Blogborygmes

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

samedi 4 février 2012

Scout toujoursJennifer

Jennifer est une jeune antillaise plutôt jolie. Je l'ai rencontrée pour la première fois il y a un peu moins d'un an. Sa voix était tellement entrecoupée de sanglots qu'elle ne parvenait pas à terminer ses phrases. J'ai dû lui demander d'arrêter de parler, de s'étendre sur le divan et de fermer les yeux pour reprendre son souffle. Je lui ai dit de parler calmement, sans se précipiter, prenant le soin de l'interrompre à chaque fois que les sanglots la submergeaient. Elle m'a raconté son histoire : son enfance passée à Paris, sa mère dépressive qui l'emmenait tous les jours se promener au bord de la Seine, les bras chargés d'énormes sacs. Chaque jour la petite Jennifer aidait sa maman à remplir ces sacs d'objets lourds, bouteilles, statues en pierre, etc., et partait avec elle, portant héroïquement ces énormes fardeaux, pour la bonne cause, telle Cosette allant puiser son eau. Ces sacs, elle l'a compris au fil du temps n'étaient en fait destinés qu'à les maintenir toutes deux dans les profondeurs du fleuve lors de l'ultime plongeon. La pauvre enfant espérait que son calvaire allait finir, lorsque, à l'aube de ses dix ans, après s'être magnifiquement habillée et maquillée, sa maman lui apparut plus belle que jamais. Elle embrassa une dernière fois sa fille et se défenestra sous ses yeux.

Le choc émotionnel et l'immense déflagration qui s'en suivit déclencha chez l'enfant un diabète grave accompagné d'une maladie inflammatoire appelée sarcoïdose et qui atteignit son foie, ses poumons et son estomac. Ajoutée à cela une grande instabilité émotionnelle qui la faisait fondre en larmes à la moindre émotion. Elle me raconta son parcours, la suite de son enfance passée chez une horrible grand-mère qui prenait plaisir à la torturer, l'accusant de la responsabilité de la mort de sa mère. Le viol qu'elle subit en voulant protéger une amie, l'enfant qu'elle perdit à cause de son diabète, ses quatre injections d'insuline qu'elle effectuait chaque jour elle-même, puis sa grande fierté, son diplôme de préparatrice en pharmacie, les problèmes qu'elle avait avec ses collègues de travail qui lui rendaient la vie impossible, puis sa brouille avec sa meilleure amie qui repoussait toutes ses tentatives de réconciliation, sa logeuse qui la mettait à la rue, et surtout son ex-compagnon, un parasite vivant à ses crochets dont elle avait dû se séparer après qu'il lui ait mis en pièces une voiture qu'elle n'avait même pas fini de payer, mais qui continuait quand même à la harceler.

Cette extraordinaire cascade de catastrophes l'avait réduite au point de ne plus pouvoir travailler, elle craignait à présent pour son emploi. Je la voyais chaque semaine, et la redécouvrais chaque jour encore un peu plus mal en point qu'avant.

Ce jour-là, Jennifer était seule, et véritablement au bout du rouleau. Ses petits yeux d'oiseau blessé et ses paroles suppliantes m'indiquaient qu'un geste sans cesse repoussé s'imposait à moi à présent ; geste sans lequel il y aurait eu véritablement non assistance à personne en danger. N'y tenant plus, et au risque des conséquences, je la pris dans mes bras comme on prend un enfant. Elle me serra convulsivement. Ses sanglots étaient entrecoupés de "Merci". L'étreinte était intense, j'en restai totalement pétrifié, comme si cette extraordinaire accumulation de souffrances qu'elle portait en elle, me traversait le corps, j'étais dans un état de compassion extrême, le moment était très fort. Nous restâmes enlacés elle et moi plusieurs minutes jusqu'à ce que je sente son étreinte se relâcher. Elle avait enfin retrouvé son sourire et se mit à me parler à nouveau. Mais rapidement son émotion l'envahit et je vis qu'elle avait à nouveau besoin d'une accolade. Je tiens à préciser que ces étreintes, même si elles n'étaient pas très conventionnelles, n'avaient absolument rien d'embrassades amoureuses.

