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mardi 10 mai 2016

AndiamoRené Barjavel.

Dix jours... Dix jours que le Doyen a publié un billet, je suis parti me reposer à la mer après un tel effort, et personne n'a glissé un bifton ! Ah les ramiers, les clampins, les goyos ! "Ils" et "Elles" font travailler les retraités !

J'en connais UN qui va s'indigner c'est mon bon BOF !

Bon passons aux choses plus sérieuses : LE billet :

René Barjavel, c'est un copain de travail qui m'a fait découvrir Barjavel, j'avais 19 berges environ, à cet âge là un an de plus ou de moins ça ne compte guère, comme le chantait le grand Ferré ... Léo :

- Pour tout bagage on a vingt ans

- On a des réserves de printemps

- Qu'on jetterait comme des miettes de pains

- A des oiseaux sur le chemin...

Il n'était pas con ce mec, ancien boxeur, une tête au carré, le pif écrasé jusqu'aux esgourdes, les étiquettes rabattues dans le sens du vent, les arcades sourcilières façon "homme de Néanderthal", Il faisait peur à voir, une vraie tronche de "punching ball", mais ne vous y fiez pas, un garçon très doux, et surtout très instruit, grand lecteur... Comme quoi les apparences hein ?

Un jour il me voit pendant une pause avec un bouquin de la série "fleuve noir" catégorie anticipation, et il me dit :

- Tu aimes les récits de fiction ?

- Oui j'en raffole.

- Tu devrais lire "Ravages" de Barjavel, tu verras c'est autre chose !

Alors je me le suis procuré, et j'ai été séduit, quelle découverte ! J'ai enchaîné avec "Tarendol"plus tard" La charrette bleue ",une jolie histoire qui se déroule près de Nyons, dans la Drôme Provençale son pays d'origine, ses racines, au pied du Ventoux.

Une jolie région, les autochtones y sont un peu rudes, ayant gardé l'instinct grégaire des tribus qui hantaient cette région (ça c'est pour les faire râler).

Puis début années 70 est paru "la nuit des temps" une histoire d'amour absolu, sur fond de fiction, une splendeur ! Encore plus tard "le grand secret" une histoire d'immortalité, un amour qui va devenir impossible car l'un vieillit l'autre pas ! Peut-être sa manière d'avoir voulu exorciser le temps qui passe.

Un triste matin de novembre 1985 à Paris, Barjavel est parti, avec pour tout bagage quelques lignes d'un roman dans sa tête, lignes que nous ne lirons jamais.

Ce copain m'avait fait découvrir également dans un tout autre genre René Fallet ! Je me souviens avoir lu en quelques trajets "le braconnier de Dieu", dans le métro qui m'emmenait à la station "Buzenval" le matin lorsque j'allais suivre des cours de perfectionnement en automatismes électriques.

Je m'éclatais littéralement ! Ne pouvant contenir mes rires sous le regard interrogateur des passagers du métro !

Pourquoi je repense à ce copain ce soir en écrivant ce billet ? Qui peut le dire ? "Il peut le dire" me souffle Pierre Dac !

(cht'iot crobard Andiamo)

dimanche 1 mai 2016

AndiamoTélé ? Reste alité !

Il faut être con tout de même ! Se faire parachuter sur une île déserte, avec pour seuls bagages sa bite et son couteau, et encore pour les dames il ne reste que le couteau...

Et là, ça les amuse de crever de faim et de soif !

J'ai connu une Dame qui a été élevée dans sa prime jeunesse sans eau courante à la maison, ni élestricité. La flotte ? Un robinet à dix minutes à pied, l'éclairage ? Une lampe à acétylène ! Evidemment pas de télé ! Et ce à la porte de Paris ! L'eau courante est arrivée dans les années 50 seulement, dans ce coin.

Pourquoi aller si loin ? Bien sûr, le côté paradisiaque des îles aux plages de sable blanc, la fausse famine, la dure lutte pour la survie ! Tout ça est bidonné bien sûr, j'en parlais avec une amie, elle connaît un caméraman à la télé italienne, le soir c'est bonne bouffe, et dodo à l'hôtel, en fait ils tournent un film, donnant l'illusion de la réalité, mais vous n'êtes pas dupes non plus ?

Alors voilà, si on leur proposait un truc du genre : on vous colle à 5 ou 6 dans un logement comportant une pièce, plus cuisine (si, si nombre de copains vivaient ainsi dans mon quartier) pas d'eau courante, le robinet au bout de la rue, pas d'électricité, un chiotte pour deux étages de l'immeuble, soit pour 4 appartements ! Là aussi j'ai connu vous marrez pas, ça c'était la réalité, pas de la téloche bidonnée, le soir l'appartement se transformait en dortoir, bonjour l'intimité !

