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jeudi 11 juillet 2013

Tant-BourrinChat - rat - deux (9)

Voilà enfin l'été et son doux soleil, l'époque où l'on a envie de laisser sa couenne frire doucement sous les dards puissant de l'astre rayonnant après avoir laissé ses neurones dans la boîte à gants de la bagnole. Bref, l'avachissement règne en maître.

Heureusement, Blogbo est là pour sortir tous nos bœufs lecteurs de cette torpeur cérébro-délétère : voici une petite salve de charades à la maure-moelleux-neuneu, ces charades tellement capillotractées que le cuir chevelu n'y résiste pas, ces charades qui ont tant fait pour la renommée de ce blog. Car, je le précise, il s'agit de création originale, pas d'un vulgaire copier/coller d'emballage de Carambars.

Avant de donner le top du départ, je rappelle que les à-peu-près infâmes ne sont pas pour me faire peur, j'en veux pour preuve les salves précédentes, consultables , , , , , , et itou. Ceci étant, je crains de m'être tellement surpassé ce coup-ci que la plupart de mes charades soient limites introuvables ! Mais à vous de prouver qu'impossible n'est pas Blogbo ! :~)

Le thème de cette série est le cinéma et, plus précisément, les chefs-d’œuvre du cinéma.

Dernier point : inutile de pourrir ma boîte mail, vous pouvez poster directement vos propositions de réponses dans les commentaires et vous entraider en cas de difficulté (hautement probable). Je fournirai la solution des charades non résolue à une date non fixée, selon mon bon vouloir.

Voilà, maintenant, Mesdames et Messieurs Cinéma, c'est à vous ! :~)

A vos marques ! Prêts ? Partez !



Charade n°1

Mon premier est ce que l'on dit en constatant que Monsieur Paul, professeur de métier, donne généralement des notes assez mauvaises, mais sans que celles-ci soient carrément catastrophiques
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°2

Mon premier est ce que l'on dit rageusement au fruit de la fenaison pour l'exhorter à rire des blagues qu'on lui raconte
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°3

Mon premier est ce que l'on disait pour signifier que l'on avait reconnu un célèbre organiste dans la description d'un homme moche, alcoolique, paisible et vivant en couple
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°4

Mon premier est ce que dit un méridional qui a un cheveu sur la langue pour inviter des ouvriers à rendre un peu plus convexe l'enseigne de son magasin qui représente un célèbre canard de bande dessinée
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°5

Mon premier est ce que l'on dit pour signifier que l'on est peu attiré par les jeux sexuels à base de barres chocolatées achetées dans les Bouches-du-Rhône, et ce pour cause de rugosité anale
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°6

Mon premier est une équipe de footballeurs composée de reptiles sauriens insectivores originaires du Sud-Est du Nigeria, déjà victorieux de deux championnat et de trois coupes
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°7

Mon premier est ce que l'on dit pour promettre un coup de main de la part d'un Prince britannique, et ce malgré le coup de colère d'une tante dans un chef-lieu de canton du Calvados
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°8

Mon premier désigne une face d'un dé à jouer que l'on désigne
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°9

Mon premier est ce que l'on s'exclame pour laisser entendre que la perspective d'un jeu sexuel consistant à se la tremper dans l'eau et à l'enduire de plumes n'est pas sans provoquer quelque état d'âme
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art



Charade n°10

Mon premier est un assemblage de barreaux dont on a bêtement hérité
Mon tout est un chef-d’œuvre du septième art

samedi 6 juillet 2013

AndiamoLe plongeon de Chauguise

Août à Paris, c’est comme qui dirait dans ces années cinquante le Ténéré sans les connards à moto, en bagnole ou en camion du Paris-Dakar ! Le calme… Même les rares feux rouges sont au clignotant, en mode « pause ».

Comme à son habitude, Chauguise est descendu à la station Châtelet et c’est à pied qu’il continue son chemin jusqu’au 36. Au passage, il a acheté « Le Parisien libéré » à son crieur de journaux habituel, au coin du quai de la Mégisserie et de la rue Saint Denis. La tour pointue de la Conciergerie se dresse, silhouette inquiétante et noire*, sous le ciel plombé de la capitale.

Il est neuf heures et la chaleur est écrasante, l'orage n'est pas loin. Il traverse s’apprêtant à traverser le Pont au Change, quand il voit une femme enjamber le parapet et se précipiter dans la Seine…

Son instinct le fait foncer. Dans sa précipitation, il laisse choir son journal, ôte sa veste tout en courant, arrive près de l’endroit où il a vu sauter la femme. A son tour, il enjambe le parapet et saute là où il a vu émerger une tête aux cheveux noirs collés sur le visage. Il arrive non loin de la femme, quelques brasses, et sans ménagement il la tire par les cheveux et la ramène contre lui. Il souffle comme un bœuf, les « Boyards » papier maïs remontent de ses éponges en feu, il s’est mis sur le dos tout en maintenant la tête de la jeune femme hors de l’eau. Des badauds se sont attroupés tant sur le quai que sur le pont, tandis qu’il voit arriver la vedette de la fluviale…

Quelques instants plus tard, on l’a hissé à bord ainsi que la jeune femme, qui est hors de danger.