Plus tard, Jennifer a rencontré un compagnon plus digne d'elle et a pu retrouver un peu plus d'autonomie, au moins sur le plan affectif. Notre dernière rencontre a eu lieu lorsqu'elle est venue m'annoncer éplorée que la Sécurité Sociale venait de refuser la prise en charge de son billet d'avion pour Paris. Un geste vital devait être fait d'urgence sur son estomac qui saignait. La pauvre malheureuse, se vidait de son sang et avait déjà reçu deux transfusions sanguines. Deux solutions s'offraient à elle pour survivre : soit l'ablation de l'estomac, soit une électrocoagulation qui ne pouvait s'effectuer en Guyane. J'ai dû la faire hospitaliser d'urgence et donner de la voix dans les bureaux des ronds de cuir de la sécu pour qu'elle obtienne gain de cause.

Aujourd'hui Jennifer a enfin pu prendre son avion. Elle est en ce moment hospitalisée à Paris, près de chez vous, et se débat corps et âme pour sauver son estomac.

Prions pour qu'elle puisse y parvenir.

mercredi 1 février 2012

AndiamoVacances de gamin

J’avais neuf ans, la guerre était finie depuis trois ans. Les « vieux » en parlaient encore, pour moi ça remontait à Mathusalem !

Vous l’avez sans doute remarqué : le temps ne s’écoule pas de la même manière quand on a neuf ans et quand on en a quarante. Ouais, je vous vois venir, tas d’hypocrites : le doyen, avec ses soixante-douze balais, qu’est-ce que ça doit filer… Ben oui : ça file !

Donc j’avais neuf ans et, après une année scolaire brillante (hi hi), ma mère nous dégotte par l’intermédiaire d’une grand-tante religieuse (vous marrez pas, elle était ADORABLE, ma tata !) une pension pour les vacances.

Elle servait (et le terme convient parfaitement) chez les filles de la charité. Mais oui, les sœurs en cornettes ! L’ordre de Saint Vincent de Paul. Elle faisait partie de la communauté basée à Clermont-Ferrand et comme la tantine était issue d’un milieu plus que modeste, n’ayant pas apporté de dot… qu’est-ce qu’elle a gratté ! D’ailleurs elle répétait souvent à ma mère : " la plus grande peine que me ferait ta fille serait qu’elle entre en religion !" C’est dire….

Donc ma brave tantine nous avait dégotté une pension pour ma mère, mon frère (12 ans), ma sœur (10 ans) et moi, un hébergement dans un hospice pour vieillards, tenu par des religieuses bien sûr, à Cunlhat (prononcez KIN YA), petite bourgade Auvergnate située non loin de Clermont-Ferrand.

Il s’agissait d’une grande chambre dans laquelle avait été dressés deux grands lits. Ma mère occupait l’un d’eux avec ma sœur, et moi je partageais l’autre avec le frangin, ça ne nous changeait pas, vu qu’à la maison nous partagions déjà le même pieu… Je ne te raconte pas les bagarres, mais j’en garde un excellent souvenir !

Mon père, lui, était resté à Paris, il travaillait durant ses vacances afin de nous permettre de partir. Pas riches certes, mais nous n’avons jamais manqué de quoi que ce soit.

Tous quatre nous prenons le train à la gare d’Austerlitz. Mon père nous conduisait toujours jusqu’à l’avant du convoi, afin de nous faire admirer la locomotive : une énorme machine noire, fumant de toutes parts, laissant échapper des jets de vapeur, des roues énormes, les immenses bielles et contre-bielles. La noble race des trains qui fument !

C’était sans doute, je l’ai appris plus tard, une « Pacific », ces locos vendues par les Américains après la guerre, dans le cadre du plan Marshall.

Les compartiments desservis par un couloir, nous voyagions en troisième classe (elles n’existent plus), huit personnes par compartiment, des sièges de moleskine… Verte la moleskine, les filets à bagages tendus au-dessus des places assises et, juste en dessous, des photos en noir et blanc, représentant des paysages de notre beau pays de France !

Bien sûr, nous avions emporté un peu de lecture, quelques illustrés, ou un livre ou deux de la comtesse de Ségur (née Rostopchine… t’as vu je m’en souviens encore !).

Pas le droit de parcourir le couloir, nous devions rester bien en vue quand nous nous y rendions, histoire de se dégourdir les guibolles !

Pour le casse-croûte, point de wagon-restaurant pour nous, le budget maternel ne le permettait pas. Le préposé passait avec sa clochette qu’il faisait allégrement carillonner, afin d’annoncer les différents services.

Ma mère déballait quand il était l’heure : sandwichs au pâté, au fromage, des œufs durs, sans oublier le dessert, quelques biscuits secs. En guise de boisson : de l’eau, précieusement contenue dans une bouteille de verre soigneusement « entortillée » dans un torchon humide, pour la conservation de la fraîcheur !