La musette sur l'épaule à 6 heures du matin, au boulot dans une usine bien crade pendant 10 heures, 6 jours par semaine, le dimanche quand les gosses étaient à la messe, une chaloupée à mèmère en cachette de Clémenceau ! Pour joindre les deux bouts il fallait faire le grand écart, et ne pas être trop gourmand pour passer entre deux feuilles de paie ! Le trajet maison usine sur un vieux clou, ou un bus bringuebalant à plate forme, la gamelle dans la musette et le "jacquot" en guise de carburant. "Et donne au travailleur l'honnête verre ou brille un peu d'oubli divin", merci Paul pour ces verres... EUH vers !

Tiens c'est vrai quand j'y songe, il n'y avait pas d'obèses dans ma banlieue après la guerre !! Je pense que c'était dû au régime saute corde infligé alors, avec tickets de rationnement et tout le toutim.

Putain c'est vrai que je suis un dinosaure, j'ai même connu les tickets de rationnement !

N'allez pas croire que je regrette ces temps anciens, quand on est gamin on ne se rend pas compte, dès l'instant qu'on a l'estomac rempli, des billes dans les poches tout va bien. Nous étions bien logés, mes parents louaient un pavillon avec jardin, salle d'eau, toilettes, mes parents, ma sœur avaient leurs chambres, mon frère et moi faisions chambre commune, j'aimais bien, tous les soirs ou presque, c'était la bagarre, mais bon ! Mon père d'un OH ! Crié du bas de l'escalier, interrompait nos jeux un peu bruyants, puis c'était le calme avant le gros dodo, le chien au pied du lit bien sûr !!

Tiens il me revient une anecdote, quand mon fils était à la maison, j'allais le secouer 3 ou 4 fois afin de le réveiller le matin, mon père chaque matin du bas de l'escalier menant aux chambres, me lançait un : "OH" ! Et c'est tout, si je ne me levais pas, tant pis j'étais à la bourre !... Ô tempora ô mores !

mercredi 27 avril 2016

BlutchLe musée des Confluences à Lyon

Architecte : CoopHimmelb(l)au

Aussi connu par Gogol sous l'appellation « Urinoir de lit. »

Avant toutes choses, j'ai découvert, sur le site du musée, de drôles de mises en garde:

«  1 - Pour pouvoir utiliser et/ou exploiter l'image du bâtiment du musée (intérieur ou extérieur) ou du jardin, pour toute publication et pour toute reproduction, à titre commercial ou non, vous devez TOUJOURS obtenir l'autorisation de CoopHimmelb(l)au (s’en passer vous rend coupable du délit de contrefaçon). »

«  2 - Par ailleurs, au titre du droit de propriété, tout propriétaire d’un bien dispose d’un droit de regard sur l’image de ce bien (art 544 du Code civil). A ce titre, il peut refuser l’usage de toute image qui lui causerait un « trouble anormal de jouissance ». Toute utilisation portant préjudice au propriétaire du bâtiment vous expose à des poursuites. Vous vous devez d’être vigilant sur les usages envisagés. »

Dois-je en conclure que d'avoir un avis critique sur ce musée et de le faire savoir m'exposerait aux foudres de la loi 

Un bâtiment est légalement une œuvre d'art (rigole pas, même le hangar à bateaux en tôle ondulée en est une...). Toute œuvre d'art est sujette à critiques (positives ou négatives) sans que l'auteur ou l'acheteur puisse interdire ce qui est un droit fondamental d'avoir une opinion et de la faire partager. Qui plus est lorsque l'acheteur est une communauté de droit public (le département du Rhône). Donc sus à la censure et en avant la zizique.

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vendredi 22 avril 2016

celestineUchronie

Avez-vous seulement pensé parfois à la somme de hasards incroyables qu’il a fallu pour que vous soyez ce que vous êtes ? Tiens moi, par exemple.