L’un des marins d’eau douce à bord l’a reconnu, autrefois il était « planton » au 36.

- Ça va, Commissaire ? Tout est bien ?

- Ouais, fait chier, j’ai paumé mon bada dans l’histoire !

Putain, son bada fétiche ! Celui qui avait été troué par une bastos de 9 millimètres qui lui était passée à ras du bocal, lors d’un braquage qui avait mal tourné. C’était « Lulu l’enfouraillé » qui avait voulu le plomber, ce demi-sel n’avait pas eu le temps de raconter son exploit : Chauguise, alors jeune inspecteur, lui avait fait un troisième œil, juste au milieu du front, façon Bouddah !

- Et mon canard, paumé lui aussi ! Putain, Paul Droguet, « le fusilleur » de Vincennes, y faisait la une ! C’est Charles Bouzin, mon pote le commissaire de Vincennes, qui l’a serré.


Couverture d’une revue de l’époque



- AAAAtchoum ! J’vais m’enrhumer, nom de Dieu ! Reconduisez-moi à ma turne, rue du Mont Cenis, je vais me changer.

Julien a appris la nouvelle par la fluviale. La 15 attend garée quai de la Mégisserie et c’est à toute vitesse que le commissaire est conduit chez lui.

- Monte Dugland, Juju est là aujourd’hui !

- Merci patron !

- MMMMH ….

- Qu’est-ce qui t’arrive, mon pauvre Papa ? s’exclame Juliette en voyant arriver son père ruisselant, dégoulinant, une pauvre berlue sur l’alpague…

- Ça s’voit pas ? J’viens de m’baquer pardi ! Tu verras ma Juju, un de ces quatre ils feront une plage à Pantruche , j’te l’dis tu verras !

Chauguise disparaît dans la salle de bains, nous deux tourtereaux en profitent pour se faire un ramonage en règle des amygdales et de la luette.

- Hé les tourtereaux, c’est pas fini la séance d’échange de microbes ?

- Si patron, excusez-moi !

- Hummmm, bon Dugl… Julien tu m’emmènes illico à l’hôtel Dieu**, là où on a hospitalisé la jeune femme, je voudrais bien savoir ce qui l’a poussé à vouloir faire le grand saut.

Arrivés au carrefour du Boulevard de la Chapelle et du Boulevard Magenta, dans le plus bel arrondissement de Paris, le Xème (là où je suis né forcément), juste à l’angle : le cinéma LOUXOR, (je ne sais pas s’il existe encore) et à l’affiche l’excellent film en noir et blanc d’Yves Allégret "Les orgueilleux". Avec, excusez-moi du peu : Michèle Morgan et Gérard Philippe !


Sympa, tonton Andiamo vous a dégotté l’affiche !



- J’emmènerai Juliette le voir s’exclame Julien en passant devant le cinoche.

- En attendant, tâche de voir la route Dugland, understand ?

Un « à droite » Boulevard de Strasbourg (à double sens à l’époque). Dix minutes plus tard (les veinards), ils ont garé la pompe devant l’Hôtel Dieu sur l’île de la Cité. Un lardu en kébourre s’approche :

- Faut pas s’garer là, z’avez pas vu l’panneau ?

Chauguise sort son sésame

- Et c’panneau-là, tu l'as vu ?

- Oh pardon, Commissaire ! suivi d’un salut dans les règles de l’art.

A la réception, on leur a indiqué le « dortoir » où était couchée la femme. Une grande salle haute de plafond, des grandes fenêtres à petits carreaux, et une vingtaine de lits à barreaux blancs alignés de part et d’autre. Au centre, des tables roulantes portant le nécessaire aux soins à prodiguer. On est loin des piaules individuelles ou à deux lits d’aujourd’hui !

La jolie brune paraît toute menue au milieu de cette grande salle, deux grands yeux verts lui dévorent le visage, elle a vingt-cinq ans environ.

- Bonjour Mademoiselle

- Madame.

- Pardon. Je suis le commissaire Chauguise, voici Dugl… l’inspecteur Crafougnard mon adjoint. C’est moi qui vous ai tiré de l’eau tout à l’heure, vous savez la Seine ça n’est pas le fleuve idéal pour barboter !

Une larme coule sur la joue de la jeune femme.

- Excusez-moi, Commissaire, je ne voulais pas ça ! Je m’appelle Vanessa Dupuis, épouse Barghaoui.

- Allons Vanessa, pouvez-vous me dire ce qui vous a poussée à vouloir en finir, une si jolie jeune femme, déjà désespérée ?

- C’est à cause de Myriam, ma petite fille.. Mon mari veut me l’enlever, l’emmener chez lui au Boukistan, son pays d’origine. Elle a tout juste cinq ans, et il l’a promise en mariage à un cousin éloigné. Alors jusqu’au moment des noces, « ils » vont veiller sur elle, afin qu’elle garde sa virginité… C’est la coutume chez eux ! Je suis désespérée, Commissaire, c’est pour ça que j’ai voulu en finir !