Tout le monde faisait de même, les conversations allaient bon train, les langues se déliaient au bout d’un moment, les trajets étaient longs. Après guerre, certains ponts et viaducs étaient encore en réfection. Ils avaient souffert des bombardements, le convoi roulait au pas au moment de la traversée et, j’avoue, mais je n’étais pas le seul… nous n’en menions pas large !

Enfin après mille tortures et de longues heures à se chamailler, rire aussi, nous arrivions en gare de Clermont. Tantine nous attendait, embrassades (pas fastoche avec la cornette !) et larmes de joie pour elle, qui ne nous voyait pas souvent :

- Comme ils ont grandi ! Toi, tu n’es toujours pas très gros ! Si tu avais autant de kilos que de frisettes !

Elle nous accompagnait jusqu’à la gare routière, et là nous prenions après mille embrassades un antique autocar ! J’ai revu les mêmes dans le film de Pierre Granier Deferre, "la veuve Couderc", et aussi dans celui de Jean-Loup Hubert, "le grand chemin"… Tu vois ?

Alors là, je ne me souviens plus si le trajet était long ou pas, nous arrivions épuisés, c’est sûr !

Repas pris dans un grand réfectoire en compagnie de quelques pensionnaires comme nous, puis dodo !

Le lendemain, un copieux petit déjeuner : chocolat et gros pain de campagne frais, beurre et confitures maison, la bouffe était bonne, j’en garde un bon souvenir.

Nous descendions au village, le vrai patelin auvergnat années quarante, les bouses de vaches partout, la grand’rue pavée, les autres remblayées avec de la caillasse, ça ne nous gênait pas, à Drancy dans ma rue c’était kif-kif !

Une grande place accueillait une foire toutes les semaines, un peu marché aux bestiaux et marché tout court.

Mais ce qui nous attirait le plus, c’était l’échoppe du sabotier située juste au pied de l’hospice.

Un tout petit atelier partagé par un père et son fils, un grand et fort gaillard le fiston !

Il était « monté » à Paris pour faire son régiment, et il en parlait ! A l’entendre, toutes les gonzesses de Pigalle portaient le deuil depuis son départ !

Nous le regardions tailler la bûche de bois, d’abord à l’aide d’un genre de massicot, puis avec des tarières, gouges et autres engins tranchants forts impressionnants pour un gamin, nous voyions les copeaux odorants voler sous ses mains habiles, et le bois informe prenait petit à petit l’allure d’un « esclop » !

Et je vous assure que cela allait très vite, il devait fabriquer si ma mémoire est bonne au moins une paire de sabots par jour, si ce n’est plus.

Il coulait en contrebas du village un ruisseau. Dans mes souvenirs de gamin, il était large, mais lorsque je l’ai revu une vingtaine d’années plus tard, il ne mesurait en fait que trois mètres de large à tout casser !

Nous nous y baignions, ou plutôt nous y pataugions, dans nos maillots de bains « tricotés main » par ma mère, ça ne sèche jamais ces saloperies de maillots !

Presque tous les jours, nous pêchions des vairons, que les sœurs nous faisaient cuire ! C’est amer comme tout, mais nous ne l’avouions pas, trop fiers de déguster notre pêche ! Parfois, nous allions tenter d'attraper des écrevisses, et là... c’était une autre affaire !

Tout d’abord, nous demandions bien poliment, tu penses, au boucher de nous mettre de coté quelques têtes de moutons. Dans ces villages, à l’époque, les petits commerces étaient encore bien présents : boucherie, boulangerie, mercerie, et même un casino, ou familistère je ne sais plus très bien.

Nous laissions dans un coin du grand jardin "faisander" les têtes de moutons, puis armés de balances toutes neuves nous partions à la pêche !

Les têtes disposées au fond des balances que nous mettions à l’eau. Il faut attendre deux bonnes heures au moins, nous recommandait notre mère, mais va faire comprendre la patience à des gamins !

Toutes les cinq minutes, nous relevions les balances, faisant fuir les bestiaux ! Le soir, c’est avec quelques dépressives écrevisses candidates au suicide que nous rentrions, priant les sœurs de bien vouloir nous les passer au court-bouillon !

Cette campagne était truffée de petits chemins coupant la route en plusieurs endroits. Point de tracteurs en 48, tu penses, en Auvergne les vaches servaient de bêtes de trait. Les paysans n’étaient pas bien riches, ils tenaient des fermes et non des exploitations agricoles ! Ils étaient paysans et non exploitants !