Imaginons que la Guerre de 14-18 n’ait pas eu lieu : mon arrière-grand-père n’aurait pas été gazé dans les tranchées, il n’aurait pas eu besoin de s’installer à la montagne pour soigner son asthme, il n’aurait donc pas rencontré mon arrière-grand-mère, (qui était sans doute elle-même la résultante d’une suite vertigineuse de hasards qui l’avaient fait naître dans un petit village reculé des Alpes à l’air particulièrement pur)

Ma grand-mère ne serait donc jamais née, ni ma mère, a fortiori, ni, en l’occurrence, moi qui vous parle en ce moment. C’est quand même fou de se dire que si j’écris mon texte en ce moment même, c’est parce que le gars qui a tiré sur l’Archiduc à Sarajevo, un certain serbo-bosniaque du nom de Gavrilo Princip, (qui lui même était là par la conjonction de coïncidences absolument fulgurantes) n’était pas un branque dans le maniement des armes à feu. Pensez, s’il avait eu la tremblote au moment crucial…

A quoi ça tient, hein, la vie…Ça me laisse toute chose. Et encore, là je n’ai développé que la branche maternelle de mon ascendance…parce que si on va fouiller dans mes racines paternelles, c’est encore plus ébouriffant de se dire que mon aïeule était irlandaise et que je ne serais pas là si son père ne l’avait envoyé à Paris comme jeune fille au pair.

En somme, je suis un miracle uchronique. Comme vous tous. Mais vous allez sûrement avoir envie de me raconter ça, non ?... ¸¸.•*¨*• ☆

dimanche 17 avril 2016

AndiamoLes plages du NOOOOORD.

Cette côte d'Albâtre que j'aime tant, inlassablement je la photographie, la douce lumière, pas celle qui agresse, ici les rayons de Phébus ne sont jamais bien violents, toujours rafraîchis par la brise marine, quand ça n'est pas le Noiroît ce vent un peu frisquet, qui ne vient pas du sud comme son nom l'indique !



Levé dès potron-minet afin d'assister au départ des pêcheurs, la mer commence à monter



Le phare du Tréport, un "paradis" l'auraient baptisé les gardiens de phares en pleine mer, appelés des "enfers".



L'église Saint Jacques reconstruite au XIV ème, puis au XVIème siècle, classée aux monuments historiques.



Jolie cette passerelle de bois, le Monsieur rêve, il rêve à des voyages qu'il ne fera jamais !



Au pied du phare, les falaises hautes de plus de 100 mètres, ce ne sont pas celles de Moher, mais elles sont aussi jolies.



La même que la précédente mais en "Panoramix" euh... Panoramique !



"La Bresle", petit fleuve côtier qui finit sa course dans l'avant port..



Une jolie bitte d'amarrage, un peu rouillée certes par manque d'usage !.



C'est au pied des falaises qu'on voit si la marin a pissé (proverbe Cauchois).!.

(Daguerréotypes : Andiamo 2016)

mardi 12 avril 2016

AndiamoDans les jeux des filles.

Drancy... Ma banlieue, là où j'ai grandit, une ville ? Pas encore, la cambrousse ? Déjà plus ! Un entre deux, comme l'entre deux guerres, l'entre deux mers aussi, les années d'insouciance pour moi, les années où l'on apprend tout, lire, écrire, compter, et... Les filles !

Les fillettes des années quarante portaient des nattes, une jupe plissée le plus souvent, un pull, des chaussettes bien tire bouchonnées sur leurs jambes genre "tige de frein" les rondeurs arriveraient plus tard ! Des sandalettes l'été avec des socquettes blanches... Pas longtemps la blancheur ! Les écoles n'étaient pas mixtes, on se regardait un peu en chien de faïence, il faudrait attendre quelques années avant qu'on les regarde tout autrement.

Ah les filles ! Gamins c'étaient "les quilles" va savoir pourquoi ? Bien mystérieuses les quilles, mes potes et moi on avait tous des frangines, guères plus âgées, ou plus jeunes, pas de beaucoup non plus.

Mais une sœur ça ne compte pas, on ne la regarde pas vraiment comme une fille, c'est la frangine, point. La casse couilles, souvent elle moucharde auprès de Môman, enfin la mienne pas trop, nous n'avions que 15 mois d'écart, nous étions très proches.

Mais ce qui me surprenait, c'était leurs jeux... Ah les jeux des filles, dans notre quartier, on ne jouait pas avec les filles, tu penses, ça aurait été la honte !

Nan mais tu vois un "mec" jouer à la baballe sur un mur, en chantant des contines ?

- Partie simple... Sans bouger... Sans rire.. D'une main... D'un pied...

Et là à ce moment précis, quand elles étaient tel un héron, une guibolle levée, en équilibre sur l'autre, lançant la baballe d'une seule main, on arrivait d'un coup, les bousculant, alors pour ne pas s'étaler, elles perdaient la balle !

Je me souviens d'une fille grande, les muscles en long comme les araignées, musclée comme un corbeau de course, mais une détente ! Elle nous faisait la courette et nous rattrapait à chaque fois, elle nous filait des beignes dans les côtes ! Bien sûr on ne ripostait pas, les filles on ne les tape pas, un peu arsouilles sans doute, mais il y a des principes tout de même !

