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vendredi 21 août 2009

Tant-BourrinComment Jean-Gunther Eunohar conquit le monde

Jean-Gunther Eunohar se regarda avec attention. Quelle petite mine il avait ! Il faut dire qu'il n'avait pas ménagé ses efforts depuis trois ans qu'il avait entrepris ses travaux de recherche. Il se caressa le menton en arborant un immense sourire de satisfaction, pendant que son reflet se grattait le bout du nez.

En fait, son reflet n'était pas vraiment un reflet, dans la mesure où aucun miroir ne se trouvait dans la pièce. Non, le reflet était tout simplement Jean-Gunther Eunohar lui-même. « Tout doublement » et « eux-mêmes » seraient d'ailleurs des expressions plus appropriées : il y avait bel et bien deux Jean-Gunther, en tout point identiques, dans le laboratoire.

Et si l'un et l'autre souriaient ainsi, c'est qu'ils avaient réussi leur expérience. Ou plutôt « il avait », puisque quelques instants plus tôt, il n'y avait qu'un seul Jean-Gunther Eunohar au monde.

Cette histoire est décidément difficile à conter. Sûrement sera-t-il plus aisé de reprendre le bout chronologique de la pelote.

Jean-Gunther Eunohar, depuis sa prime enfance, était un génie comme il n'y en a qu'un ou deux par génération, passionné de sciences physiques et de biologie, et qui rêvait de marquer l'histoire de l'humanité. Mais, hélas, son caractère profondément introverti, ses difficultés d'élocution et son désintérêt pour toute forme de vie sociale l'avaient toujours fait passer au mieux pour un marginal perdu dans ses rêves, au pire pour un semi-demeuré.

A la mort de sa mère, tout l'héritage lui avait servi à transformer le pavillon familial en un laboratoire de recherche dans lequel il passait le plus clair de ses journées et le plus sombre de ses nuits en prime, ne mettant le nez dehors que pour acheter de quoi se sustenter.

Mais, si les voisins jasaient sur son compte et le traitaient d'illuminé, lui avait une confiance sans faille dans la puissance absolue de ses facultés mentales et dans la réussite imminente de ses recherches sur l'ubiquité des organismes vivants. Oui, tel était l'objet de ses travaux : conférer à l'homme le don d'ubiquité !

Cette quête paraît insensée à tout un chacun, mais elle ne l'était pas aux yeux de Jean-Gunther : il était convaincu de sa faisabilité. Il avait ainsi orienté ses recherches vers l'intensification des flux endergoniques des cellules en soumettant leurs membranes plasmiques à un double flux radiatif et photonique, après injection d'une solution à base de peroxyde de benzoyle, de sphingomyéline, de déoxycorticostérone et de proctatinium appauvri en dose infinitésimale.

Bien évidemment, cela paraît simple dit comme cela, mais il avait dû tâtonner des mois durant avant d'en arriver à cette piste prometteuse. Jusqu'au jour où, certain de tenir le bon bout après quelques essais sur une culture de cellules, il avait décidé de procéder à des tests sur sa propre personne.

N'importe quel chercheur, par prudence, aurait préalablement réalisé des dizaines et des dizaines d'essais sur des animaux de laboratoire, mais pas Jean-Gunther Eunohar. Non qu'il se souciât du bien-être des souris et des lapins - il manquait bien trop d'empathie pour cela - mais simplement parce qu'il était certain du résultat et que son orgueil exigeait qu'il soit le premier être vivant au monde à posséder le don d'ubiquité.

Deux heures après s'être fait l'injection de sa composition, il se soumit donc au rayonnement de son transmuteur radiophotonique et attendit que les effets s'en fassent sentir.

Ceux-ci ne furent pas immédiats, mais quand la mutation de sa structure cellulaire fut entièrement achevée, il sentit soudainement son corps enfler sous l'effet d'une hypermitose. Dans le moindre recoin de son organisme, la division cellulaire catalysée à l'extrême lui fit ressentir ce qu'aucun être humain n'avait ressenti jusqu'alors : le dédoublement de tout son être. Deux nouveaux bras apparurent, ainsi que deux nouvelles jambes, qu'une seconde tête, puis son tronc lui-même se scinda en deux pour donner deux êtres, entiers et semblables en tout point à leur souche commune.