Quel noble mot que : paysan. Nous avons TOUS, j’en suis certain un paysan accroché à la boue de nos chaussures, et ça nous l’avons oublié.

Quand je suis retourné plus de vingt ans plus tard dans ce joli village, le casino avait disparu, le boucher aussi, les chemins sont envahis par les ronces, les tracteurs empruntent la route, laissant les vaches profiter, et donner beaucoup de bon lait que l’on ne pourra pas vendre ou alors à des prix…

Ah oui, l’échoppe du sabotier ? Fermée bien entendu, mais qui porterait des sabots aujourd’hui ?

Allez, on s’est bien fait NIKER !

Cette photo je l'ai chopé sur le net.

samedi 28 janvier 2012

Saoul-FifreLe journal de Ploux IV

Y'avait un bail. Les trop récents nouveaux commentateurs ne l'ont pas connue, mais j'avais amorcé il y a plus de six ans une série rurale genre "Le grogneur est dans le pré" dont vous pouvez trouver les premiers épisodes ici et puis là aussi

Sacré Ploux.

Hier soir, donc, c'était "Apéro des voisins".

Je me rappelle plus quel est le grand couillon qui en a eu l'idée en premier mais c'est le Jacquot de la Bastidonne qui m'a téléphoné la date, la semaine dernière. "Tu comprends, Ploux, on se voit qu'aux réunions professionnelles et aux enterrements, on pourrait essayer un truc plus sympa", qu'il a dit, "... et nos bazarettes pourront tchatcher ensemble, qu'elles se voient jamais ?"

Présenté comme ça, c'était tentant, mais... bon.

On devait s'amener avec "quelque chose" et j'avais choisi un beau Mathusalem de notre vin de garage. Cette bouteille de six litres étant appelée ainsi car qui en boit un par jour vivra très âgé. Et comme on est pas des rats, on avait dépendu deux, non : trois beaux saucissons, secs à point. On débarque, tous les consanguins et guines étaient arrivés, l'œil déjà bien allumé et le verbe fort. Sans perdre de temps en salamalékoums inutiles, je sors mon Laguiole "sommelier" et je fais retentir le doux bruit du bouchon qui n'en peut plus de se retenir de péter. Je remplis "pas plus haut que le bord" quelques verres qui se tendent, puis les nôtres, et, tout en me bourrant le pif d'odeurs puissantes et pinardières, je tends l'oreille aux avis des collègues dégustateurs.

'tain, les nuls ! Les opinions vont de "Je recrache aussi sec" à "Je vide mon verre dans le bac à fleurs" en passant par "C'est gentil d'avoir porté la vinaigrette" ! Je le crois pas. Un vin élevé avec tant d'Amour, objet de tant d'attentions ? Un nez époustouflant, une bouche épatante, un fond de gorge hallucinant...

"Vous n'y connaissez que dalle, bande d'assassins ; ah, passer le pulvérisateur quand le conseiller viticole vous téléphone de le faire, c'est à dire quarante fois la saison, ça : d'accord ! Facile : il est toujours attelé et avec vos rampes qui prennent dix rangées à la fois, c'est vite fait... Désherbants, engrais en pagaille, anti-ci, anti-ça, quand vous amenez vos raisins à la coopé, le jus il mousse comme si on avait trop mis de mini Mir ! Votre copain l'œnologue en remet une couche avec ses analyses, ses mixtures, ses cocktails du diable à odeur de soufre et voilà : un verre du résultat me donne la cagagne pour la semaine..."

"En fait : toutes vos drogues chimiques, vous y êtes accros et avec mon vin entièrement naturel, vous vous retrouvez en manque !"

L'ambiance était lancée, les regards se durcirent et ils se resservirent tous un jaune, couleur fédératrice entre toutes, dans notre beau pays du soleil. Ma douce coupa fin-fin un des saucissons et fit tourner la planche.

"Ho Robert", attaqua le Titin, un des viticulteurs les plus "modernes", "c'est bien ton mâle reproducteur, qu'on est en train de manger en tranches, là ? Tu me disais l'autre jour que tu savais pas quoi en faire, que la viande d'un mâle entier aussi vieux était immangeable et que personne en voulait ? Je suis content pour toi : tu as réussi à trouver un pigeon qui aime l'odeur de pisse !"

"Ah Titin mon Titin, tu ne sais pas tout ! Je vais rester discret sur le prix ridicule que je l'ai payé mais je peux te dire que je suis content de l'affaire : il n'était pas gras du tout et pour le goût, nous les Ploux on aime les produits qui ont de la personnalité. On est pas des chochottes citadines comme j'en connais..."