- Tu parles d’une bande de goyos ! Ils sont déjà partis ?

- Il est quelle heure, Commissaire ?

- Quinze heures trente, Madame.

- Leur avion décolle à seize heures trente du Bourget, c’est un vol U.A.T (à l’époque c’est le nom que portait l’ U.T.A).

- On y go, Dugland, embraye et vite fait… Fissa, on a juste le temps ! Auparavant, vite fait au 36, j’ai un truc à prendre…

Demi-tour sur les chapeaux de roues. Boulevard du Palais, le Pont au Change. Rétrospectivement, Chauguise frissonne se souvenant de son bain réfrigérant ! La place du Châtelet, le Boulevard Sébastopol, la rue du Faubourg Saint Martin jusqu’ à Stalingrad (le tube hein, pas en Russie, bande de nazes). Puis c’est l’Avenue de Flandre, la Porte de la Villette (les abattoirs, abattus aujourd’hui, chacun son tour !) et enfin la nationale deux jusqu’à l’aéroport du Bourget, là où avait atterrit Charles Lindberg !

Julien a garé la chignole juste devant la lourde, un planton s’approche prêt à ramener sa fraise, Julien lui exhibe sa brème et lui tend les caroubles de la traction :

- Tiens, gare-là et fissa !

Puis se tournant vers Chauguise :

- Ça fait drôle de vous voir sans votre chapeau patron, c’est un peu….

- Comme Laurel sans Hardi ou Jacob sans Delafon, hein, Dugland ?

- J’voulais pas dire ça…

- Alors dis rien !

A grandes enjambées, ils traversent le hall tout en longueur de l’aéroport en service à l’époque. Le long du mur un planisphère avec des horloges disposées sur différentes longitudes indiquant l’heure locale ***.

A l’embarquement, Chauguise exhibe sa carte sous le pif du planton.

- Le vol pour le Boukistan ?

- Là, juste en face, dépêchez-vous, ils « embarquent». Par les nombreuses baies vitrées, notre duo infernal aperçoit un "Lockeed Constellation super G", aux armes du Boukistan : un énorme cylindre horizontal, avec à une extrémité deux superbes ballons de foot (car ne l'oublions pas à l'époque le Boukistan soutenait déjà le P.S.G) et l'autre extrémité du cylindre est peinte en rouge vermillon du plus bel effet !

Chauguise et Julien ont bondi, un grand type tenant une fillette, une jolie brunette par la main avance tranquillement. Chauguise l’alpague gentiment par le col de son blouson et lui murmure à l’oreille :

- Eh Barghaoui ! Tu ne fais pas de schkroum devant ta gamine Ducon, ou j’te fume, verstehen ?

Pendant ce temps Julien a gentiment écarté la petite Myriam au prétexte : ta Maman veut te voir avant que tu partes. La fillette un large sourire sur son joli minois, a suivi Julien sans protester.

Chauguise a obligé l’homme à faire demi-tour puis, devant le planton interloqué, a commencé à fouiller les poches du Boukistanais.

- Tiens, tiens, s’étonne Chauguise en exhibant un petit sac en toile, il l’ouvre et en vide le contenu sur une table basse. Quelques diamants étincellent sous les néons.

- Mais on dirait bien les diams volés après le « casse » de la bijouterie « Grodiams » de la rue Chambon !

- Mais … Mais c’est pas à moi, ces pierres, j’vous jure ! balbutie le Boukistanais.

- Jure pas, tu blasphèmes, Ducon !

Les flics sont venus cueillir l’homme à l’aéroport malgré ses protestations, quelques tartines dissuasives l’ont vite calmé. Avec les pièces à conviction retrouvées sur lui, un séjour d’une vingtaine d’années à la santé, histoire de lui retirer toute envie d’emmener sa fille goûter aux coutumes de son pays.

Le lendemain Chauguise arrive dans son « casino » (c’est ainsi qu’il nomme son bureau), et là, bien en évidence, un énorme carton enrubanné. Il l’ouvre et dedans son vieux bada troué, un petit mot épinglé : « ça s’arrose patron »….

Par la porte restée entrebâillée, toute l’équipe entend : « demain à midi, tous dans mon casino, VERSTEHEN » ?



*Avant que André Malraux, le ministre de la culture sous Grand Charles 1er, n'ait eu l'idée de faire "nettoyer" Paris, tous les immeubles et monuments étaient noirs comme de l'anthracite ! Pollution due aux poêles à charbon notamment.

**L'hôtel Dieu, est un hôpital implanté sur l'île de la Cité.

*** J'ai travaillé à l'aéroport du Bourget pour une petite boîte qui révisait les moteurs d'avions, le midi nous allions manger à la cantine d'Air France... Vue panoramique sur les pistes ! Les détails sont authentiques.

lundi 1 juillet 2013

Tant-BourrinUn temps pourri

Le voyage dans le temps a été découvert en 1967.

