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lundi 19 décembre 2005

Tant-BourrinLe vieux clown et la mort

Face au miroir, il ne voit qu'un vieillard épuisé.

Le teint blafard.

Et pourtant, il y a longtemps qu'il ne s'enduit plus la face de poudre de riz, comme quand il s'agissait d'entrer en piste et de faire rire les petits et les grands.

Longtemps qu'il ne met plus son gros nez rouge pour entomater son visage.

Longtemps que ses joues rondes se sont creusées, que son front s'est raviné, que ses cheveux couleur de feu se sont éteints.

Oui, si longtemps que sa tenue de scène est remisée dans un grenier poussiéreux. Son chapeau pointu, sa veste verte, son énorme noeud papillon ne seront plus portés. Seules quelques mites s'y intéressent peut-être encore.

Désormais, dans cette maison de retraite sordide, seul un pyjama défraîchi suffit à l'habiller. Il n'a plus d'yeux d'enfants à illuminer, plus de sourires à ensemencer, plus d'applaudissements à faire tonner. Il sent se refermer le chapiteau de sa vie. A jamais.

Bianca, sa vieille jument, ne trottera plus : il a fallu l'abattre voici plus de dix ans, tant elle était décharnée, à bout de force, en attente du grand néant cotonneux. Son vieux chat Ratibus s'est fait écraser par une automobile il y a déjà bien longtemps aussi. Et Pip'lett, sa perruche, ne s'est pas réveillée d'une nuit sans rêve...

Il n'y aura plus d'animaux à ses côtés. La parade est finie. Les projecteurs sont éteints.

Eteints surtout depuis ce jour où Laura l'a quitté. Laura, qui là-haut, sur son fil, ballerine de l'éther, semblait ne pas être de ce monde. Laura pour qui battaient tous les coeurs. Laura...

Laura et cette terrible chute dont elle ne se remit jamais vraiment. Laura qui quitta le cirque. Laura qui sombra dans l'alcool. Laura qui finit par fermer ses yeux à jamais, le corps empli de métastases...

Le vieillard au visage blafard pleure dans le miroir.
Pleure sur un passé vagabond de ris et de joies.
Pleure sur la plaie purulente de ses amitiés tombales.
Pleure sur les enfants grandis trop vite.
Ces enfants qu'il faisait rire hier.
Ces enfants devenus employés, chefs d'entreprise, chômeurs, boutiquiers, clochards, cadres commerciaux, pédophiles, traders, criminels, femmes au foyer, hommes politiques, routiers, gardiens de prison, assureurs,...
Ces enfants devenus adultes.
Tristement adultes.
Et qui ne rient plus aux pirouettes d'un clown fatigué.

Il sait que c'est fini. Qu'il n'a plus rien à attendre.

Mais, peu à peu, derrière le goût salé des larmes, lui vient une envie, l'envie ultime, sa dernière envie.

Non, il ne se laissera pas cueillir par la mort les yeux rougis de chagrin. Il se couvrira à nouveau la face de poudre de riz. Il s'entomatera le visage de son gros nez rouge. Il ressortira sa tenue de scène.

Et quand la mort viendra et lui dira "suis-moi, Kiri", il saura lui arracher un sourire à force de pirouettes.

Peut-être la mort a-t-elle gardé une âme d'enfant ?


Kiri le clown est revenu sur France5 depuis le 17 décembre. Mais il s'agit d'un ersatz, d'une nouvelle série réalisée en animation 3D, avec un nouveau générique. Un pâle clonage. Car pour le vrai Kiri, il est trop tard...

dimanche 18 décembre 2005

Saoul-FifreSphèriture du cube

Je pense que vous n'auriez jamais eu droit à ce texte, que je trouve un peu simplet, mais la concordance avec le superbe billet d'hier de Tant-Bourrin m'a fait craquer. Désolé.
Petit détail pour les djeuns : André Frossard a été résistant, journaliste au Figaro, et est surtout connu pour sa conversion tardive et son livre "Dieu existe : je l'ai rencontré".

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samedi 17 décembre 2005

Tant-BourrinUne histoire certifiée vraie

Voici une petite histoire vraie, un souvenir de souvenirs, telle que me l'avait racontée mon pauvre père il y a environ un tiers de siècle, lorsque j'avais une dizaine d'années, et qui nous ramène bien plus loin encore dans le temps, lorsque lui-même était gamin.

