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lundi 20 avril 2009

Mam'zelle KesskadieL'envolée

Dans le petit matin du nord, la fille du nord était assise sur le bord de la 101.

À un mille de distance, on ne voyait pas d’autos ni à gauche, ni à droite.

Dans le petit matin frisquet de novembre, la fille du nord donnait du pain à un corbeau gros comme un chat noir devant elle.

Il n’y avait pas encore de bruits, l’air était sec et les champs alentours avaient cette barbe blanche des petits matins avant la neige.

L’asphalte était zébrée de noir. La ligne jaune s’écaillait à l’infini devant .

Les fourmis dormaient pour l’hiver dans le sol déjà gelé. Rien d’autre que des engins à quatre roues ne pouvaient arriver dans l’histoire qu’écrivaient ses mains livides et le corbeau sombre.

Rien d’autre, pensait-elle. Rien.

De ses doigts blancs de froid rougis de sang, elle tendait morceau après morceau la chair tiède à l’oiseau.

Bientôt, il lui faudrait choisir. Ce côté ci de la route pour le nord, l’autre côté pour le sud. Un côté pour ses racines, l’autre pour la cime de ses ambitions.

Et ses tripes au milieu du chemin.

Emmenées dans un truc à quatre roues, quelque part loin d’un côté ou de l’autre.

Et du bord du fossé fumait à peine le cadavre de l’entremetteur entre le ciel et son destin.

La blessure avait tranché dans le cou, à la bonne place , un trait avait suffit malgré son inexpérience.

Il avait bien gigoté un peu pour la forme, écroulé dans le fossé.

C’était son destin à lui de lui donner son avenir à elle.

Le corbeau s’irrita d’un moment d’hésitation quand elle avait regardé de nouveau le corps mort. La vie criait sa faim.

Et elle, quand serait-elle rassasiée? Les maigres racines du nord ne pouvaient plus suffire. Les cieux enfumés de par là-bas obstruait la vue des jardins d’Éden.

Ce côté ci, de l’autre bord?

Ronronnait au loin une machine en crescendo indécent vers l’indécise. Quand elle passa dans le fortissimo de son intrusion, le chauffeur aperçut la fille et dans le rétroviseur le cadavre.

Il recula.

C’était un policier.

Il regarda dans le fond du fossé. Ausculta l’arme en connaisseur. Un peu incrédule à la vue d’une femme qui s’en serait servi.

« Ouain.. » dit-il. « Qu’est-ce que tu vas en faire? »

« Sais pas. Je sais pas quoi faire ». Répondit-elle.

« C’est sûr qu’un orignal pour toi toute seule, c’est du gaspille. Tu as une famille pas loin qui pourrait venir le chercher? »

Le corbeau s’était envolé sur un poteau téléphonique qui bordait la route. Elle le regarda comme s’il pouvait avoir une réponse.

Venir chercher la viande… son corps vivant, le corps allongé. Si elle était un buck femelle morte, ou corbeau volant, saurait-elle plus où sa vie mène à la satiété?

« Je vais à Montréal. Faites-en ce que vous voulez. Il est frais tué de cette nuit. »

« Ton arc, tu fais quoi avec… »

Elle prit l’arme, ajusta la flèche qui avait transpercé la bête encore maculée de sang. Elle visa le corbeau qu’elle venait de nourrir.

Le policier ricana, un peu niaisement.

Elle le tua.

Et partit avec son auto, loin, en laissant le corbeau manger les tripes de l’orignal.

Ou le policier.

Elle ne se tourna pas pour savoir la faim d’autrui , elle cherchait sa fin propre.

samedi 18 avril 2009

AndiamoDes villes qui font rêver

Quand j’étais petit, il y avait des noms de villes, de pays ou de lieux qui me faisaient rêver, sourire, voire franchement me marrer, ou bien qui me faisaient peur.

Les villes qui font rêver tout d’abord :

- Samarkand ! C’est où Samarkand ? En… Et puis non tiens, cherche ! Ouvrir un dico, ça ne fait pas de mal ! Soyons franc : jusqu'à aujourd’hui, je ne savais pas non plus ! Samarkand, ça sent les épices, le jasmin, on voit les palais, les harems. Samarkand, c'est l'orient fabuleux, celui de mon enfance, loin des conflits et de la violence.