Vos yeux s'écarquillent, je le vois, et vous imaginez déjà que je vous raconte une histoire à dormir debout, sortie tout droit des tréfonds de mon imagination.

Et pourtant, c'est la stricte vérité : la première machine à voyager dans le temps a été mise au point en juin 1967 par le Professeur Andrius Laikinumas, un physicien d'origine lituanienne, établi à Genève après avoir fui son pays et réussi à franchir le rideau de fer, recruté par le CERN au sein duquel il menait des recherches fondamentales sur l'antimatière, visant à améliorer les techniques de production et de stockage des noyaux d'antideutérium.

Ce ne sont toutefois pas ces travaux-là qui allaient directement le mener à son extraordinaire invention, mais plutôt ceux auxquels, en parallèle, il consacrait tous ses week-ends et ses congés. Car Andrius Laikinumas avait une marotte : il était fasciné par les trous de ver, ces concepts mathématiques basés sur une géométrie spatio-temporelle dynamique. Depuis les premières publications de John Wheeler en 1956 et les travaux de Stephen Hawking et Richard Coleman quelques années plus tard, l'idée que l'espace-temps pouvait être soumis à un effet tunnel excitait Andrius Laikinumas au plus haut point. Les trous de ver de Lorentz, franchissables dans les deux sens (contrairement à ceux de de Schwarzschild - infranchissables - ou ceux de Reissner-Nordstrøm - à sens unique), enflammaient tout particulièrement son imaginaire.

Le grand Einstein lui-même pensait que des connexions spacio-temporelles pouvaient créer des ponts entre différents endroits de l'univers, y compris en cheminant dans la dimension du temps, mais il estimait que de telles connexions ne pouvaient être maintenue bien longtemps du fait de l'instabilité des fluctuations quantiques : seule de la matière exotique, comme de l'antimatière, serait théoriquement à même de maintenir un trou de ver de Lorentz ouvert. Mais voilà, le problème de la production et du stockage de l'antimatière n'était pas résolu, Andrius Laikinumas était bien placé pour le savoir.

Alors, dès qu'il regagnait son pavillon après sa journée de travail, ce n'était que pour se replonger dans des recherches et des expérimentations à titre purement personnel. Il engloutissait un sandwich avant de s'enfermer dans une pièce aménagée en laboratoire. Andrius Laikinumas, inutile de le préciser, était un célibataire endurci que la bagatelle n'intéressait nullement. Son seul rêve : faire du temps une dimension similaire aux autres, que l'on peut parcourir en tout sens.

Nul ne sait comment il accomplit ce miracle. Il semblerait qu'il travaillait alors sur des processus membranaires catalysés par un alliage de bore, de silicium et de néodyme, mais on doit hélas en rester au stade des supputations. Toujours est-il qu'ayant résolu le problème de la production d'antimatière, celui de la création et du maintien en position ouverte de trous de ver temporels ne le mobilisa que quelques mois, tant il avait déjà tourné et retourné la question dans sa tête.

Vint ainsi bientôt le moment où il fallait tester concrètement son invention. Seulement voilà : Andrius Laikinumas craignait une chose par dessus tout, c'était le paradoxe temporel. Que se passerait-il si, allant dans le passé, ses actes l'altéraient et modifiaient par là-même le présent ? Vous avez tous lu ces histoires de science-fiction, où un voyageur temporel imprudent va, par exemple, tuer accidentellement son père et se condamner à disparaître. Eh bien là, il ne s'agissait plus de fiction : toute imprudence de sa part pouvait lui être vraiment funeste !

Bien sûr, il aurait pu commencer par envoyer une souris de laboratoire dans le passé, mais allez donc dicter sa conduite à un rongeur ! Inutile d'espérer qu'elle réemprunte le trou de ver pour regagner le présent ! Qui sait si ses faits et gestes dans le passé ne seraient pas de nature à bouleverser le monde actuel ?

Une autre solution aurait consister à se projeter dans l'avenir, mais cela terrifiait Andrius Laikinumas plus encore : quelle assurance pouvait-il avoir de ne pas se matérialiser dans un objet qui se trouverait là dans le futur, une cloison, un meuble... ou lui-même ? Sa structure moléculaire n'y résisterait pas ! Non, mieux valait viser le passé, et encore ! Ne pas aller au-delà d'un passé assez récent et bien connu de lui, afin d'éviter toute mauvaise surprise.

Le premier voyage temporel de toute l'histoire de l'humanité eut lieu le 22 juin 1967. Le professeur Andrius Laikinumas fit un saut de soixante heures dans le passé. Ce choix avait été dicté par la prudence : il se projetait à une heure de la journée durant laquelle il travaillait au CERN. Ainsi, son moi présent ne risquait pas croiser son moi passé, ce qui limitait les risques d’altération temporelle.

Le cœur battant, il fit son premier "saut".

Rien ne fut moins spectaculaire que cette grande première : son laboratoire personnel était toujours là, seuls quelques objets avait changé de place. La transformation la plus frappante était la luminosité : il était parti à 22 heures passées, il arrivait, un instant plus tard, à 10 heures du matin.