Mon père était né en 1922, les événements qui suivent ont donc dû se dérouler au coeur des années 30, dans la banlieue ouvrière de Bordeaux.

Mon père, gamin, jouait au basket. En amateur, bien entendu : pour qui l'a connu, lui qui allait culminer à 1m76 et frôler, sur la fin de sa vie, les 100 kg, il serait difficile de l'imaginer jouant en NBA.

Un jour de printemps (1934 ? 1935 ?), il jouait au basket avec quelques camarades de l'école, garçons et filles. Pour la petite anecdote, il y avait d'ailleurs parmi les filles celle qui deviendra quelques décennies plus tard maire (communiste, comme il se doit) de la banlieue ouvrière en question et présidente de l'association des maires communistes de France.

Et voilà qu'un prof, passant près du terrain et voyant les petits jeunes en train de jouer (les petites jeunettes, surtout), se pique de vouloir entrer dans le jeu pour montrer qu'au-delà du prof, il y a un grand et brillant athlète qui sommeille en lui. Bref, il veut faire son beau.

Evidemment, avec pas mal d'années de plus que ses adversaires, avec une taille d'adulte face à des gamins, il n'a aucun mal à s'imposer, à enquiller des paniers, bref à flamber devant les filles.

Et c'est là que tout allait se basculer. Alors que le prof se la pétait de plus en plus, mon père, estimant que ça suffisait comme ça, lui fit volontairement une passe un peu sèche à hauteur de ses chevilles en pleine course, ce qui eut pour effet immédiat de le ramener à la dure réalité du terrain. En d'autres termes, le prof fit un remarquable valdingue et s'étala piteusement devant ses jeunes admiratrices.

Blessé avant tout dans son amour-propre, le prof quitta la partie, non sans avoir proféré à l'adresse de mon père ces quelques paroles menaçantes : "vous, je vous retrouverai"...


Quelques mois plus tard, avait lieu un événement important : il fallait passer le certificat d'étude, ce bon vieux certif qui, pour mon père comme pour la plus grande partie de ses camarades de classe, allait marquer la fin des études avant l'entrée dans la vie professionnelle. Eh oui, à cette époque, dans les milieux modestes, il fallait commencer à trimer jeune pour faire bouillir la marmite, pas question de poursuivre des études ad vitam aeternam.

Mon père, plutôt bon élève, n'était pas trop inquiet avant l'interrogation orale d'arithmétique : il était plutôt doué en la matière.

Mais voilà, en entrant dans la salle pour être interrogé, c'est le choc : l'examinateur n'est autre que - vous l'avez bien sûr deviné - le fameux prof que mon père avait aidé quelques mois plus tôt à progresser dans l'épreuve du plongeon artistique sur terrain de basket.

Suée froide.

Le prof, lui, est impassible. Peut-être a-t-il oublié cet épisode fâcheux ?

"Bien. Voilà l'exercice : vous allez construire à la règle et au compas un carré dont la surface est égale à celle d'un cercle donné. Je vous laisse dix minutes."

Inutile de préciser que ces dix minutes furent une terrible éternité pour mon père. Les suées froides se transformèrent bientôt en grosses gouttes. Une terrible anxiété lui tordait les tripes, car il ne voyait même pas comment aborder le problème. Cette fois, c'était la fin, le zéro pointé, le certif loupé...

Evidemment, vous l'avez déjà compris : le petit exercice en question n'est autre que celui - fameux - de la quadrature du cercle, parfaitement insoluble puisque Pi n'est pas un nombre algébrique.

A l'issue des dix minutes, le prof, petit sourire au coin des lèvres, prit la parole et dit à mon père tétanisé : "vous voyez, je vous l'avais dit que je vous retrouverai... (silence)... Bon, allez, vous êtes bon élève, je vous mets 19/20"...

Le prof était peut-être revanchard, mais il avait oublié d'être con.


Et c'est ainsi que je peux aujourd'hui clamer haut et fort avec fierté que je suis le fils d'un type qui a eu 19/20 en arithmétiques à son certificat d'études en planchant sur la quadrature du cercle.

Ça le fait, non ?

vendredi 16 décembre 2005

Saoul-FifreColis-surprise

Matino, le missiveur du quartier
sur son beau biciclo pététon,
rasé, fonctionnavé de frais,
m'a jeté un paquet su'l' peton.