Evidemment, l'ubiquité ne concernait pas les vêtements, et ceux-ci pendaient en lambeaux sur les corps de Jean-Gunther Eunohar : l'un avait ainsi encore la manche gauche de ce qu'il restait de sa chemise, l'autre avait la droite. Ils jubilèrent intérieurement : ils avaient réussi ! Ils étaient le plus grand génie de tous les temps ! La face du monde en serait changée ! Le prix Nobel – au moins ! - était pour eux ! On parlerait à jamais de lui/eux dans les livres d'hist…

Les Jean-Gunther se figèrent soudain : ils sentaient quelque chose se produire en eux. Nom de dieu ! Le processus continuait ! Leur corps se dédoublait encore !

« Ah, c'est vrai, se dirent Jean-Gunther, je n'ai pas pensé à ce détail : comment arrêter le processus une fois celui-ci enclenché ? C'est ballot, ça ! »

Les Jean-Gunther, maintenant au nombre de quatre, se mirent à réfléchir activement à la question. Il leur avait fallu trois ans pour concevoir leur dispositif d'ubiquitisation, et ils craignaient qu'il ne leur en faille presque autant pour trouver comment interrompre ce qui avait tout l'air d'une réaction en chaîne incontrôlable.

Et de fait, trois heures plus tard, les soixante-quatre Jean-Gunther n'avaient pas vraiment progressé dans la résolution du problème : être nombreux n'est d'aucune aide à la réflexion quand on a exactement la même structure mentale. En revanche, les cinquante mètres carrés du pavillon commençaient à ne plus suffire à les contenir.

A onze heures du soir, plusieurs dizaines des 512 Jean-Gunther s'entassaient, un peu gênés par leur nudité, dans le jardin.

« Zut, la situation commence à devenir problématique », se dirent-ils avec un bel ensemble.

Elle l'était encore plus au lever du soleil : 500000 Jean-Gunther nus erraient dans les rues de la ville et commençaient même à déborder sur la banlieue. L'alerte avait bien évidemment été lancée entre-temps, ce genre de manifestation nudiste de masse ne pouvant pas passer inaperçue, mais les forces de l'ordre avaient été très rapidement débordées : les malheureux agents de police finissaient généralement par craquer nerveusement après avoir demandé une centaine de fois aux fauteurs de trouble de décliner leur identité et recueilli tout autant de fois la même réponse.

Le rêve de gloire de Jean-Gunther Eunohar se réalisait, même si ce n'était pas de la façon imaginée : le monde entier appris vite à le connaître, d'abord par la télévision, puis de visu car sa démultiplication semblait ne jamais devoir cesser. En fin d'après-midi, la France entière était bondée de plus de mille milliards de Jean-Gunther.

De critique, la situation devint catstrophique durant la nuit : au petit jour, le monde comptait plus de 300000 milliards de milliards de Jean-Gunther Eunohar. Dans le nombre, bien évidemment, beaucoup étaient morts, soit par étouffement, soit par écrasement, soit par noyade dans les océans, l'Eurasie toute entière ne pouvant plus suffire à les contenir, pas plus que l'Afrique. Inutile de préciser que les dégâts humains étaient tout aussi importants parmi les populations non-jeangunthériennes préalablement en place.

Plus rien ne pouvait contenir la croissance exponentielle : la masse indénombrable des Jean-Gunther emplit les océans, finit par atteindre les terres jusque-là préservées, Amérique, Océanie, et les submergea.

Quand la multiplication folle se calma et finit par cesser d'elle-même, la surface de la Terre était recouverte d'une couche uniforme de Jean-Gunther d'une vingtaine de kilomètres d'épaisseur. Une couche dans laquelle aucune forme de vie humaine n'avait pu survivre.