D'instinct, il s'efforça de respirer le plus faiblement possible : il lui semblait qu'en brûlant de l'oxygène du passé, il allait provoquer, au travers d'une chaîne de causalités incontrôlable, un cataclysme temporel. Mais rien ne semblait se produire : il était toujours là, son corps ne disparaissait pas, gommé par quelque paradoxe temporel. Il alla, avec prudence, consulter l'éphéméride près de l'entrée. Il indiquait la date du 19 juin.

Il avait réussi. Il était le premier voyageur temporel de l'histoire de l'humanité !

Andrius Laikinumas regagna vite le 22 juin sans trop traîner. Rien n'avait changé dans le présent qu'il avait brièvement quitté. Ses craintes s'étiolèrent quelque peu : le temps avait donc un certaine plasticité ! Les petites modifications du passé qu'impliquait le voyage temporel ne semblaient pas avoir de répercussion sur le présent ! Bien sûr, il fallait que celles-ci demeurent infimes : la prudence restait de mise !

Le professeur refit ainsi deux courts sauts dans le passé pour s'assurer de la robustesse de ses premières conclusions, puis décida de faire une excursion dans un passé plus ancien. Oh, il ne s'agissait pas d'aller se promener dans la Préhistoire ou au Moyen-Age, non : juste de remonter de quelques semaines en arrière, car Andrius Laikinumas ne se départait pas de son extrême prudence.

Il décida de revenir au 18 février 1967, un peu plus de quatre mois en arrière. Pourquoi cette date précisément ? Pour une raison fort simple : une collision entre deux véhicules avait eu lieu ce jour-là quasiment sous les fenêtres du pavillon, qui se trouvait à l'intersection de deux rues. Le professeur travaillait au CERN à cette date et il n'avait appris la chose que dans la soirée. L'occasion était donc belle de vérifier à la fois le bon fonctionnement de son appareil sur de plus longues portées et la relative plasticité du temps sur des chaînes temporelles de causalités plus longues.

Le saut fut parfait : en arrivant, il alla vérifier l'éphéméride, celui-ci indiquait bien la date du 18 février. Quatorze heures allaient bientôt sonner à l'horloge de son laboratoire : l'heure vers laquelle avait eu lieu l'accident. Il alla faire le guet à la fenêtre.

L'attente ne dura d'un quart d'heure : il vit soudain un voiture, une Panhard, rouler à vive allure en direction du lac, alors qu'une Aronde surgissait de la rue perpendiculaire. Un énorme fracas, et le silence de nouveau, bientôt entrecoupé de cris. De la fumée s'élevait des capots entremêlés. Un des conducteurs avait été blessé, il le savait déjà. Ce qu'il voyait était en tout point semblable au récit qu'en avait fait la gazette locale.

Il quitta son poste d'observation, ravi de la réussite de cette nouvelle expérience. Il allait pouvoir commencer à écrire une publication scientifique qui lui vaudrait à coup sûr le prix Nobel et la postérité.

Son estomac gargouilla. Dans l'excitation des préparatifs, il n'avait pas songé à s'alimenter depuis une douzaine d'heures. Bah, il mangerait dès son retour ! Mais il se rappela qu'il avait omis de s'approvisionner, détaché des contingences matérielles qu'il était, et que les magasins seraient tous clos à son retour dans le présent.

Un souvenir lui traversa l'esprit, comme un flash. La tranche de jambon ! Oui, c'était bien le soir où il avait appris l'accident de la bouche du voisin, quatre mois auparavant, qu'il avait eu la surprise, au moment du repas (si l'on pouvait appeler repas un sandwich avalé dans la laboratoire), de ne pas retrouver dans son réfrigérateur la tranche de jambon qu'il était convaincu de posséder encore. Il se souvenait même qu'il avait dû se contenter de quelques biscottes en guise de souper !

Il alla, le cœur battant, ouvrir le réfrigérateur. Il contenait bien une tranche de jambon.

Son esprit se mis à tourner très vite. Serait-ce donc lui - enfin, disons le lui du présent - qui lui avait dérobé cette tranche quatre mois plus tôt ? Il était donc écrit qu'il viendrait du futur se dépouiller d'un peu de nourriture ?

Après une longue réflexion, il conclut qu'il valait mieux prendre la tranche de jambon : s'il ne la prenait pas, il provoquerait une altération du passé plus importante que toutes celles, infimes, qu'il avait pu générer jusqu'à présent. Mais il se sentait saisi d'un vertige métaphysique : il ne prenait cette tranche que parce qu'il se souvenait parfaitement de sa disparition et qu'il fallait donc qu'elle se volatilise pour ne pas altérer le passé ; autant dire qu'une boucle temporelle s'était formée dont on ne pouvait démêler l’écheveau et dire où se situait le commencement.

Il engloutit la tranche de jambon avec un morceau de pain en se disant que les paradoxes temporels avaient quand même leur vertu : il se sentait nettement mieux avec l'estomac rempli ! Et puis, cette tranche de jambon disparue ne l'avait pas perturbé plus que ça, quatre mois plus tôt. Et comme il était écrit qu'elle devait absolument disparaître pour que son présent demeure parfaitement inchangé, alors...