Face à l'entrée de l'épicerie buvette, devant notre maison, le trottoir était cimenté, c'est là que munis de galoches cloutées, les garçons s'élançaient, finissant en glissade, les clous faisant des étincelles sous les pompes ! Les filles traçaient des marelles, un demi cercle : Terre, 1, 2, 3, une croix, 4 à gauche, 5 à droite, puis 6, et enfin une autre croix 7 à gauche, 8 à droite, et tout en haut : un autre demi cercle, le ciel !

Un caillou plat en guise de palet ou une boîte de cirage ( le cirage était vendu dans des boîtes en fer circulaires) vide,, lestée avec des cailloux ou de la terre.

Alors bien sûr on passait le nez au vent, et brusquement un coup de pompe dans la boîte, et cavalcade !

Par les belles journées d'été, elles s'installaient à l'ombre et jouaient "à la dinette", bien sûr on venait les emmerder, un p'tit coup de sorlot dans le beau service en fer peint de jolies couleurs

- Pardon j'l'ai pô fait essssprès !

- Salaud j't'ai vu, si tu l'as fait exprès, MANMAN !...

Alors on détalait craignant les foudres de la tigresse soucieuse du bien être de sa progéniture.

Le seul jeu que nous partagions était la corde à sauter, tu penses les boxeurs eux même la pratiquaient ! Et là aussi une contine accompagnait la course de la corde, pour donner le rythme sans aucun doute.

- Le Palais Royal est un beau quartier,

- Toutes les jeunes filles sont à marier..

- Mademoiselle Claudine est la préférée...

- De Monsieur Jean Pierre qui veut l'épouser...

Et là le dénommé Jean-Pierre, flatté certes mais un peu nunuche, affichait sous le rose de ses joues un sourire crétin du plus bel effet.

Les années ont passées, Claudine, Marie-Claire, Françoise, ont grandies, les muscles se sont arrondis, les bustes et les bas du dos aussi, on se disait toujours bonjour, l'air un peu gêné, et nous sommes tous et toutes aller chercher bien loin ce qui était à notre porte !

(ch'tiot crobard Andiamo)

jeudi 7 avril 2016

Oncle DanBonjour l'ambiance (5)

Dans mon dernier billet, je décrivais le Jésuite obéissant et autoritaire, indifférent et dissimulateur, volontaire et exigeant, sans scrupules et rusé. C'était du moins ainsi que nous le percevions.

Nous étions suivis et tenus. A défaut, nous étions retenus. Il y avait de quoi se trouver mal à l'aise devant ce "Père profès", nu sous sa soutane noire (On a jamais vraiment vérifié), et dont les ancêtres avaient converti les indiens, des rives de l'Ashuapmushuan, dans le nord canadien, là où l'on guette l'orignal, jusqu'au fond de la forêt tropicale paraguayenne. On pouvait se dire qu'ils en avaient vu d'autres, et de plus féroces.

Que pouvions-nous faire, nous autres, pauvres innocents ? Face à tant de scolasticat, nous étions plutôt chocolat. La faiblesse de notre esprit et l'incertitude de notre règle morale ne pouvaient qu'inspirer la sévérité à ces âmes rugueuses, déterminées, et persuadées que nous étions constamment la proie du Diable. Elles nous jugeaient, par conséquent, capables de graves méfaits et d'inexpiables péchés.

Certes, nous étions traités avec énormément de sérieux, mais aurions préféré un peu plus de décontraction, tant la discipline qu'il nous fallait subir pour en payer le prix était rigoureuse.

Cependant, nous ne vivions pas dans la crainte de châtiments corporels. Le jésuite ne fait pas dans l'éducation anglaise, et la fessée n'a pas cours chez lui. D'ailleurs, voir un cul est déjà un péché. Non, le danger, pour nous, était beaucoup plus sournois. En parfait missionnaire qu'il est, le Père jésuite évolue dans sa "tribu" de collégiens comme jadis ses aînés parmi les Hurons ou les Mocobies. Il sait depuis des siècles, et presque spontanément, se faire barbare avec les barbares. Son autorité a toujours dérivé de la confiance qu'il secrète de la façon la plus naturelle, comme une araignée, sa toile.

Bien qu'il se méfie de vous comme du Diable dont vous êtes le jouet, il paraît vous accorder sa confiance d'emblée. En tous les cas, vous le dit. A l'occasion, vous le montre ostensiblement. Quelle fierté d'avoir été choisi par le Père pour aller chercher une craie dans la classe d'à côté. Ne voilà t'il pas une marque de confiance qui vous distingue et vous honore ?

