s’aligner. On ne collait pas des plots à l’époque, un simple fil d’acier, revu régulièrement afin d’être resserré un peu plus à chaque visite.

Le café a ouvert de nouveau. Petit à petit, les clients sont revenus, un peu retenus au début par pudeur. Les semaines passant, on a moins "causé" de l’affaire.

Parfois appuyés contre le zinc, Georges et Maurice en reparlent volontiers, surtout après une ou deux chopines.

- Si je l’tenais c’t’ordure, lâche Maurice…

- Moi, j’y f’rais bouffer ses couilles à c’t’enculé ! renchérit Georges.

- Oh ! Pardon, Nine, ça m’a échappé, j’voulais pas êt’ grossier, x’cuse-moi !

- C’est rien, Georges, c’est rien, répond Nine dans un murmure.

Le premier Noël sans Sophie, le petit sapin dressé dans la salle à manger du premier, aucune guirlandes, aucune boules. Au pied du petit "Nordmann", une photo de la fillette, dans un cadre de bois tout simple, les yeux écarquillés, tirant la langue à sa photographe de mère.

Nine se souvient de cette journée : elles étaient parties toutes les deux pour quelques jours de vacances au Crotoy, sur la côte Picarde. Une petite chambre d’hôtel face à la mer, les petits bateaux qui le soir remontent la Somme à marée haute, avec à leur bord la pêche de la journée.

Parfois, elles achetaient aux marins des crevettes, qu’elles faisaient bouillir ensuite sur un petit réchaud "Butagaz" dans leur chambre à l’insu du patron ! Deux cornets de frites achetés sur le port, une baguette toute chaude, et une pêche en guise de dessert, elles s’ étaient beaucoup amusées de ces pique-niques improvisés.

La photo avait été prise le soir à la rentrée des bateaux.

- Tiens, regarde : je ressemble à Martine Carol, avait dit la fillette en écarquillant les yeux, tout en tirant la langue. Ce qui les avait fait rire toutes les deux.

Les semaines, et les mois qui s’étirent sans fin et, ce jour d’octobre, l’anniversaire de la mort de sa petite Sophie.

L’enquête pourtant méticuleuse menée par les policiers de Meaux n’a pas aboutie.

- Nous ne désespérons pas, Madame, a assuré le commissaire Dangard, nous le coincerons, je vous le promets.

Pour toute réponse, Nine a soupiré, une grosse larme a coulée sur sa joue. Dangard a fait rouler son chapeau dans ses mains, puis a bredouillé un au revoir.

Nine a disposé dans un vase un bouquet de roses blanches, bien en évidence sur le comptoir. Ces roses, elle veut les offrir à ses clients en souvenir de sa petite.

Les premiers clients reçoivent la fleur, avec un merci confus et gêné.

- Bien sûr qu’on a rien oublié, M’Dame Nine, une si jolie fillette vous pensez… Quel malheur !

Puis, le soir, Georges et Maurice font leur entrée. On les appelle Laurel et Hardy, car Georges est grand et plutôt sec, tandis que Maurice est bien grassouillet.

- Salut la compagnie !

- Deux chopines, la patronne ! commande Georges.

- Voilà, mais d’abord acceptez ceci en mémoire de Sophie.

Nine a tendu une rose blanche à chacun des hommes. Le sourire jovial qui illuminait encore leurs trognes vermillon a disparu, un voile de tristesse est passé dans leur regard.

Chacun a saisi une fleur, cherchant un endroit où l’accrocher, Maurice en forçant un peu a réussi à la ficher dans la boutonnière de sa grosse veste en velours côtelé.

Georges lui porte une canadienne, point de boutonnière, mais dans le haut de cette canadienne une petite poche, Georges y glisse la fleur… Et pousse un cri, il ressort vivement la main, un curieux appareil en fil de fer est planté dans son pouce.

- C’est quoi c’machin ? gueule-t-il en le retirant de l’extrémité de son pouce, d’où une goutte de sang commence à perler.

- Ce machin, articule lentement Nine, dont le visage est devenu soudain tout pâle. Ce machin, Georges, c’est l’appareil dentaire de Sophie.