Il emprunta le trou de ver en sens inverse, pour revenir dans le présent..

Dès son retour, Andrius Laikinumas se sentit mal. Son front se perla de sueur, il se mit à trembler de tout son être. Il se mit peu à peu à flageoler, avant de s'effondrer sur le sol, incrédule. Non, ce n'était pas possible ! Pas aussi bêtement !

On ne découvrit son cadavre que trois jours plus tard, lorsque ses collègues du CERN s'étonnèrent de son absence.

Andrius Laikinumas n'avait oublié qu'une chose : la tranche de jambon n'était pas originaire du même référentiel temporel que l'origine du trou de ver. En lui faisant emprunter, à l'intérieur de l'estomac, le tunnel vers le présent, elle avait été soumise à un vieillissement accéléré de quatre mois, sécrétant une quantité invraisemblables de neurotoxines botuliques dans l'organisme du professeur. Un bout de viande avariée avait enrayé la marche triomphale de la science.

Comme Andrius Laikinumas n'avait pas de famille, son pavillon fut récupéré par l’État, et sa machine finit à la ferraille, car personne n'avait imaginé que cet assemblage hétéroclite puisse être une formidable invention.

Voilà. Maintenant, vous savez vous aussi que le voyage dans le temps a été découvert en 1967.

Mais vous savez également aussi que le voyage dans le temps a été perdu en 1967. Et seule une machine à voyager dans le temps permettrait d'aller questionner Andrius Laikinumas avant sa mort, pour en retrouver les principes.

mardi 25 juin 2013

Tant-BourrinMes disques de légende [3] : Pearls before swine - "The use of ashes"

1970. Un album d'allure bien austère arrive dans les bacs des disquaires (métier ancien, aujourd'hui disparu). Une pochette violette, avec au milieu un reproduction d'une tapisserie du XVème siècle : "La chasse à la Licorne". En haut, en lettre blanche : "Pearls before swine". Au-dessus de l'image, en lettres noires : "The use of ashes". Difficile de faire moins vendeur.

Et pourtant...


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jeudi 20 juin 2013

AndiamoEt pour vous une tite côte ?

Non, il ne s’agit pas d’une côte du Rhône, quoique au casse-croûte, le matin, avec un jambonneau…

Non, ce matin, je vous emmène en Picardie, à Mers-les bains, sur la côte d'Albâtre. Une jolie petite ville typique à la frontière de la Normandie : la Bresles, petit fleuve côtier, sert de « frontière ».

Cette charmante ville possède l’architecture typique des villas de la fin du XIXème, début XXème siècle. Elles servaient de résidences secondaires aux riches bourgeois parisiens en mal d’iode et de bains de mer forts à la mode à cette époque.

Les trains de plaisir ainsi nommés, car ils emportaient ces riches bourgeois vers leurs chères « villégiatures » - c’est ainsi qu’on les nommait - venaient tout juste de voir le jour.

La gare du Tréport les accueillait et, de là, un fiacre les conduisait jusque devant leur chère propriété.

Construites en style Picard-Normand, elles avaient fière allure. Dans les années soixante, elles étaient devenues minables , façades lépreuses, colombages aux peintures écaillées, alors la région a décidé de les remettre en valeur !

Tons pastel, mélange subtil des teintes, harmonie des nuances, cette « promenade » est devenue une splendeur, et je n’exagère pas.

Allez, suivez onc’ Andiamo, il vous emmène le long de cette plage… Vous avez vu ? On y pratique le surf ! Ce jour-là, les rouleaux étaient modestes, mais il est des jours où ils sont bien plus importants ! Et tout au bout, Mesdames (et vous aussi Messieurs), la récompense : un bar-restaurant monté chaque année sur la plage et démonté fin septembre, car ici les tempêtes de l’hiver ne lui laisseraient aucune chance. Il vous accueillera, on y sert des glaces… HUMMM !








(et là au fond le bar-restaurant aux gelati golosi)



(Daguerréotypes Andiamo)

vendredi 14 juin 2013

Tant-BourrinAnselme Lagravelle (1) : le gang des post-it

Connaissez-vous une situation plus jouissive que de voir un connard, la bouche en cul de poule, toquer timidement à la porte de votre burlingue pour vous implorer de venir à son secours ? Non ? Moi si : c’est voir Martin Crogouillon agir ainsi. Parce que là, avec le Crogouillon (dit « le contrepet ambulant »), ce n’est pas à un connard que j’ai affaire, c’est à un champion toute catégorie du neurone valétudinaire ! Le parfait trouduc (contrairement au prince Phillip qui, lui, est un true duc), un emmerdeur en chie majeur, un emplâtre (de Paris), un morbaque en complet-veston, un abruti de troisième (il n’a jamais pu passer en seconde, en encore moins en première) doté d’un encéphalogramme si plat qu’il ferait passer Jane Birkin pour Lolo Ferrari (paix à son mamelon !), un adipeux gluant qui, alors que la Grèce est en crise économique, passe son temps à économiser sa graisse. Bref, vous aurez compris que je ne le porte pas particulièrement dans mon cœur, ne serait-ce que parce que mon palpitant n’a rien d’une grue de manutention.