- Bagdad, y’en a qui se marrent ! Je l’attendais, mais je veux parler du Bagdad d’avant le pétroleum ! Bagdad des mille et une nuits, la belle Shéhérazade, le film magnifique à mes yeux d’enfant avec Sabu : "le voleur de Bagdad", les tapis volants, la lampe magique, le génie balèze torse nu, le crâne rasé, seule une très longue natte pendait derrière sa tête, impressionnant !

Après avoir vu le film, de retour à la maison assis en tailleur sur un vieux sac de patates, j’essayais de m’envoler au dessus des palais et des mosquées !

- Nijni-Novgorod, le beau film Russe : "le tour du monde de Sadko", dans la Russie des tsars, le héros doit affronter des tas d’épreuves, un peu comme Ulysse en quelque sorte.

- Tombouctou, c’est drôle et mystérieux à la fois, devant moi défilait le Hoggar, les oasis, les Touaregs, tu te rends compte ? Les hommes bleus, vêtus de leurs gandourahs, ne laissant apparaître que leurs yeux, les princes du désert, fiers, assis en tailleur, pieds nus sur leurs méharis. C’était L’Atlantide, Pierre Benoit, la Belle Antinéa, j’aurais bien aimé être le capitaine Morange !

- Yokohama, le Japon, le Fuji-Yama se dressait devant moi le cratère tout blanc, à ses pieds les cerisiers en fleurs, la vraie carte postale ! Moi, c’est comme ça que je voyais le Japon, pas celui d’Hiroshima ! Les pousse-pousse dans les rues, les toits pagodes et, à chaque coin de rue, Mitsuhirato, l'infâme.

- Calcutta, Pondichery, les Indes… Des bêtes effroyables surgissaient, des tigres, des panthères noires, des cobras, je lisais Kipling, j’avais 12 ans, Rikikitikitavi n’avait pas de secrets pour moi (je viens de l’écrire de mémoire sans me gourrer), la courageuse petite mangouste qui tuait le vilain cobra royal, dans un combat singulier… Epique !

- Le Kamtchaka, comme le mot est plaisant à prononcer : KAM TCHA TKA. Il s’articule bien dans la bouche, c’est joyeux, et puis c’est très loin : sur un planisphère c’est à l’autre bout de la planète, alors pensez, ces gens du bout du monde ne viendraient jamais égorger nos fils et nos compagnes ! Tranquilles qu’on était, sereins, confiants.

D’abord : c’était nous qu’on avait le plus bath pays du monde et des environs… Alors !

- Mais la région du globe qui nous faisait le plus marrer, c’était le JUTLAND. A l’énoncé de ce beau pays, la classe pouffait, et chacun de répéter : le JUTland, waouh ! La honte crêcher dans un bled pareil, ça devait glisser méchant ! Une fois la première vague de rires apaisée, l’instituteur reprenait les troupes en main.

C’était : bande de crétins, idiots, imbéciles ! La grosse gomme volait bas, il visait bien la vache, et PAN ! En pleine poire, fallait pas moufter et rapporter la gomme de surcroît ! Pas sûr que les profs puissent en faire autant aujourd’hui sans encourir les foudres des parents et de leur hiérarchie. Autres temps……

Si j’avais ramené ma fraise, j’en aurais pris une autre de fraise, et pas sucrée celle-là, alors je ne mouftais pas.

- Salamanque, ça ressemble à Samarkand, alors je confondais, et puis à part aujourd’hui, je n’ai jamais vraiment cherché à savoir où c’était : tant pis pour eux !

- Istambul, voilà une ville versatile, elle a changé de nom tout au long de son histoire, un peu comme une gonzesse qui n’arrêterait pas de se marier puis de divorcer, une inconstante, une hésitante, une p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non ! Alors voilà : un coup c’est Byzance, un autre Constantinople, puis Istambul, au gré des conquêtes et des coucheries, une belle certes, mais une belle un peu volage.

- Bamako, en voilà un nom rigolo quand on a 12 ans, BA-MA-KO, ça sonne comme noix de coco, c’est sucré, ça vient de loin, ça sent l’Afrique, dans nos têtes de mômes, c’était Tarzan, la forêt tropicale, les lions féroces, les éléphants amis de l’homme. J’ai appris depuis qu’il fallait se méfier de ces bestiaux-là quand on croisait leur chemin, mais enfin, là où j’habite, à six heures le soir, ils ne descendent pas jusqu'à la Seine pour boire, non, ils ne descendent pas !