Le but ultime de Jean-Gunther était donc pleinement atteint : il avait marqué à jamais l'Histoire de l'humanité toute entière. Avec lui, elle avait fini dans une mer d'Eunohar.

mardi 18 août 2009

AndiamoFaisons plaisir à CALUNE

Voici un copié-collé du commentaire que notre chère CALUNE a laissé sur mon dernier billet :

3. Le vendredi 7 août 2009 à 10:14, par calune
Pourquoi, pourquoi, pourquoi tant de haine ?
Ça faisait longtemps que quelqu'un n'était pas mort, tiens (et 2 d'un coup)...
Tu nous feras une histoire un jour où à la fin, ils vécurent heureux et eurent plein de bouchànourrirs ?? :-)

Soucieux de satisfaire notre lectorat et en plein accord avec moi-même, j’ai voulu satisfaire à sa requête SLURP, SLURP, (lèche-bottes blues), en souhaitant chère Mââââme que cette bluette vous satisfera.



ROMANCE

La saison dernière, il l’avait vue, se reposant au bord de l’étang, superbe dans son beau maillot de bain vert, le regard un peu hautain. De temps en temps, elle faisait entendre son doux chant.

Immédiatement, il en était tombé amoureux, il avait bien essayé de l’approcher, entamer la conversation, mais elle, imperturbable, ne l’avait même pas remarqué : dédaigneuse…

Alors il s’en était éloigné comme à regrets.

Un soir, il l’avait vue avec un autre, tendrement enlacés, il pensait alors "emboîtés", il savait bien que le terme était un peu vulgaire, mais la rage et le dépit l’emportaient, la fureur même. Comme il aurait aimé en finir avec ce gros connard ! Qui, au passage, avait su la séduire, LUI…

Les mauvais jours sont arrivés, les apparitions de la belle se sont faites plus rares, alors il est resté chez lui, passant l’hiver cloîtré, reclus, amer et dépité.

Aux premiers rayons du soleil, il s'en était retourné au bord de l’étang, en inspectant les moindres recoins, guettant sa belle.

Enfin, un bel après-midi, alors qu’il somnolait à l’ombre d’un grand saule, les jambes baignant dans l’eau, il entendit un doux chant, reconnaissable entre mille : c’était ELLE. Enfin elle était revenue !

Sans hésiter, il plongea. L’eau un peu fraîche le fit frissonner. Il nagea comme un fou, guidé par le chant de son amour, comme autrefois les navigateurs imprudents attirés par la mélopée des sirènes.

Il accosta près d’elle, son cœur battait à tout rompre, allait-elle le rejeter comme l’an passé ?

Elle portait toujours son joli maillot vert, ses longues jambes fuselées négligemment repliées, la tête relevée lui donnait ce petit air un peu hautain qui l’intimidait toujours. Un petit rétablissement l’amena à hauteur de sa princesse, il pouvait voir sa gorge délicate se gonfler légèrement au rythme de sa respiration.

Une vague de désir l’envahit : il fallait séduire celle qui lui faisait perdre le sommeil. Courageusement, il la fixa intensément, faisant passer tout son amour au travers de son regard.

Cette fois, elle ne détourna pas la tête, elle le fixa droit dans les yeux, il vit briller des petits points d’or au fond de son iris, son cœur bondissait dans sa poitrine, alors à son tour il entama un chant d’amour, leurs regards se croisèrent puis se fondirent en un seul.

Ce soir, en me promenant au bord de l’étang, j’ai vu deux grenouilles qui faisaient gentiment l’amour.



Cliquez sur ce lien : cette chanson fut interprétée par EILEEN en 1965.

AH ! On savait écrire de beaux textes en ce temps-là ! Pas comme ces jeunes d'aujourd'hui qui grrrmble heu treush biteurneur humm Grasp !

jeudi 13 août 2009

Tant-BourrinLe billet de blog le plus long du monde !

Attention, grande première sur Blogbo, puisque vous allez assister en direct à l'établissement d'un record du monde, celui du billet le plus long de toute l'histoire de la blogosphère !

Installez-vous bien dans votre fauteuil, c'est parti !

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lundi 10 août 2009

Saoul-FifreLes Français ont du cœur

2008

Sa présidence est en pleine forme. On le voit taquiner le braquet avec Drucker, Virenque, travailler son souffle lors de longs joggings. Il se paye une coach pour fignoler son image de gagneur et se marie avec Carla pour booster le rythme de sa libido, à moins que ce ne soit l’inverse.

Par contre, ses sondages, même ceux d’OpinionWay, c’est dire, font grise mine. Il plafonne à 31% d’opinions favorables.