"Là, c'est vraiment les mouches à merde qui se moquent de l'écurie ! C'est pas toi, Ploux, le plus beau néo-rural bobo du canton, qui cherche à te faire passer pour un vrai paysousse, quand même ? Tu sais peut-être pas qu'on t'appelle "Monsieur le Marquis", dans le quartier ??"

"Mais, Noun de pas dieu, regarde comme tu te nourris, Titin ! Ta grand-mère doit se retourner dans sa tombe à chaque fois que t'ouvres une boite de cassoulet ! Ton congélateur est plein de plats cuisinés Agrigel et ton apéro, c'est "cacahouètes et Bâton de berger" ! Tu fais plus ton jardin, t'élèves plus ni poules, ni lapins et même l'amandier de ta cour, tu le récoltes pas car il faudrait casser les coquilles ? T'es devenu un gars de la ville et pis c'est tout."

"Même le thym et le romarin, tu les prends chez Ducros !"

Bon, c'est là qu'on a commencé à s'attraper par le pull et à se secouer, que les autres s'en sont mêlés, un peu pour aider l'un ou l'autre, un peu pour nous séparer, et puis tout le monde est parti chacun de son côté dans son chez soi en se lançant divers noms d'oiseaux pas valorisants.

Attendez, ça va me revenir, le nom du génie hors-concours qui a eu cette sublime idée d"apéro des voisins" !

mercredi 25 janvier 2012

Tant-BourrinTares trek (épisode 2)

An 2562. La Terre a, depuis près de trois siècles, intégré la Fédération intergalactique, regroupant des civilisations issues de milliers de galaxies différentes. Paix, connaissances et progrès règnent désormais en maîtres sur une immense partie de l’univers. Et chaque jour, des pionniers, à bord de leurs vaisseaux supraluminiques, explorent des espaces inconnus en quête de nouvelles planètes à pacifier.

Suite de l'épisode 1


A bord du Blogborygmus, le lieutenant Taanb-Ourhin, officier navigant issu de la galaxie Strictéraide, s'efforçait depuis des jours et des jours de réparer l'ordinateur de bord. Tout d'abord parce qu'il considérait que leur dernière chance de salut (même s'il estimait grossièrement leur probabilité de survie au-delà de six mois à 2,472 puissance moins 9613) passait plus par là que par les capacités de pilotage du caporal Andy Amo. Et ensuite pour occuper son esprit et en chasser les pensées capitainicides qui, malgré l'immense respect de la hiérarchie qui lui avait été inculqué depuis le plus jeune âge, avaient tendance à l'envahir.

Lire la suite

samedi 21 janvier 2012

La PouleUn détail de l'histoire

planche-poule-detail-de-lhistoire

Cliquez sur l'image pour voir la planche dans un nouvel onglet
puis zoomez en cliquant dessus pour la voir en vraie grandeur.

mercredi 18 janvier 2012

Scout toujoursBelote et re-belote

Ah ce trajet entre Paramaribo et Cayenne, j'ai dû le parcourir plus de cent fois. Deux fleuves à traverser sur des raffiots en ruine, et cette route à travers brousse, parsemée de ces énormes trous, propres à pulvériser le plus costaud des 4x4, et qui ne sont que les restes de la guerre des Jungle-commandos qui, après avoir trop forcé sur la beu avaient fait joujou avec la dynamite. Ces trous qui jadis avaient servi pour ralentir les convois militaires et les attaquer, leur servaient à présent à ralentir les voyageurs pour les braquer. J'ai encore le souvenir qu'un seul d'entre eux m'avait coûté la bagatelle de deux rotules, une crémaillère, un pneu, une jante, un roulement, et en guise de numéro complémentaire, un pot d'échappement.

Six d'un coup, un loto gagnant !

Arrivé à destination après huit heures de route, mazette, huit heures, aussi long que pour aller à Paris : c'est pas qu'on soit vraiment fatigué, mais on sent flageoler un peu ses rotules (ici les vraies). Cette fois-là, mon séjour à Cayenne s'était plutôt bien passé, mais je finissais ma semaine quelque peu éprouvé. Le dernier jour, mon voisin m'invite à prendre l'apéro. C'est un baroudeur, il a fait Madagascar lui aussi. J'ai pas trop de temps, un fax à envoyer à un fournisseur Italien, j'ai l'estomac qui crie famine, mais je peux rien lui refuser, j'accepte. Il me sert des bières de la taille d'un obus de 75, j'en bois trois, quatre, je sais plus, il est déjà presque minuit, je m'enfuis en titubant pour envoyer ce fax malencontreux.