- Et le lac Titicaca ? En voilà un qui nous a fait bien marrer et ça continue encore, rien à foutre de savoir où il était ! Dans les Andes ? Il aurait été dans ma cave que ça m’aurait pas plus impressionné. C’était le nom qui nous éclatait, il m’en a valu des 100 lignes quand, une heure après le cours magistral sur cette saloperie de lac, le voisin de pupitre me balançait en loucedé et à voix basse : Titicaca, je pouffais bien entendu et paf ! Oeil-de-lynx qui avait tout vu, sauf le souffleur, me collait une péno à faire signer !

- Le Kilimandjaro, rigolo aussi celui là, ça sonne comme guili-guili, je ne sais pas pourquoi mais très longtemps étant môme je l’appelais le KiLILImandjaro, comme si ça n’était pas assez compliqué comme ça !

- Zanzibar, elle m’a fait bien rire, celle-là aussi !

- Maracaïbo ! La mer des Caraïbes ! Et c’est toute la flibuste qui me saute au visage, Errol Flynn, "le vagabond des mers", la rousse flamboyante Maureen O’Hara dans "à l’abordage", je me souviens de son surnom de femme pirate : la rafale.

Mon cinoche se mettait en marche, les riches galions Espagnols abordés par les pirates justiciers, des Robins des bois des mers, le foulard noué sur la tête, une large ceinture en tissu, toujours rouge, ceinte autour de la taille, le sabre entre les dents, les grappins jetés par-dessus bord : CLAC,CLAC,CLAC, pas de quartier, ça ferraillait sévère sur le gaillard d’avant, mais jamais de sang, on avait l’hémoglobine modeste à l’époque, les combattants prenaient plus de coups de pieds au cul et de coups de poings dans la gueule que des sabres en travers de la tronche ! Ah si les maths m’avaient fait autant rêver, mais va prendre ton panard avec un cosinus ou avec Pythagore !

Enfin au sommet du rêve : HOLLYWOOD ! Toutes les belles actrices Américaines : Marilyn, Ava , Maureen, Grace, Lana, Ingrid, Rita et Liz… (vous avez remarqué : je les appelle par leurs prénoms, ne soyez pas jaloux !). Où êtes-vous, blondes platines, rousses incendiaires, brunes assassines ? Envolées mes étoiles, bien rangées dans les cinémathèques.

Les villes qui faisaient peur c’était : Berlin de triste mémoire juste après la guerre, pas franchement en odeur de sainteté ! Pearl-Harbor, Midway, Okinawa, les war-birds, qui nous faisaient hurler dans nos cinoches de quartier, les héros Américains qui écrasaient les Japs ! On applaudissait, on trouvait ça "drôlement chouette", les P 45 Curtiss, les P 51 Mustangs, et autres F 4U "Corsairs" immortalisés bien plus tard par : pappy Boyington, les « zéros » et autres Nakajima n’avaient qu’à bien se tenir !

Sur le chemin du retour j'écartais les bras, j'imitais les moteurs vrombissants, et je t'assure j'étais alors un "thunder bolt" ce fabuleux chasseur bombardier Américain, armé d'une torpille !

On était minots, on ne savait pas, la guerre pour nous, c’était seulement des chouettes batailles sur un écran, de la "führer", de l’héroïsme, et le bon GI qui finit toujours, toujours par gagner !

- Dusseldorf, à cause du vampire du même nom, ça m’foutait l’trac, j’imaginais une ville toute noire, poisseuse, avec à chaque coin de rue un mec en noir portant une grande cape… Tain la chiasse !

Et puis, bien sûr, Auschwitz, Berkenau, ou Buckenwald !

Juste après la libération, les photos des camps circulaient beaucoup, des expositions avaient lieu un peu partout, sur la place de la mairie ou bien au marché, et pour un gosse, c’était très impressionnant !

On ne connaissait pas Beyrouth, personne n’aurait été capable de vous donner le nom de la capitale de l’Afghanistan.