Début 2009

La crise internationale jette les Français au chômage, le système qui a porté Sarko au pouvoir est bien malade. Ses « solutions » sont cyniques et ne profitent qu’aux nantis.

Mais le petit Nicolas a l’air si triste et si plein de bonne volonté que le peuple plébiscite les listes présentées par l’UMP aux élections européennes : 44% !

Eté 2009

Sarko, qui a adopté le régime grain de raisin/feuille de salade sans sauce de Carla, a les guibolles un peu flageolantes. Son médecin personnel le suit d’autre part et de près avec sa seringue à remonter le moral. Et il a la paume un peu lourde.

C’était à prévoir : en courant sous le plein cagnard devant la « Lanterne », une des résidences de la République qu’il a piquée à « Sang-froid » Fillon, notre Présiprince tombe dans les pommes-vapeurs et se réveille entouré de mandarins au teint terreux, inquiets pour leur place.

Quand il sort du Val-de-Grâce, quelques jours plus tard, amaigri, main dans la main avec sa Carla, le sourire convalescent du cocu qui a eu chaud aux fesses, il cote 56% dans les sondages. Il n’a jamais été perché aussi haut depuis son élection.

2010

Les trente Glorieuses sont vraiment loin derrière nous. Jean-Marc Sylvestre ne nous bassine plus avec des « croissances négatives » ou des « stagnations » ni même de simples « freins ». C’est la débandade, tous les paramètres sont en chute libre.

Mais les communicants attachés à l’Elysée (leur effectif a doublé) ont remarqué cette tendance des Français à être attendris par les petits chatons abandonnés. Ils jouent de plus en plus sur la corde sensible et exploitent la moindre baisse d’énergie du Président ou la plus anodine des pertes blanches de Carla. Une grosse fièvre avec courbatures est requalifiée systématiquement en grippe ovine carabinée. Un Tamiflu et hop ! Nicou le chouchou cartonne à 74% !

2011

Le monde capitaliste est au plus mal. Tous les pays du tiers-monde ont nationalisé leurs matières premières. Lassés d’attendre des gestes positifs et d’être considérés comme un « immense marché » par les pays riches, ils ont verrouillé leurs frontières et tout misé sur l’autosuffisance dans le respect de la nature.

La riposte de Sarkozy a été foudroyante : glissant sur une peau de banane (la plupart des observateurs soupçonnent un leader de centre gauche), il s’est retrouvé paralysé du bas dans un fauteuil roulant. Révélant ainsi sa duplicité et la tyrannie de son obsession sexuelle, la cruelle Carla décide de le quitter.

Des millions de messages de soutien parviennent à l’Elysée. La France pleure. Elle est solidaire. Elle ne lâchera pas son chef bien aimé. Le boycott des bananes lancé par Daniel Cohn-Bendit, le meilleur ami du Président, est suivi par 81% de la population.

2012

La situation économique est catastrophique. Le secteur tertiaire est raplapla. Seules résistent encore les quelques entreprises rendant un service réel, indispensable. Le chômage est endémique, exponentiel. La sécurité des biens et des personnes n’est plus assurée. Les caisses de l’Etat sont vides.

Le bulletin de santé mensuel du Président confirme la rumeur persistante de ces derniers jours : son Alzheimer n’a plus aucune chance de régresser malgré les techniques de pointe qui ont été utilisées.

Le courage de Nicolas Sarkozy emporte l’enthousiasme des Français. Il est réélu avec un score digne d’un dictateur africain.

vendredi 7 août 2009

AndiamoWarum ?


Le champagne lui a embué sa jolie tête, elle est nue, allongée sur le lit, les poignets noués aux barreaux du lit, elle rit, la cinquantaine épanouie, magnifiquement conservée : du sport, un régime assez strict, les kilos superflus qu’on laisse de côté, à cet âge, c’est au prix d’efforts démesurés.

Elle est complètement écartelée, impudique, elle sait que l’homme qui la regarde et qui l’a ainsi attachée est gonflé de désir.

Il est un peu plus jeune qu’elle, quarante ans ou à peine plus, ça la flatte de provoquer le désir chez des hommes plus jeunes qu’elle.