En revenant du centre-ville, je vais au plus court et traverse le vieux Chicago (quartier mal famé de Cayenne). Au détour d'une rue, j'aperçois deux magnifiques blacks dont la plus belle me sourit. Elle m'appelle, et me baragouine quelques mots que je n'entends pas. Je ralentis, je m'arrête, et Boum ! Le piège : deux grands escogriffes noirs me sautent à la gorge. J'essaie de redémarrer, mais je suis arraché de la voiture. Je prends des coups, celui de droite est armé d'une bouteille de Kro. Il s'approche, je le cueille d'un crochet du droit en pleine poire. Je sens le choc, j'ai fait mal. Il fait une vilaine grimace, Aille, là ça va être ma fête ! L'autre s'approche, je le reçois d'un coup de pied dans le bas-ventre. Là, j'ai pas fait mal mais je parviens à le repousser. Ils hésitent, je les entends parler anglais, j'entends le mot "money". Ce sont des Georgetowniens ! Je profite de cet intermède pour me relever. Celui de droite a fui, je suis seul face à l'autre : "alors tu fais moins le fier maintenant que t'es tout seul !". Je l'insulte, le menace et lui hurle les pires insanités, il hésite puis fuit à son tour. Je ramasse la bière que l'autre a laissée et la lui jette en pleine poire. Il l'évite de justesse et prend la poudre d'escampette. Elle explose par terre. Rendu fou-furieux, je retourne à ma voiture et m'arme du gourdin que je garde toujours sur ma banquette arrière, je les poursuis à travers les ruelles, mais en vain. Ils se sont volatilisés.

A ce moment, j'aperçois une énorme flaque de sang sur ma chemise. Je la soulève : j'ai une entaille dans le lard ; ils m'ont troué la peau, ces vaches, et moi j'ai rien senti, même pas vu le couteau... Que faire, où me faire soigner?

Si je vais à l'hosto, avec mon taux d'alcoolémie, les pandores vont pas manquer de rappliquer pour me faire souffler dans leur baudruche. J'ai encore à l'esprit l'histoire du copain Jean-Luc qui comme moi s'était fait suriner pendant le carnaval de Saint-Laurent. Pour tout dédommagement il avait été gratifié d'une amende pour ébriété, alors que l'agresseur avait été relâché. Je retourne chez moi. J'appelle le chirurgien de garde. C'est Diouf. Il ne peut pas quitter son poste mais m'envoie chez sa collègue, Africaine elle aussi. En l'attendant devant chez elle, un brésilien ivre-bourré vient m'aborder. Il tombe bien celui-là, pour toute réponse, je lui montre ma chemise ensanglantée, il s'enfuit épouvanté. La chirurgienne m'examine. J'ai deux entailles dans le gras du bide, dont une de 2 cm juste au dessous du cœur et qui a l'air profonde (6 centimètres, peut-être plus). Elle n'a pas l'habitude, ça se voit. Bien gentiment, elle m'explique qu'elle va m'ouvrir le ventre, me dérouler l'intestin-grêle, me promettant, juré-craché, de tout me remettre en place si toutefois rien n'est endommagé ! J'ignore par quel divin miracle, mais subitement je me suis senti beaucoup mieux. La blessure que j'avais crue si grave, me semblait soudain insignifiante. "Non, Non! je vais très bien vous dis-je, allez soyez mignonne, refermez-moi tout ça et on n'en parle plus". J'ai du être bien convaincant car c'est exactement ce qu'elle a fait.

Le lendemain, je reprenais la route et racontai mes aventures à mes amis Surinamiens. Qu'est-ce qu'ils ont pu rigoler en regardant ma chemise, faut dire qu'elle était belle cette chemise, belle à encadrer : deux énormes entailles devant, les deux mêmes derrière avec la flaque de sang, comme si la lame m'avait traversé deux fois de part en part, sans compter deux entailles supplémentaires sur les côtés, six au total, j'avais certainement eu beaucoup de chance...