Mais il y avait d’autres lieux tragiques oubliés aujourd’hui : Dien Bien Phu, le 36ème parallèle, la Corée, et plus tard : les Aurès !

A chaque époque ses conflits… A chacun son histoire…..

jeudi 16 avril 2009

Saoul-FifreGuten tag

Ben oui : "guten" parce que ça tombe bien. On s'est fait inviter ce soir dans un traquenard copieusement arrosé. Repas portugais, tapas diverses, calamars frits, rillettes de sardines, pois chiches en salade, riz porc-amandes de mer, tout ça inondé sous du vinho verde, fromages de chèvres, pâtisseries maisons, pousse-café, pas de café pour moi, merci...

Alors le billet, ben pour être tout à fait franc, je me le sentais pas, ce soir.

Et la proposition de ma coche préférée, heu : COACH préférée, tombe à pic.

Ha qu'il est doux de se faire taguer quand on a un trou dans sa couche de jaune. Surtout que le tag a l'air simple : une photo.

J'ai pu jadis, sur le coup de la colère, prononcer des mots très durs contre les chaines et tous les chaineux. Mais là, adjugé c'est vendu, je me laisse taguer sans plus me débattre..

La troisième du dernier dossier, donc.

Il y aurait beaucoup à dire sur la qualité technique de cette photo, mais nous aimons cet endroit mythique.

mardi 14 avril 2009

Tant-BourrinDans mon blizzard mental

Encore une petite excursion dans le monde merveilleux des auteurs-compositeurs-interprètes.

Mais avec l'appui ô combien précieux de Songsmith pour la musique, vu que compositeur... hem... je ne le suis pas vraiment.

Mais en faisant du talk-over plutôt qu'en poussant la note, parce qu'interprète... hem... je ne le suis pas vraiment.

Mais en essayant d'y mettre du texte-appeal, parce qu'auteur... hem... c'est à vous de juger ! :~)




Dans mon blizzard mental

Paroles : Tant-Bourrin
Musique : Tant-Bourrin (bien aidé par Songsmith !)


Téléchargeable directement ici

Dans mon blizzard mental,
Au milieu des décombres
Du sens fondamental
De ma vie, est une ombre,

Un éclat, un semblant
Ou plutôt une esquisse
Qui s'affine en tremblant
Dans un jeu de prémices.

Ce cocon hasardeux
Sans fin se remodèle
Dans le feu vaporeux
D'une intime chandelle,

Se fait chant puis saison,
Se transforme en nuage
Et dévêt la raison
De son dernier feuillage.

Détissant de ses mains
La gangue évanescente,
Un corps parait soudain
Comme une aube naissante

Et ce corps est le tien,
Ma superbe chimère,
Et ce corps-là détient
L'innocence primaire.

Tu t'approches de moi
Jusqu'à mêler nos souffles,
A unir les émois
Que nos coeurs emmitouflent,

Et mon âme en jachère
Sent glisser, clandestines,
Aux confins de ma chair
Tes envies serpentines.

La pulpe de nos doigts
Prend alors la parole,
Et tous nos sens ondoient
Comme vapeurs d'alcool.

Puis, je veux t'allonger,
Nue de toute amertume,
Avant que de plonger
Ma corne dans ta brume.

Mais mon blizzard mental
Brusquement se réveille,
Et son souffle fatal
Déchire ton soleil,

Efface ton regard,
Lacère ton image,
En me laissant, hagard,
Au soupir des mirages.

Je t'écris, depuis lors,
Chaque jour mille lettres
Dont chaque mot t'implore
De bien vouloir renaître.

Et j'inscris lentement
L'adresse sous le timbre :
Mon amour firmament,
Au zéro, rue des Limbes.

dimanche 12 avril 2009

Mam'zelle KesskadiePlus jamais le mensonge

Ils ont fait l’amour une première fois en disant que ça serait la dernière, qu’ils seraient perdus. Il firent l’amour une deuxième fois en se jurant qu’ils cesseraient ce jeu fou.

Ils arrêtèrent de vouloir compter dès la troisième.

Vers la fin du mois, comme ils s’étaient vus à chaque jour, ils avaient perdu le sens de l’interdit et retrouvé celui du jeu.