(ch'tiot crobard Andiamo )

lundi 18 janvier 2010

Saoul-FifreLes vieux papillons

Je n'ai pas eu d'Alphonse Bonnafé parmi mes profs. Bonnafé, prof de Français de Brassens au Lycée Paul Valéry de Sète, le poussa, l'encouragea à écrire, à monter à Paris. Il lui conseilla la rigueur - il fut écouté ! - et l'étude des poètes.

Mes rapports avec mes profs de français ou de philo furent neutres. Mes notes étaient correctes mais je ne supportais pas que l'on cherche ainsi des poux dans la tête des grands auteurs, qu'on leur décortique le processus de création au risque d'en déflorer la magie.

Je tenais à conserver ma relation d'admiration pure, pétrie du plaisir de la lecture, de la découverte ébahie des grands poètes, être en contact direct avec leur génie, sans passer par l'analyse académique.

Les auteurs qu'on me forçait d'apprendre, je les regardais avec suspicion. J'ai ainsi repoussé de plusieurs années ma découverte de Boris Vian car "il était au programme". Une fois dépassé ce blocage, je me suis avalé goulument et avec délectation son intégrale.

J'ai fait par contre de nombreuses découvertes grâce à Brassens. René Fallet, bien sûr, dont j'ai tout lu, jusqu'à la dernière note de bas de page. Et puis tous les poètes que Brassens a mis en musique, manière de nous dire : "Vous dites que mes petites chansons vous plaisent, mais écoutez-moi ça si c'est pas du lourd ?".

Et en vrai modeste, pour que l'hommage rendu soit imparable, il réservait ses plus belles mélodies à ses "invités". Ses mises en musiques de poèmes font partie des chansons de lui que je préfère : les petits bijoux de Paul Fort (La marine , Comme hier, Le petit cheval , Si le bon dieu l'avait voulu...), Victor Hugo (La légende de la nonne...), Lamartine (Pensée des morts), Villon (La ballade des dames du temps jadis), Antoine Pol et son sidérant Les passantes (j'ai mis la belle version de Cabrel, comme le pauvre Francis a été étrillé ici même pour son malencontreux "gare au gorille, gare"), si sensible, si prenant, et puis ... et puis ...

... Jean Richepin, avec ses "Philistins" qui m'ont fait jubiler, et, vers la fin, un peu comme une guigne sur un Forêt Noire, je crois que c'est dans le 12ième album, son incomparable Oiseaux de passage, plaidoyer enthousiaste pour l'anarchisme contre la bourgeoisie, pour la liberté contre la servitude, métaphore revigorante des sauvages planant au dessus des contingences quotidiennes et banales dans lesquelles se vautrent les "domestiques".

Appâté par un si bel extrait, j'ai acheté sa "Chanson des gueux", à Richepin, un chouette recueil qui nous chante les gueux de Paris itou les gueux des champs.

Et j'ai la faiblesse, moi nul en musique, de vouloir imiter le Maître et si un texte me plait, d'y plaquer dessus une poignée de notes de musique. Il faut absolument que je me corrige. Cette histoire de "vieux" papillons m'a fait sourire car leur vie est bien brève, seulement quelques heures, c'est pas bien de se moquer des papillons.

Allez, une chanson de plus pour la Calunette, de la part de son inconséquent parrain.

Poème de Jean Richepin

Musique de Saoulfifre

Un mois s'ensauve, un autre arrive.
Le temps court comme un lévrier.
Déjà le roux genévrier
A grisé la première grive.
Bon soleil, laissez-vous prier,
Faites l'aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.

La poudre d'or qui nous décore
N'a pas perdu toutes couleurs,
Et malgré l'averse et ses pleurs
Nous aimerions à faire encore
Un petit tour parmi les fleurs.
Faites l'aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.

Qu'un bout de soleil aiguillonne
Et chauffe notre corps tremblant,
On verra le papillon blanc
Baiser sa blanche papillonne,
Papillonner papillolant.
Faites l'aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.

Mais, hélas ! les vents ironiques
Emportent notre aile en lambeaux.
Ah ! du moins, loin des escarbots,
Ô violettes véroniques,
Servez à nos coeurs de tombeaux.
Faites l'aumône !
Gardez-nous des vers, des grillons.
Faites l'aumône
A deux pauvres vieux papillons.

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