Quinze jours après, je suis à nouveau appelé à Cayenne. C'est samedi, la semaine a été rude, il fait chaud, je rentre épuisé du travail. Il est 15 heures, j'ai pas encore bouffé. Mon linge est sale et je veux le laver, mais pas l'ombre d'un lave-linge dans cette foutue maison qu'on m'a prêtée. J'aperçois une cabane dans le fond du jardin, ça doit être là-bas. J'y vais mais je dois traverser l'enclos dans lequel pataugent deux méchants pécaris [1] (sortes de sangliers aux canines longues comme le doigt). Je suis en short, ils s'approchent, leurs groins me reniflent les mollets, leur poil se hérisse. Là, je sens le danger, ces animaux sont dangereux, je le sais, mais trop tard ! L'un d'eux me mord la jambe à pleines dents. Je pousse un cri à la Coluche en secouant la patte, et miracle, il me lâche. Le sang gicle, mon mollet double de volume en quelques secondes, j'ai juste le temps de faire un garrot avec ma chemise, ça fait très mal. Je cours à nouveau téléphoner à l'hôpital. Et devinez sur qui je tombe ? Encore Diouf. Décidément il doit croire que je fais exprès, mon histoire le fait marrer. Quand j'arrive à l'hosto, la doctoresse qui m'examine pousse des cris horrifiés. Elle n'a jamais vu pareille jambe. C'est vrai qu'elle avait une drôle de bobine ma gambette, toute déformée qu'elle était : la chair meurtrie et les deux hématomes lui avaient donné la forme d'un énorme S boursouflé. Elle appelle son chef et me prescrit des pansements alcoolisés et un antibiotique, "ça s'ra tout pour aujourd'hui monsieur, rentrez chez vous, tout se passera bien".

De retour chez moi, je pisse le sang, la douleur est intolérable. J'ai peur pour ma jambe, ce truc va s'infecter c'est sûr ; pas envie de finir estropié. Je file à Kourou pour me faire soigner par un chirurgien que je connais : j'ai 70 kilomètres à faire, mais c'est le prix à payer pour sauver ma guibole, faut que j'y arrive. La route est longue, je roule, j'ai de la fièvre, la tête commence à me tourner; encore un effort, et j'y arrive enfin. Le chirurgien m'annonce non sans humour que je suis un sacré veinard : il vient d'en soigner un autre qui lui s'est fait totalement dévorer le bras par ce genre de bestiole. On évacue l'hématome, on pare les plaies, nettoyage au karcher : la bétadine sous pression rentre par une plaie et ressort par l'autre, ça me fait un mal de chien, mais c'est bon. Pour finir on m'enlève quatre tiques que le bestiau m'avait laissées en souvenir. Les deux plaies qu'ont laissées les canines sont énormes et très délabrées, de la taille d'une pièce de 2 euros. Elles me feront souffrir horriblement pendant près de trois semaines durant lesquelles la station debout me sera insupportable. J'examinerai donc mes patients sur une seule patte, la jambe repliée comme une grue. Qu'est-ce qu'ils ont pu rigoler de moi, tous mes malades... Eux aussi m'ont fait marrer, certains d'entre eux m'assuraient que si je voulais guérir, il me fallait tuer la bête et la manger...et j'ai failli le faire...

Notes

[1] Le pécari est l'animal le plus agressif de Guyane, surtout quand il est en troupeau, car il est le seul à attaquer l'homme. Les Jaguars, pumas, caïmans, anacondas et autres animaux n'attaquent jamais l'homme, contrairement aux idées reçues.

samedi 14 janvier 2012

AndiamoLe temps du tango




Léo Ferré l’a chanté :

Moi je suis du temps du tango
Où même les durs étaient dingos
De cette fleur du guinche exotique.


A dix-huit ans… Non, je n’ai pas quitté ma province, je suis Parisien. A dix-huit ans, un choix crucial et déterminant s’est offert à moi :

- Ou je persévérais dans les études…

- Ou j’allais à la gambille…

Car rentrer à trois plombes du mat et aller aux cours du soir le lendemain après le dîner… Tu vois ?

Alors j’ai choisi, et je ne danse pas trop mal !

Ça commençait le vendredi soir, avec mon pote Pierrot nous allions à Vespa rue de Clichy, dans un bouiboui appelé : "le petit jardin". Cherche pas, il n’existe sûrement plus !

Une salle bien sombre, un orchestre situé sur un petit balcon surplombant la piste, un peu comme au « Balajo » rue de Lapp. Et là-dedans des rombières bien plus âgées que nous à l’époque, nous avions dix-neuf ans, des chailles rangées comme à la parade et… et puis c’est tout, je ne vous ferai pas de confidences !

Elles dansaient bien les rombières, nous ça nous apprenait, elles étaient contentes de gambiller avec des jeunots, et pas trop regardantes si on leur écrabouillait les ribouis !