C’est ce qui les perdit. Il riait, elle aussi. Dans leur petit village, personne ne riait comme ça, sauf les jours où l’alcool pouvait couler, comme au yum kipour, aux noces, mais , entre deux sabbats, le troisième jour de la semaine, dans l’après-midi, des bruits de rire …….. de quoi alarmer le bon peuple.

On les découvrit, elle et lui, dans les bras l’un de l’autre. Elle la femme de Joachim, lui, le frère de Jonas, deux adultères.

Le bon peuple la tira hors de la maison par les cheveux sur la place publique. Justement celui qui se donnait des airs de connaître la loi mieux que le grand sanhédrin était là. Alors, jubila le bon peuple besogneux, celui qui parlait d’amour et de pardon, de quoi parlerait-il enfin devant le flagrant délit ?

Elle attendait, prostrée, le jugement. Elle connaissait la loi. Elle connaissait son époux, elle savait son devoir.

Fille d’hébreux, fille obéissante, fille qui avait fermé les yeux sur le prochain, fille qui avait ouvert son cœur plutôt que la loi.

La voici femme publiquement pécheresse, femme qui avait menti à sa famille sur ses allées et venues, femme qui mentait à son mari le soir en se fermant les yeux pour l’accouplement, femme qui mentait à ses enfants en leur disant sa croyance en la loi.

Femme adultère. Femme à qui jeter la pierre, femme à tuer pour ne pas que vive la déviance aux dictats millénaires.

Le christ répondit : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre. »

Puis ils se trouvèrent seuls, elle et lui.

Elle n’osait pas bouger. Elle était encore sous l’emprise de la loi.

Lui, il lui demanda : « Où sont ceux qui te persécutaient ? »

Elle répondit : « Ils sont partis. »

Et lui de dire : « Va et ne pèche plus. »

Elle de se lever et de marcher jusqu’à sa maison. « Ne pèche plus , pourquoi aimer est-il péché, Monseigneur ? »

De l’habitude qu’elle avait depuis son enfance de se taire, elle n’avait pas osé poser la question. « Pourquoi permet–on aux prostituées et empêche-t-on une femme de donner son corps à celui que son âme aime ? Où est le péché ? »

Son mari l’attendait, outré. « Tu m’as menti ! »

Indéniablement, elle ne pouvait pas nier. C’était mal, elle le reconnaissait sans un mot, en reprenant la besogne.

Elle revit Jésus de Nazareth, elle revit le visage du frère de Jonas…

« Je ne mentirai plus, je ne pécherai plus » dit-elle.

Mais elle partirait demain avec celui que son cœur aime.

Non, elle ne mentirait plus.

jeudi 9 avril 2009

AndiamoElle est là !

Depuis un bon moment, je voyais pousser sur les toits, ancrés aux cheminées, d’étranges râteaux, signes extérieurs de l’arrivée récente de la TELEVISION.

Nous sommes dans les années cinquante, dans ce quartier de Drancy dont je vous ai souvent parlé. Ça n’est pas encore une forêt d’antennes qui a envahi nos toits, non c’est un arbuste par ci, un autre par là. J’ai une douzaine d’années, les seuls écrans que j’aie jamais vus trônaient dans les vitrines des revendeurs en électroménager, ou marchands de radios comme nous les appelions, nous les mômes.

Il fallait nous voir agglutinés devant la vitrine du revendeur des six routes de Bobigny, le jeudi après-midi, vers seize heures, il y avait des petites émissions destinées aux enfants, une boutique fabuleuse ! LE poste de télévision, trônant au milieu des postes de radio "à lampes", des moulins à café électriques ou des premiers robots ménagers.

Par contre, les émissions commençaient assez tard dans la semaine, pas avant dix-huit heures !

Avant, cela s’affichait : "la mire" représentant un cavalier, et servant au réglage du téléviseur pour les professionnels, le quidam n’aurait jamais osé toucher à un quelconque réglage, hormis les énormes boutons mis à sa disposition au devant de l’appareil, les autres réservés aux techniciens bien à l’abri derrière un cache, pas touche !

J’ai inséré l’image de cette fameuse "mire" avec son sigle : RTF, radio télévision Française. Il faut vous l’imaginer avec les coins extrêmement arrondis et non pas à 90 degrés comme représentés.