Grand, beau, le corps musclé, il n’a conservé que son pantalon de toile blanche. Lentement, l’homme s’approche. Il tient quelque chose dans sa main droite, il se penche vers elle, elle rit, il déroule ce qu’il tient dans sa main : c’est un sac en plastique, dessus est imprimée une pub pour une grande enseigne.

La femme cesse de rire, un regard interrogateur scrute les yeux bleus qui la fixent.

Alors le beau brun extirpe un objet de sa poche et lui colle sous les yeux.

Puis, brusquement, le sac est venu coiffer le visage aux cheveux blonds décolorés, les anses ont été nouées sous le menton.

Sans regarder, l’homme a remis sa chemise, blanche la chemise, a calmement ouvert la porte et s’en est allé tandis que, sur le lit, le corps d’une femme, la cinquantaine épanouie, s’agite en vains soubresauts.

Juillet 1960, Michel sur sa Vespa, a déjà la tête en vacances, trois semaines aux frais "de la princesse", une aubaine, quand il songe à son père qui au même âge n’avait que dalle !

Ils ont eu bien fait les anciens de se bagarrer, afin que eux puissent profiter un peu.

Si tout va bien, ce soir il aura passé Lyon. Depuis trois heures du mat’, il a le cul sur son scooter, et neuf heures plus tard, ses noix commencent à le chauffer sévère !

Mais bon, à la clef, seize jours de vacances sur la côte. Se dégoter un petit camping près de La Napoule, il en avait repéré les années précédentes alors qu’il était en vacances chez une tante qui habitait Cannes.

C’était bien les vacances à Cannes, mais la tantine est décédée, alors il a décidé d’y retourner sur cette Côte d’Azur, mais, à scooter, deux jours de route, c’est un minimum.

Après cet harassant voyage, il a planté sa canadienne au bord de la Siagne, au camping "les Mimosas", près de La Napoule. La tente à peine montée, il s’est écroulé à même le tapis de sol, épuisé.

Point de sortie ce soir-là, trop vanné !

Le lendemain, après un rapide passage aux douches, des courses pour célibataire : saucisson, sardines à l’huile, melon, tomates, fruits, et bien sûr du Nescafé, ainsi que l’indispensable baguette qui a fait notre réputation mondiale.

Un déjeuner vite expédié, et la plage, le sable, la grande bleue, le rêve…

Le soir, Michel est allé au p’tit guinche près du camping. Point d’orchestre, des disques, le grand tube de cette année soixante : SAG WARUM par Camillo Felgen, un slow d'enfer propre à faire chanstiquer les minettes.




Nachts geh ich dahin, ich bin allein, und frag : Warum ?

Dans un coin, près du bar, Michel a repéré une jolie brunette, c’est la fille des patrons du camping, il l’a vue en allant s’inscrire à l’accueil, mignonne, jolie même. Il s’approche, l’invite, un slow pareil, tu penses !

La jeune fille le suit jusqu’à la piste, ils commencent plus à se trémousser qu’à danser…

Die Tage gehen mir nicht aus dem Sinn.

La musique coule, ils se serrent davantage, leurs joues se rejoignent, cela va très vite…

Und Ich frag mich : Warum ?

A la fin du slow, ils s’embrassent, l’éclair, le coup de foudre ! Sylvette l’avait déjà remarqué lorsqu’il était passé à l’accueil, elle l’avait trouvé mignon, maintenant elle le trouve franchement beau, même si il est un peu pâlot à son goût, mais ça devrait s’arranger dans les jours à venir !

Ils sont restés un bon moment à s’embrasser, avant que Sylvette à regrets lui dise : tu me raccompagnes ?

Un dernier bisou, puis : à demain.

Michel est rentré seul sous sa canadienne, les bras en croix sur son matelas pneumatique, il a la tête pleine de la jolie brune.

- Merde ! C’est pas vrai, me v’là amoureux, murmure-t-il.

Lui, d’ordinaire assez dragueur, s’est fait accrocher le premier soir, c’est quoi ce truc ? songe-t-il.

De son coté, Sylvette est dans le même état. Pourtant, des types, elle en voit défiler au camping, l’été sur la Côte, c’est plutôt gavé !