Or donc, voilà que mon charmant voisin de bureau, responsable du service achats et fournitures, la mine penaude et déconfite d’un canard, vient me souhaiter le bonjour, lui qui d’ordinaire m’ignore avec morgue. Vous me direz, avoir de la morgue quand on bosse chez Charnier & Co., leader mondial des pompes funèbres, c’est avoir l'esprit d'entreprise !

- Heu… Salut, Lagravelle ! Tu vas bien ?

STOP !

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lundi 10 juin 2013

celestineVroum Vroum

J’ai toujours pensé, comme Maurice*, que « les idées toutes faites étaient généralement des idées mal faites ». Aussi ai-je mis un point d’honneur, (qui est la version polie du doigt du même nom) pendant des années, à m’intéresser à des sujets que le sens commun réserve habituellement aux garçons, et ce depuis le premier cadeau trouvé au pied du sapin. Juste pour prouver que les filles aussi, ça en a sous le capot. Parmi eux, en bonne place, se trouvent le foot et les bagnoles.

La vie a fait fortuitement que je sois l’aînée d’une famille de quatre garçons (dans le vent) et que très tôt, il m’ait fallu partager leurs jeux si je ne voulais pas me retrouver toute seule dans ma chambre à enfiler des perles. Ma petite sœur-miracle est venue bien trop tard… J’étais déjà presque partie du nid.

Les parties de billes ou de ballon, dans le long couloir du F5 que louaient mes parents, m’ont laissé des souvenirs impérissables. Du coup, il me fut quasiment impossible d’intéresser mes frangins à mes premières poupées mannequin (on ne l’appelait pas encore par son prénom aux consonances homophoniques et germaniques de triste mémoire). Moman et moi étions en infériorité numérique.

Et puis, ce n’était pas l’époque, en plus… Il était clairement établi que la layette était rose bonbon sucé pour les filles et bleu fadasse pour les garçons. Dans cette joyeuse ambiance, mon père croyait me faire plaisir en m’achetant des voitures NOREV dont l’odeur de plastique est restée à tout jamais gravée dans ma mémoire olfactive. Et le premier jour où je suis arrivée à table maquillée et en robe, mon père s’est aperçu avec une surprise non feinte que j’étais une fille. Pis que ça, que je devenais une femme et que personne ne l’en avait informé dans cette baraque !

Il est d’ailleurs étonnant de constater une fois de plus la remarquable supériorité des filles sur les garçons. Personne, même encore de nos jours, ne trouve à redire au fait que les filles jouent aux petites voitures ou aux indiens. Personne ne se dit que ce n’est pas normal. Ma féminité n’a jamais souffert d’avoir monté des châteaux en Légo ou joué aux fléchettes. Mais qu’un garçon montre de manière un peu trop appuyée son goût pour la dînette ou les poupées, et aussitôt l’on s’inquiète de sa future identité sexuelle, et on envisage déjà une thérapie au CMPP** tout en imaginant avec dépit une vie entière de lazzi et de quolibets, et la fin du patronyme par un tarissement inéluctable de la descendance.

Le foot était une seconde religion à la maison. Ma pauvre mère aurait bien aimé suivre son feuilleton favori, mais par malheur, si un épisode tombait un soir de foot, c’en était fini du suspense. Il y aurait à tout jamais un trou noir dans le destin de la Dame de Montsoreau… car évidemment, il n’y avait que trois chaînes, nationales, un seul poste de TV pour sept, et pas d’internet, d’ordi, de tablette, de smartphone, de replay, de mp3, de mp4, de dvd, de streaming et de vidéo à la demande…

- Maman, tu vivais vraiment comme ça ?
- Eh oui, mon fils. C’était la préhistoire du numérique, à tel point que je me demande toujours avec inquiétude si mon dos ne se recouvre pas subrepticement d’écailles quand j’en parle…

C’était la grande époque des Verts, (qui c’est les champions évidemment c’est les Verts) qui a laissé une empreinte tenace dans ma mémoire, et je suis capable d’énumérer quasiment toute l’équipe, en commençant par Rocheteau et Bathenay, que je trouvais craquants, l’un avec ses bouclettes et l’autre avec sa petite gueule d’ange. Mon père nous emmenait dans le Chaudron, et nous revenions des soirées de match enhardis et joyeux. Et même pas bourrés. Et on pouvait encore se risquer à aller en famille voir un derby Saint-Etienne-Lyon, sans risquer de se retrouver aux urgences avec dix points de suture à l’arcade, ou la bagnole défoncée à la barre à mines. Parallèlement, les voitures nous permettaient de passer de bons moments de jeu sur le chemin du retour. On jouait « aux départements » (impossible de nos jours avec les nouvelles plaques) Et on jouait « aux marques ». Je connaissais les modèles par cœur, et je pouvais rivaliser avec mes frérots sur n’importe quelle marque. Les bagnoles avaient de la gueule, mieux que ça, elles avaient « une » gueule. La deuche, cultissime avatar d’une société libre et insouciante, parenthèse enchantée, baise et union libre à tous les étages, haschich, hippies et peace and love, à égalité avec le minibus Volkswagen orange à fleurs. Ah la la ! pffioouuu, j’aurais presque un début de petit semblant d’orgasme à cette pensée.