Les parents de mon petit voisin Daniel, dont je vous ai très souvent parlé, ont eu la télé bien avant nous, alors parfois le jeudi après-midi, il m’arrivait d’aller regarder des émissions pour la jeunesse, seulement les jours de pluie ou de grands froids, parce que les journées de grand soleil, ou de temps supportable, je préférais, et de loin, la rue et mes copains.

Un truc me revient : un chien nommé tabac, assez facétieux sorte de grosse peluche, auquel il arrivait des aventures en compagnie d’enfants. Vous voyez ça aujourd’hui, appeler un chien TABAC à la téloche dans une émission destinée à la jeunesse ?

Eh bien ça ne nous faisait pas cloper précocement, une taf par ci par là, bien sûr, mais je n’ai fumé régulièrement qu’à dix-huit ans, quand j’ai commencé à travailler.

Et puis, aux environs de ma seizième année, la sœur de mon père, qui se trouvait par le plus grand des hasards être également ma tante, nous a offert une télévision !

Je le revois encore ce téléviseur : un Ducretet-Thomson, habillage en acajou, bandeau en matière plastique blanc sur le devant, des gros boutons moletés pour le réglage de l’image, point de télécommande bien sûr, c’est venu beaucoup, beaucoup plus tard, et puis à quoi bon ? Il n’y avait qu’une seule chaîne, la deuxième chaîne est arrivée en 1962 si ma mémoire est bonne.

Nous allumions le poste un peu à l'avance, le temps qu'il chauffe, il s'écoulait un bon moment avant qu'il ne s'allumât.

Je nous revois, mes parents, mon frère ma soeur et moi, fixant le rectangle tout noir, attendant que l'écran magique s'illumine...

Vous n’avez pas idée de l’évènement que c’était ! L’arrivée du cinéma chez soi ! Il faut dire que ces postes étaient extrêmement coûteux, le poste plus l’installation de l’antenne représentaient trois à quatre mois de salaire pour un ouvrier ! A l’époque.

Alors que dire d’un réfrigérateur, une voiture ou un lave-linge ? Nous n’y pensions même pas !

Le journal télévisé présenté par Claude Darget, Léon Zitrone, Georges Decaunes (le papa d’Antoine), mon père s’installait confortablement devant l’écran, sortait sa blague à tabac, remplie de "gris" ou, les jours fastes, de "scaferlati supérieur" appelé plus communément le bleu (en référence à la couleur du paquet).

Puis il tirait du cahier OCB, ou RIZ LA CROIX, une feuille de papier à cigarettes (ça remue des souvenirs !) et s’en roulait une calmement, posément, un coup de léchouille sur le mince filet de colle, petit pincement entre le pouce et l’index de chaque extrémité de la clope, il tirait de sa poche un briquet à essence en laiton, frottait la molette, la flamme jaillissait, accompagnée d’une volute de fumée bien noire, il tirait la première bouffée… Une quinte de toux, c’était la rançon du fumeur invétéré qu’il était. Mais bon, à cette époque, quasiment TOUS les hommes fumaient !

Ainsi on attendait avec une certaine impatience l'émission "trente-six chandelles", présentée par Jean Nohain et André Leclerc. J’y ai vu débuter Fernand Raynaud, Raymond Devos, Annie Cordy, et bien d’autres…

Des invités prestigieux : Maurice Chevalier, Tino Rossi ou encore Luis Mariano... TAIN c'est la rubrique "nécrologie" que je suis en train de vous faire !

Et surtout en 1963 l'émission de Jean-Christophe Averty : les raisins verts, sans doute la première émission qui s'est servie des "trucages" électroniques, MONSIEUR Averty faisait de la télé lui ! Et non pas du music-hall, ou du théatre en format réduit. Et lorsqu'il a passé des baigneurs en celluloïd à la moulinette... LE scandale ! Des bébés à la moulinette, ça grinçait des dents dans les chaumières, j'avais déjà lu mon premier Hara-Kiri, personnellement je me suis bien marré, il avait fichu un sacré coup d'plumeau ce Jean-Christophe là !

Les présentateurs en smoking, et même en "frac" avec la queue de pie ! On était bien loin des tenues décontractées, voire cradingues. Tout compte fait, c’était une façon d’aller au spectacle, s’endimancher comme on disait alors.