J'ai engueulavé cet amoindri,
j'y ai chouravé son guidon,
j'y ai fait lécher mes panaris,
et supplier dix-sept fois pardon.

Il a rampé jusqu'au véli-vélo,
s'est mis à pédalader à fond,
moi, j'trouvais ça riragolo,
mais derrière, j'entendis mon blason.

C'était le colis qui blablatait
comme quoi j'étais un grand énerveux,
que les brutes qui se tempêtaient,
c'est qu'ils étaient malbonheureux...

Que lui, dans son indigénie,
au pays des polis costaux,
les gronchons ne font pas un pli :
ils se retrouvent désopilos.

Il m'a racontiné que là-bas,
ils boivent du vin condensé
qui coulisse des grobinets
et qui fait valser la samba.

Les mômes étudent à chantouner
en esgourdant les hirondelles,
et ils prennent pas de fessées
si on les voit se rouler des pelles.

Quand il manque un peu de courant,
on dresse le grimpe-au-toit,
on régule la machine à vent,
on y met de la graisse d'oie...

Pour les légumes et la verdure,
on a un troupeau de bestioles,
elles nous font la fumure,
le lait, la viande-à-casserole...

On montage nos lits, nos roues,
on musique sur des roseaux,
on fait des cabanes aux hiboux,
on se torche avec les impots.

Maintenant, si tu veux t'y pointer,
va t'falloir flairer un moment,
c'est pas près des caves à banquiers,
ni des keufs et leur fourniment.

La télé, l'auto, le ronron,
c'est pas si tranquilo que ça,
dans bombe à neutrons, ya "étron",
enfin, c'est toi qui vois...

Et le colis explosionna.

jeudi 15 décembre 2005

Tant-BourrinLa très aventureuse vie du Chevalier de Tant-Bourrin et de son écuyer Saoul-Fifre (Chapitre V)

(lecture préalable des chapitres I, II, III et IV conseillée)

Où le Chevalier de Tant-Bourrin vit de sombres heures

XIIIème siècle après Jésus-Christ - Quelque part dans le Royaume de France

Le cortège cheminait sur la route qui se nuait en poussière.

En tête, sur son blanc destrier, le Chevalier Hippobert Canasson de Tant-Bourrin, son aura quelque peu défraîchie après ses récentes aventures. Derrière lui, son fidèle écuyer Saoul-Fifre, qui se nuait en mouches.

Bien sûr, la situation du Chevalier s'était quelque peu améliorée depuis la fin du précédent épisode. Un forgeron avait pu débloquer la situation. Celui-ci n'avait eu d'autre recours que de découper toutes les articulations de l'armure. Le Chevalier en avait recouvré sa liberté de mouvement, mais perdu le peu d'allure qu'il lui restait : de son armure déstructurée ne subsistaient que des bouts de tuyau bringuebalant autour de sa poitrine, de ses bras, de ses jambes, tels d'énormes bracelets de métal.

Et en sus, le Chevalier commençait à broyer du noir. Lui qui sentait que son destin était d'être le sauveur du monde se désespérait du manque d'aventures dignes de son rang.

Et rongeant son frein, dans l'espoir de voir quelque malfaisant ou quelque monstre surgir des fourrés qui lui donneraient l'occasion de prouver sa valeur de noble Chevalier, il cheminait donc.

Rectification : en l'occurrence, il ne cheminait plus, il était arrêté sur le chemin, regardant vers les fourrés qui le bordaient. Saoul-Fifre n'était plus sur sa bourrique miteuse et semblait avoir disparu. Que s'était-il donc passé durant le court instant où nous les avons quittés des yeux ? Serait-ce le début d'une grande aventure ? Un monstre se tapirait-il donc vraiment dans ces fourrés ? Approchons-nous et écoutons...

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mercredi 14 décembre 2005

Saoul-FifreDécouvrir l'intérieur de l'île

le dernier billet de Manou , et aussi le commentaire que Tant-Bourrin a mis dessus, a remué mes souvenirs et remonté un de mes vieux textes à la surface. Ça se corse, ne vous éloignez pas du guide !

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mardi 13 décembre 2005

Tant-BourrinDécrocher le teint pâle

Saoul-Fifre est bien déçu : son teint n'est point hâlé
Comme il sied quand on fait des travaux agricoles.
Son minois est blafard et terne à en chialer,
Mais il l'a bien cherché : c'est parce qu'il picole !

Moralité : La bibine fait pâle couenne

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