La confiance plaît toujours à celui qui la reçoit. Celui qui la donne n'est toutefois pas toujours désintéressé. Le jésuite, lui, n'est pas désintéressé du tout. Il attend d'être payé en retour par quelque secret ou confidence sur vos habitudes ou vos commerces. En fait, il attend que l'on ne lui cache rien de ce qui ne regarde que nous.

Possédant un don de pénétration psychologique qui lui permet de discerner les moyens d'agir sur vous, il déploie des prodiges de savoir-flair pour vous sonder. Il existe mille orifices invisibles à travers lesquels un œil jésuite peut voir d'un seul coup ce qui se passe dans une âme. Il s'y installe. Occupe vos déserts intérieurs et se prélasse aux points de moindre résistance.

Lutter contre cette subtile tyrannie que vous distille journellement et à doses homéopathiques ce soupçonneux demande une attention de chaque instant. Se préserver de son habile inquisition requiert beaucoup de prudence. Il faut ménager ses paroles et ses tons, ne jamais laisser rien voir, ni dans ses propos, ni dans son attitude, qui pourrait révéler son sentiment profond. Il faut s'exercer à l'art de la dissimulation, à l'art d'être jésuite soi-même !

L'art de paraître naturel est la chose la plus difficile au monde. Freud affirmait : "Nul mortel ne peut garder un secret. Si les lèvres sont silencieuses, il bavarde du bout des doigts."

Un sourcil qui se fronce, un regard qui s'inquiète, une bouche qui se contracte sont autant de micro-expressions plus porteuses de significations et d'émotions fugitives qu'un discours. Le corps est plus difficile à censurer que la parole. Quand la bouche dit "oui", le regard dit "peut-être" et cette information non-verbale, consciente ou inconsciente, intentionnelle ou non, ne peut être annulée par les mots. Outre le grec et le latin, le Jésuite sait lire le langage du corps et sait aussi qu'il faut beaucoup de talent pour faire un geste que l'on ne sent pas.

Avec de l'entraînement, il est possible d'obtenir quelques résultats encourageants : le visage se compose, les gestes se calculent et le regard même, chez les plus doués, peut duper !

Nous usions de deux techniques de base. La première est celle de la soumission, relativement aisée à mettre en œuvre et fréquemment utilisée car l'autorité du Jésuite lui fait dire souvent "Baisse les yeux quand je te parle !". La seconde, déjà plus élaborée, dite de "non-implication", consiste à avoir le regard terne, vide (ou dans le vide) pour traduire à l'évidence que les reproches qui sont énoncés ne sauraient vous être adressés et concernent certainement vos petits camarades. Comme nous étions pressés par les événements et que les nécessités quotidiennes nous mettaient de façon quasi-permanente dans l'obligation de tester notre capacité de résistance, la prudence nous faisait opter pour le silence. La nature m'avait gratifié de prédispositions pour cela.

Tandis que le tableau d'honneur indemnise le bon élève de l'acharnement dont il fait l'objet, le cancre indélébile s'installe dans une relative tranquillité que ne viennent troubler que quelques incidents sans surprise qu'il pourrait qualifier de risques calculés. Les véritables souffrances sont pour l'entre-deux. J'en faisais naturellement partie ainsi que la majorité de mes compagnons de combat. Nous vivions dans un état d'alerte permanente dont nous n'attendions aucune compensation, au rythme du bulletin de notes, suspendu au dessus de notre unique sortie mensuelle comme une épée de Damoclès.

Bien que l'éventail des notes allait de 0 à 20, seul barème agréé par le Ministère de l'éducation National, nos leçons et devoirs étaient notés exclusivement de 0 à 17 en vertu d'un raisonnement irréfutable qui résistait à toutes les analyses critiques de nos esprits influençables, et que je vous livre ici dans son évangélique simplicité:

1 - La note 20 traduit la perfection.

2 - La perfection n'est pas de ce monde, mais divine.

3 - En conséquence, la note 20 ne peut être que la note du Bon Dieu et ce serait un gigantesque péché d'orgueil que de prétendre la mériter.

Cette logique devait nous faire renoncer également au 19, réservé aux Saints du Paradis. Le 18 nous ramenait sur terre, mais il nous fallait abandonner cette note aux professeurs dont nous n'étions et ne resterions jamais que les modestes élèves.

Dès lors, une copie sans faute, bien écrite, et parfaitement présentée, ne pouvait être couronnée que par un 17. Cela était admis, et nous n'étions pas autrement surpris que les zéros qui nous étaient si largement distribués ne fussent pas, dans le même ordre d'idées, réservés à Satan et ses suppôts, n'étant pas certains de ne pas en faire partie.

(à suivre)

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