Sur le petit écran, l’étrange lucarne chère au canard enchaîné, c’était le grand chef cuisiner Raymond Oliver, flanqué de la speakrine Catherine Langeais, qui concoctaient des plats dignes des meilleures tables. Mon père notait scrupuleusement les recettes, mais quand ce cher Raymond commençait à émincer des truffes, ou à faire rissoler du foie gras, il abandonnait : trop cher pour moi, lâchait-il tristement.

Eh oui ! Nous avions des speakerines : Jacqueline Joubert ( la maman d’Antoine Decaunes), Jacqueline Caurat et Catherine Langeais. Les Huet, Fabre, Peysson, et autres sont arrivées bien plus tard, je vous ai cité les pionnières.

Des femmes "bustes", bien sagement assises, cadrées au niveau des épaules, jamais plus bas ! Ah la la ! Ça ne nichonnait, ni ne cul montrait en ce temps-là ! De la tenue, je me souviens de la gentille Anne-Marie Peysson, speakerine, enceinte, elle présentait "intervilles" avec Guy Lux et Simone, les producteurs l’avaient assise dans une sorte de guérite, on ne lui voyait QUE la tête !

Ah ben tu penses, montrer un joli ventre rond à la télé, quelle horreur ! Pourtant quoi de plus beau qu’une femme enceinte ? Tous les hommes craquent à la seule vue d’un bidon bien arrondi !

Les premiers polars écrits pour la télé, je pense aux "cinq dernières minutes", avec en vedette Raymond Souplex (qui se souvient de l’émission de radio : "sur le banc" avec le même Raymond Souplex et Jeanne Sourza , deux clodos qui à la manière des chansonniers commentaient l’actualité).

Souplex jouait l’inspecteur Bourrel, flanqué de son adjoint Dupuis, et le fameux "bon Dieu mais c’est bien sûr", quand notre inspecteur préféré, coiffé de son inséparable galurin, venait enfin de résoudre l’énigme.

La première histoire proposée, je la cite sans l’aide d’internet oui oui, s’intitulait "la boîte de pastilles", l’histoire d’un mec, qui pour se débarrasser de sa belle-mère lui prépare des pastilles très peu consommables, il a tout de même des facilités, puisqu’il travaille dans un labo pharmaceutique, (ne me demandez pas la recette : je ne l’ai pas !).

"La tête et les jambes", présentée par Gravillon jolie flaque, pardon Pierre Bellemare. Un concurrent devait répondre à un questionnaire (la tête) tandis que son co-équipier, un sportif (les jambes) connu ou non, à chaque chute de l’ intello, devait le repêcher en effectuant un exploit : saut en hauteur, la barre montant à chaque épreuve, tir à l’arc, ou encore levée de poids.

C’était aussi "l’homme du vingtième siècle" présenté par Pierre Sabbagh. Plusieurs concurrents confrontés à un questionnaire. C’était aussi "cinq colonnes à la une", un magazine d’actualités présenté par des "pointures" du journalisme : Pierre Dumayet, Pierre Desgraupes, Pierre Lazareff et Igor Barrère. On était bien loin de la star ac’ et des brebis goualeuses !

Dans une de ces émissions, j’ai vu un chien à deux têtes, la seconde lui avait été greffée sur le cou ! C’était une expérience menée par les soviétiques, chacune des têtes aboyait ! Ces images m’avaient choqué.

J’ai bien sûr vu débuter Michel Drucker en journaliste sportif, j’ai vu le bon et brave Roger Couderc et ses "petits", tu aurais vu Albaladejo et Spanghero ! Tu parles de colosses oui ! Le catch tous les vendredi, l’ange blanc, Guettier, Delaporte l’infâme. Le journaliste Claude Darget qui s’était pris un pain parce qu’il avait osé dire que c’était du chiqué !

Cette télévision-là, toute tremblotante, débutante, avec ses interruptions momentanées de l’image, que vous voudrez bien excuser.

Pour nous faire patienter sont venus les interludes : poissons dans un aquarium, moulins en Hollande, tournant incessamment, et plus tard le petit train rebus…

Cette télévision paraîtrait bien désuète de nos jours, les images se sont beaucoup améliorées, la qualité des programmes également, quoiqu’en pensent certains. Bien sûr, il faut choisir ses programmes, ne pas avaler les émissions du style : caca-prout ou la vie vue à travers le trou d’une serrure !