Bien sûr, elle a déjà flirté, mais jamais elle n’a été "accrochée" comme ce soir.

Le lendemain, après son "Nès", Michel est allé à l’accueil. Sylvette est là, sa mère aussi, le père vaque dans le camp, ça n’est pas le boulot qui manque l’été : lavabos bouchés… ou pire ! Porte de douche dégondée, les poubelles à collecter, etc.

- Tu peux sortir ? demande-t-il.
- Non, je dois aider mes parents, j’ai fait une année pas terrible, l’an prochain c’est le bac, alors ils me serrent un peu. On se verra ce soir, promis !

De temps en temps, la Maman observe le manège, mi-sourire, mi-gros yeux.

Un bisou à la dérobée, et Michel s’en va à contre-cœur.

Une journée coeur de plomb pour nos deux tourtereaux, puis le p’tit guinche au bord de la Siagne, la soirée est douce, Michel est allé chercher Sylvette, la Maman a dit avant de partir :

- Ne rentre pas tard !
- Non M’man, promis.

La belle Sylvette en amazone sur le scooter, c’est défendu, mais froisser la jolie robe blanche, avec tous ses jupons qui la gonflent si joliment… Ah non !

Ils se sont enlacés, Camillo et sa voix profonde.

Du gingst fort, wohin ? Ich rief dich oft, doch du bliebst stumm.

Comment résister ?

Du fühlst es nicht, wie einsam Ich bin
Und Ich frag mich : Warum ?

Alors ils ont quitté la piste, Sylvette s’est de nouveau juchée sur la selle de la Vespa, en route pour un endroit plus tranquille, longer la plage en direction de Cannes, le phare et son long faisceau, le Suquet éclairé, au loin les feux des bateaux de la flotte Américaine, comme des lampions au quatorze juillet.

Le scooter s’est arrêté. Ils se sont tenus la main, ont roulés sur le sable en riant, sont devenus graves.

Pour elle c’était la première fois, pour lui guère plus.

- Je t’aime, a-t-elle dit la première.
- Moi aussi, a-t-il murmuré.

Sag : Warum ?

Le chemin du retour, heureux. Elle a Michel dans son corps, c’est ce qu’elle pense au moment où, à la sortie d’un virage, une décapotable surgit, pleins phares, elle empiète largement sur la partie gauche de la chaussée. Michel veut l’éviter. Trop tard : le pare-chocs accroche le tablier du scooter, et c’est la chute.

Roulé-boulé pour Michel, sa ceinture marron de judo lui a laissé des bons réflexes. Un peu sonné, il se relève, une grande tache blanche au milieu de la route, la robe de Sylvette, il s’approche, la jeune fille ne bouge pas.

Alors il lève les yeux, la décapotable est arrêtée, moteur tournant.

- Hep ! a hurlé Michel tout en se dirigeant vers la voiture rouge.

Au moment où il s’approche, il distingue une femme au volant. Dans le hurlement des pneus, le cabriolet redémarre et disparait.

Michel a couru pour le rattraper, en vain.

Son pied a heurté quelque chose, il se baisse, c’est un logo il le met dans la poche de son blouson sans le regarder, se préoccuper de Sylvette d’abord.

ENFIN un automobiliste s’arrêtera et conduira la jeune fille à l’hôpital, elle sera transférée à Marseille où elle décèdera trois jours plus tard.

Bien sûr les gendarmes ont enquêté, mais cela n’a pas abouti.

Michel est rentré à Paris, dans sa valise, le blouson déchiré qu’il portait le soir….

Avant de le jeter il a "fait" ses poches, il en a sorti un logo, celui qu’il avait ramassé le soir de l’accident, il l’avait oublié, un truc en métal nickelé : OCEANE écrit en lettres découpées.

Près de vingt ans ont passés, Michel ne s’est jamais marié. Il a connu des aventures, bien sûr, mais rien qui ne le retînt.

Chaque année : direction la Côte d’Azur, chercher, parler, interroger l’air de rien, le vide, le bide, le néant, au début les gens se souvenaient un peu de l’accident, tu penses, Sylvette la fille Escouffier, voui, la pitchoune du campinge, qué malheur ! Oh fan !