L’Ami 6 et sa tête d’ahurie, la DS au long museau de requin, L’aronde… la Simca 1000, le pou du ciel (la fiat 500), la Coccinelle…la traction avant (avant quoi, je me suis toujours posé la question !) J’en oublie, bien sûr !

Je ne me trompais jamais dans la série des « R ». Elles étaient toutes mythiques ! la R4 ou 4L (dans ma tête, je disais 4 ailes, déjà poète à mes heures) avec son levier de vitesse perpendiculaire au tableau de bord; la R 8, surtout la Gordini, bleue avec des bandes blanches et les roues légèrement penchées pour la tenue de route (J’ai d’ailleurs compris plus tard pourquoi mon père disait que le chien avait les pattes « gordini ») …Et la R 14 et sa forme en poire…

Mon père, lui, ne jurait que par Peugeot, il avait possédé successivement la 203, la 403, (celle de Columbo) la 404 et la 504…avec le zéro qui symbolisait soi-disant le trou de la manivelle… On installait aussi de temps en temps le circuit avec les manettes et les petites voitures qui avançaient dessus grâce à des patins de cuivre qui faisaient contact dans des gerbes d’étincelles. Les sorties de route étaient nombreuses, et les disputes fournies ! On revivait les 24 heures, et le couloir prenait alors toute sa dimension de ligne droite des Hunaudières…

Et puis je ne sais pas ce qui s’est passé. Je me suis laissé déborder, à l’époque des premières expériences de flirt où ce qui importait était surtout d’avoir assez de place dans les voitures pour s’embrasser sans être gênés aux entournures. La vie m’a embarquée, études, boulot, enfants… Profitant de mon inadvertance, le foot et les bagnoles sont partis dans tous les sens. Je suis donc obligée, moult années plus tard, d’avouer ma crassitude ignorantissime dans ces deux matières qui permettent pourtant tellement de briller en société !

Le foot est devenu la jungle que l’on sait : un immense lupanar du ballon rond dédié au dieu Argent. Une entreprise lucrative pour les annonceurs et les Princes du Qatar avides de se la faire briller à coups de pétro-dollars. L’idole du moment, Zlatan Trucmuchovitch, a la grâce singulière d’un videur de boîte décérébré. Même pas j’en voudrais après deux ans de disette.

Les bagnoles, elles, se ressemblent toutes, maintenant, les Renault se sont mises à porter des noms de filles, les Peugeot je ne sais plus du tout à quel numéro elles en sont, et puis l’invasion des japonaises, des allemandes, des slaves a multiplié les occurrences et la concurrence…les « petites gueules » ont été sacrifiées sur l’autel de la pénétration dans l’air et de la ligne épurée. Les 4x4, les hummer, les pick-up ressemblent à d’énormes signes extérieurs de puissance écrasant sur leur passage les petites berlines de monsieur tout le monde. Les breaks ont été supplantés par des monospaces monomaniaques faisant le pari de trimballer sans encombre 7 gosses, 14 valises et une table de ping-pong. Je suis incapable de distinguer une marque ou un modèle.

Non, il y a quand même une exception. Grâce à ma mémoire visuelle, je reconnais encore les symboles éternels, chevaux cabrés, ailes déployées, taureaux furieux, fauves bondissants, RR entrelacés, des voitures que même de prononcer leur nom déjà tu as mal au portefeuille…A croire que la constance soit réservée aux produits de luxe.

Bref, voilà où j’en suis. Je ne parviens plus, malgré tous mes efforts, à soutenir une conversation correcte sur ces deux sujets, au grand dam de mon unique collègue masculin pour lequel je tente, ponctuellement, de faire quelque effort, mais ça se résume souvent à : « Qui a gagné le match hier soir ? » Ce qui me donne droit à un résumé circonstancié que je ponctue de « Ah ! » et de « Oh » bigrement intéressés.

Ou bien « Alors, c’était comment, le Monte-Carlo au Burzet ? » A l’énoncé de cette simple question, son regard s’illumine, et le voilà parti à me raconter l’étape, comme si j’étais à même de saisir les finesses de la conduite sur neige ou sur gravier, et les difficultés techniques de la spéciale ardéchoise. Mais je n’ose lui dire que si par miracle je peux citer Sébastien Loeb, c’est qu’il porte le même nom qu’une chanteuse des années 80 qui se vautrait dans le coton. Ben quoi, on a les procédés mnémotechniques qu’on peut…



* Maurice Druon in "Tistou les pouces verts"
**Centre Médico-Psycho-Pédagogique


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