Nous n’étions pas un public difficile, nous étions peu habitués à recevoir des images, dans le meilleur des cas, nous allions au cinoche une fois par semaine, je parle pour les jeunes, car je n’ai guère vu mes parents se rendre dans une salle obscure, ils n’en avaient pas les moyens.

Alors l’arrivée du cinéma chez soi a été une énorme joie, qui a tout de même permis à bon nombre de gens de découvrir le monde, et je ne crache pas sur ce que j’ai beaucoup aimé.

Voici ce à quoi ressemblaient nos téléviseurs dans les années cinquante, ne vous marrez pas, les écrans mesuraient déjà 42 cms, alors que la génération précédente possédait des écrans de 36 cms seulement ! Et les images en noir et blanc... Bien sûr.

Pour les cinéphiles (et les autres) : quelle image d'un film qui connu un certain succès à son époque est présente sur l'écran ?

-Un p'tit coup d'pouce : le film est sorti en : 1959... J'avais tout juste 20 berges !

-Qui a dit : "quel vieux c.." ?

mardi 7 avril 2009

Saoul-FifreSur la route de mes fesses

Quand le soleil se rapproche dangereusement de l'horizon, un ressort déclenché par l'instinct me fait me lever et je lance à la compagnie avec laquelle je suis pourtant en train de partager de conviviales agapes apéritives une phrase du genre : "Je vais m'occuper de mes poules", ou bien : "Mes poules m'attendent", ou encore : "Vous connaissez pas mes poules, vous, elles aiment pas que je leur pose un lapin !".

Je n'ai jamais compris pourquoi, mais ces remarques anodines d'un brave éleveur de volailles allant nourrir et enfermer sa basse-cour pour la nuit a le don de faire s'esclaffer tous les présents.

Bizarre, non ?

Moi ce qui me fait rire aux éclats d'Ubu, c'est par exemple cette chorale .

Quand il s'agit de La poule, avec une majuscule, je n'emploie plus le pluriel : elle est unique.

Il y a déjà un moment, elle m'a envoyé par mail un simple titre : "Sur la route de mes fesses", avec injonction pressante d'écrire une parodie du tube mythique d'Eddy Mitchell . Craignos, bien sûr, de s'attaquer à ce monument, mais ça ne se refuse pas.

Commença un boulot d'écriture sous angoisse, ce sacré Eddy, parolier lui-même, venant lire par dessus mon épaule, la nuit, les insanités que je couchais sur le papier, et un énorme boulot musical surtout, car les fichiers-son de play-back trouvés sur internet, calibrés pour des mâles timbrés comme Sardou, Halliday ou Mitchell ne convenaient pas pour accompagner les gazouillis de femelle pinson de cette perfectionniste de La poule.

Avec Chouchou au bombo, au charango, aux cocos et à la quena, et elle à la guitare sèche, au trombone, aux maracas et au güiero, ils nous ont concocté un blues, ou un azules, plutôt, comment pourrait-on dire, qui balance, qui swingue, qui roule avec autrement dé sensualidad que l'original.

À danser à deux, avec un ou deux ti-ponchs dans le nez de préférence.

Paroles et musique originales de Tom T. Hall

1ère adaptation : Eddy Mitchell
2ième : Saoul-Fifre

La vapeur te sortait du nez
Et puis ton regard zig-zaguait
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Et c'est pas pour me vanter
Mais la perspective m'émoustillait
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Tu viens vers moi
Tu soupèses dans ta main ton manche
L'attente me dure
D'aller me percher sur ta branche

Tu roules des hanches, sans pudeur
Et je sens monter en moi la moiteur
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Jusqu'au sang, je me mords les joues
Pour ne pas t'avouer mes remous
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Dévale en moi
Tu sais que tu as carte blanche
Suffoque-moi
Déclenche en nous une avalanche

T'as le droit de me boire, de m' fumer
De m'fouiller de la cave au grenier
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

T'es mon bouc-hémisphères préféré
Oh oui j'aime te sentir passer
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses ...

Pour les ceusses qui veulent s'amuser à s'enregistrer, voici la version instrumentale, jouée avec le souffle et les petits doigts de La poule et de Chouchou. Merci à eux.

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