Et puis les souvenirs se sont fait plus rares, et plus rien jusqu’à ce soir.

Michel entre dans un bistro de Pégomas, un petit village situé dans l’arrière-pays, au dessus d’Auribeau sur Siagne, se pose le fion sur un haut tabouret, et commande un demi.

La patronne la cinquantaine alerte, je dirais même bandante, le sert et engage la conversation, ses yeux se sont allumés à la vue du beau quadra.

Michel sourit, il est assez fier d’être dragué, ça le flatte !

Tandis qu’il discute avec la patronne, son regard se promène sur le grand miroir placé derrière les bouteilles, des cartes postales et des photos en délimitent le périmètre.

Soudain, une photo attire son regard, elle représente une jeune femme, négligemment assise sur le capot d’une voiture rouge décapotable. Michel reconnait la patronne, elle a guère changée songe-t-il, il avance un peu la tête afin de mieux voir.

- Qu’est-ce que vous regardez ? demande la femme.
- Cette photo-là, c’est vous ?
- Oui, oui, mais il y a bien longtemps, j’ai changé n’est-ce pas ?
- En mieux, oui !
- Flatteur !
- Je pourrais la voir d’un peu plus près ?

La femme s’est retournée a saisi la photo, puis l’a tendue à Michel.

- C’est quoi cette voiture ?
- Une Océane, une Simca Océane, je l’ai eue en avril 1960.

Puis elle ajoute dans un murmure :

- Je m’en suis séparée, je ne l’aimais plus.

Michel a regardé la photo de plus près, elle est suffisamment grande pour qu’il distingue nettement sur l’aile gauche de la voiture, une éraflure et deux petits trous, là où aurait dû se trouver le logo.

Alors Michel retourne la photo, derrière une date : septembre 1960, mon Océane et moi.

Quand les policiers arriveront dans la triste chambre où gisait Mariette la patronne du bar l’oustaou, ligotée aux barreaux du lit, un sac plastique sur son visage bleui, ils ne trouveront comme indice qu’un logo de Simca Océane, posé entre les seins de la morte.

SAG WARUM ?

mardi 4 août 2009

Tant-BourrinPique-nique

- Bon, tu surveilles les fils pendant qu’ils vont faire pipi ? Moi, je prends les affaires et je vais chercher un coin d’herbe où s’installer pour pique-niquer.

Il tira le frein à main, descendit, ouvrit le coffre et prit la glacière ainsi qu’un plaid à carreaux rouges et blancs. Pendant que ses deux fils allaient adopter la position du mictionnaire dans les sous-bois et humidifier l’humus, il enjamba le fossé et chemina vers un grand chêne isolé à l’ombre duquel il ferait sûrement bon s’offrir une petite sieste après le repas.

Le coin était parfait : une herbe épaisse et accueillante pour les fessiers, à l’abri des rayons dardés par le soleil. Il posa la glacière, saisit deux coins du plaid puis, tout en surveillant l’arrivée éventuelle de nuages, fit claquer celui-ci dans l’air pour bien l’étendre sur le sol. Pas de souci céleste à court terme : malgré un risque d’orages localisés annoncé par la météo, le ciel demeurait pour l'heure aussi bleu qu’un papier d’huissier.

Son regard put donc redescendre sur terre. Et ce qu’il aperçut alors fit jouer à son cœur un solo de batterie digne d’un morceau de trash-speed-metal. Le terrain sur lequel il avait étendu le plaid était parfaitement dégagé, il en était sûr. Et pourtant, il semblait que la couverture reposât sur quelque chose, dont on ne pouvait que deviner la forme sous les plis à carreaux rouges et blancs. Quelque chose d’environ un mètre quatre-vingt de long, de cinquante centimètres de large, quelque chose qui ressemblait à…

Non, ce n’était pas possible !

D’un geste parkinsonien, il souleva prudemment un coin du plaid, jusqu’à découvrir… un visage ! Un cadavre ! Il y avait un cadavre sous le plaid, là où un instant plus tôt il n’y avait absolument rien !

Et, malgré ses traits révulsés, ce visage lui disait quelque chose. Quelque chose qui ressemblait à ce qu’il voyait chaque fois qu’il passait devant son miroir.