Le samedi, je préférais aller à la cambrousse, des petits guinches sous une sorte de marabout, comme dans la chanson de Sardou « les bals populaires », un plancher de guingois... L’orchestre ? Un accordéon, tu penses, une guitare, un batteur et un saxo… Et voilà : roule ma poule !

C’était quand même bien chouette, les jolies fiancées en robe juponnées à carreaux vichy, le bandeau à la Janique aimée, les ballerines aux pieds. On ne frimait pas, elles étaient là, on était là pour la roucoulade, le petit flirt du samedi soir, le mimi humide, la bise dans l’axe, parfois la main s’égarait….

Avec un peu de chance, un p’tit rancard pour le dimanche, le retour l’hiver sur la Vespa quand il fait bien froid… BRRR !

Et le dimanche c’était : remettez-nous ça la patronne, la promesse du week-end à venir, les jolis souvenirs pour la semaine en usine, vivement samedi !

Parfois, j’aimais aussi aller à Paris dans les « dancings ». L’un d’eux me bottait particulièrement : c’était le « Royal lieu » sur le boulevard des Italiens. Que de la frangine mariée ou divorcée, en goguette, venant se faire reluire, un coup de jeune, histoire de tester, de voir si elle pouvait encore emballer un mec plus jeune, histoire de se rassurer sans doute !

Moi, ça m’allait bien et comme le chantait Georges Brassens :

A vingt ans l'coeur se pose
Là où l'oeil se pose
Le premier cotillon venu vous en impose
La plus humble bergère est un morceau de roi


"Le moulin de la galette" les dimanches après-midi, une moto c’est facile à garer… Tiens, essaie aujourd’hui de placarder ta chignole !

Certains samedis soirs, je montais place du tertre, on arrivait à grand peine à garer la pompe, c'était duraille, mais pas impossible. Les cars de touristes y débarquaient, avec leur lot de jolies Demoiselles, Tony le chanteur qui nous goualait des chansons de Bruant. Le Paris by night de ces jolies touristes ? Flirter (pas plus hélas) avec un parisien, peut-être histoire d'amortir le voyage ? En tout cas ça nous profitait aux copains et à moi... Comme c'est loin !

« La grande roue », « le tourbillon » rue de Tanger dans le XIXème (ne cherchez pas, il a été rasé), des guinches « musettes », avec encore des vrais marlous ! Je n’y allais pas trop pour la gambille, mais plutôt pour le folklore !

Plus tard, j’ai testé « les boîtes » : quelle horreur ! J’allais au « kilt », un truc situé au rond point des champs Elysées, d’ailleurs les loufiats qui servaient la bibine, faisaient la saison l’été à Cannes au whisky à gogo, près du Palm Beach, je les connaissais.

Je préférais décidément les danses que j’appelais « de contact » plutôt que de faire le singe devant une fille qui elle aussi dansait seule !

Mais attends, la danse « contact », c’est le pied ! Tu te rends compte :

Tu invites une nana que tu n’as jamais vue, et d’autor tu la tiens dans tes bras, ta bouche contre son oreille, le bandonéon guimauve, la boule à facettes...

Qui balance aux quatre coins du bal
Tout un manège d'étoiles filantes.

Et puis... Et puis après la fricassée de museaux, on allait se taper une petite soupe à l'oignon, aux halles. Les halles les vraies, celles qui subsistaient encore près de Saint Eustache, la cambrousse à Pantruche !

Par dessus la "gratinée", le muscadet sur lie, point de ballons ni d'alcootests, un peu craignos ? Sans doute, mais bon : c'était comme ça !

Et bien sûr le « Balajan » à Montfermeil : je lui avais consacré un p’tit billet il y a un moment. Le « Balajan », c'était encore la guinguette, avec juste à côté l'étang, parsemé d'îlots, sept en tout. On louait une barque, puis on emmenait la jolie fiancée : l'embarquement pour Cythère... ou presque !

Que j'ai passé de beaux dimanches
Les belles venaient en avalanche
Et vous offraient comme un cadeau
Rondeur du sein et de la hanche
Pour qu'on leur fasse danser l'tango

(Jean Roger Caussimon, pour les paroles, bien sûr !)


Le Mikado était un guinche situé pas très loin du boulevard Rochechouart entre Anvers et Pigalle, j'y suis allé une fois, le dancing était situé en sous-sol, à l'époque un vrai coupe-gorge ! Il ne m'a pas inspiré plus que ça, alors j'ai fait demi-tour et basta...

< 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 >