Il sentit ses jambes se transmuter en guimauve et ses intestins en corde à nœuds. Un macchabée surgi on ne sait d’où et qui lui ressemblait trait pour trait !

Il ferma les yeux et secoua la tête. Non, ce n’était pas possible !

Quand il rouvrit ses paupières, une fraction de seconde plus tard, il n’y avait plus rien à ses pieds, ni cadavre, ni plaid.

Ses yeux s’écarquillèrent d'une stupeur renouvelée, et ce d’autant plus qu’il ressentit simultanément une violente déchirure dans sa poitrine. Son cœur fragile de cadre sur-stressé pétait une durite sous un trop-plein d'émotion.

Il grimaça, gémit et, brutalement, chut dans l’herbe.

Une fraction de seconde plus tard, un type apparut soudain de nulle part, dressé au-dessus de lui, qui étendait un plaid en regardant les nuages. Un type qui lui ressemblait trait pour trait.

La dernière vision qu’il emporta du monde fut celle de carreaux rouges et blancs qui descendaient mollement sur lui jusqu’à l’engloutir.

vendredi 31 juillet 2009

Saoul-FifreTu ne sais pas zéééméééé

J'ai une petite passion pour les chansons d'avant 1950, avec un petit coup au cœur supplémentaire pour les années folles, cette période compliquée d'entre-deux-guerres où l'ambiance voyagea du grand OUF de soulagement avec les débordements de liberté que cela a suscité, au serrage de fesses le plus musclé qui soit quand on comprit que la paix était un état instable.

L'époque était manichéenne à choix multiples et parallèles. Le café-concert avait cédé sa place au music-hall où l'on allait se gorger les oreilles de rêves, de rires et de pleurs. Certains spectateurs se spécialisent, préférant l'humour et la distance, la "superficialité", la détente, croient-ils, à une vision plus sombre, plus austère de la vie ; sans voir que la comédie et le drame sont les deux faces du même Janus, les masques qui, de toute éternité ont permis de mettre en scène l'angoisse existentielle et métaphysique commune à tout être humain.

En écoutant Constantin le rieur par exemple, on sent bien l'odeur de la poudre et de la guerre qui s'approche. Par la suite, Georgius et sa chanson sur Hitler , Ouvrard ou la phénoménale Elle était souriante ont bien exprimé le sérieux sous-jaçant le comique.

Mais j'aimais également les grandes lyriques nous racontant des histoires terribles, dramatiques, des sentiments passionnés. Et la reine du drame, bien sûr, c'est la Grande Damia. Aujourd'hui, nous dirions qu'elle se la pétait grave, mais la jeune génération ne respecte plus rien.

Moi je gobais ses attitudes grandiloquentes à la limite du ridicule comme un petit verre de bonne mirabelle. Et je faisais sa publicité autour de moi.

J'avais 19 ans, j'étais timide, pas très sûr de moi et je dormais ce soir là chez mon oncle et ma tante de Sceaux qui avaient justement un invité-surprise. La conversation vint sur les lignes de la main et j'avouai que je tâtais de cette sorte de jeu de société. L'invité se montra intéressé et je me retrouvai dans sa chambre après le repas pour une lecture approfondie des plis de sa paume. Comme souvent et comme d'autres , il fut étonné par ce que j'ai pu dire sur lui sans le connaitre, il me posa des questions précises auxquelles je répondis du mieux que je pus et commença à me parler de lui plus intimement. L'ambigüité de la position, main dans la main tard dans la nuit avec un grand bel homme aux cheveux grisonnants commença à m'apparaitre. Nous étions en été, sous les toits, et de grosses gouttes me coulaient sur le front. Je lui parlai de ma passion pour Damia. Comme il ne connaissait rien d'elle, je lui ai fredonné le refrain de "Tu ne sais pas aimer". Je ne crois pas que quelqu'un d'autre m'ait depuis regardé avec un regard si ouvert, si respectueux, si ébloui.

Son interprétation à elle est ici

Je regagnai ma chambre.

Et le lendemain, le monsieur parti, comme je racontais à ma tante ma soirée, elle me regarda avec un drôle d'air et m'apprit qu'il était effectivement homosexuel.

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